Agriculture et contribution à la croissance économique de la rdcpar Pascal BEYA Université Officielle de Mbujimayi - Sciences économiques et de gestion 2019 |
Section 4 : Les obstacles du développement du secteur agricole en RDCOn ne peut pas concevoir, en RDC, une croissance économique rapide sans une forte augmentation de la production agricole. Une croissance insuffisante de cette production sera pour le moins la source de difficultés économique sérieuses. Pour le cas de la RDC, le frein au développement de l'agriculture est causé par plusieurs éléments. 1° une faible priorité donnée par le gouvernement à l'agriculture Le gouvernèrent congolais n'est pas beaucoup concerné par l'agriculture. Le premier danger est celui d'une trop grande priorité accordée à l'extraction des minerais. Il n'est pas dit que l'extraction des minerais ne contribue pas à l'économie du pays. Mais il ne faut pas aller jusqu'au point de négliger l'agriculture. Or, ce que nous voyons en RDC tend à diriger plus d'investissement dans le secteur minier. Dans ce climat, l'agriculture tend à être de plus en plus méprisée et ce mépris se diffuse peu à peu dans les masses. (Voir tableau n°9 en annexe) A tous les échelons, les cadres veulent s'occuper de tout autre chose que l'agriculture. Il ne faut pas non plus s'imaginer tout résoudre par quelques actions limitées telles que la diffusion du petit matériel agricole. La croyance naïve dans la solution miracle qui, à elle seule, réglera tous les problèmes peut faire beaucoup de mal. Nous avons vécu cela avec le projet BUKANGA LONZO, où juste une diffusion du matériel agricole a été faite, mais le matériel agricole fut abandonné sans aucune production réalisée. Tout cela juste parce que la volonté de faire n'existe pas chez les gouvernants. Un pays comme la RDC, qui veut assurer son développement économique a besoin d'un gouvernement qui supprime le régime de la grande propriété financière, qui transforme l'esprit des masses en leur donnant confiance dans l'avenir, en leur donnant le sentiment de participer à une oeuvre commune, dont elles seraient bénéficiaires (lutte contre l'insécurité alimentaire par exemple), qui accorde une priorité suffisante à l'agriculture et réussit à en faire une activité non prioritaire. 2° Des problèmes rencontrées par l'agriculture L'agriculture de la République Démocratique du Congo rencontre beaucoup de problèmes dont notamment : - le vieillissement de la main d'oeuvre agricole : les exploitations agricoles sont essentiellement tenues par des classes d'âge variant entre 40 et 60ans51(*). Cette situation est due au fait que la main d'oeuvre agricole est constamment en diminution de suite d'un exode rural des jeunes. Il devient dès lors difficile d'introduire des techniques nouvelles de production à cause du manque de formation et surtout de l'esprit conservateur de cette classe d'âge : - Manque d'intrants agricoles : la pénurie d'engrais et d'autres produits Phytosanitaires tient le rendement à l'hectare de la plupart des cultures à un niveau très faible. Le problème devient encore grave, car le prix très élevé de ces intrants rend ainsi leur acquisition difficile à une tranche importante des producteurs. La médiocrité des variétés en culture et la dégénérescence des semences ne permettent pas aux cultivateurs d'obtenir des bonnes quantités de production ; - Absence des industries liées à l'agriculture : la quasi-inexistence des industries en amont (outils, engrais, etc.) et en aval (industries de transformation et de mise en valeur des matières premières agricoles locales) reste un obstacle à l'augmentation de la production. L'absence des industries empêche l'agriculture de bénéficier des équipements et des activités constituant des débouchés importants nécessaires à l'expansion. 3° Au niveau de la recherche agricole La recherche agricole concerne essentiellement l'INERA et dans un faible mesure, certaines sociétés agroindustrielles et quelques organismes confessionnels. De ces trois structures, seul l'INERA reste le plus important tant au niveau des activités que du champ d'action. Malheureusement, il est paralysé par une série des problèmes et ne fait pratiquement plus de la recherche agricole. Or, un développement agricole ne peut se faire qu'avec le soutien d'une recherche agronomique efficace et organisée52(*). Il faut également souligner la faiblesse des allocations budgétaires destinées aux activités de recherche agricole. Les ressources mises à la disposition de l'INERA sont presque insuffisantes (voir tableau n°10 en annexe). Avec de tels moyens si maigres, il est pratiquement impossible d'entreprendre des travaux de recherche. 4° Au niveau de la commercialisation Ici, nous avons noté : - l'insuffisance de l'infrastructure et des moyens de transport : les données sur les infrastructures de transports et communication en RD. Congo, sont évaluées à 145.000 km de routes héritées de la colonisation. Pour un pays d'une superficie de 2.344..932km², ces données sont nettement insuffisantes et même constituent un handicap à son développement général de l'agriculture. La dégradation de réseaux routiers freine et bloque la promotion de l'agriculture. Se trouvant dans l'incertitude d'évacuer leurs productions, les producteurs ont été conduits à limiter celle-ci au strict minimum de leurs besoins usuels. Les arrivées sporadiques des commerçants sur les lieux de production à cause de l'état délabré des routes, et celui de leurs camions ne pouvaient pas stimuler les producteurs. Au Katanga, à Nyunzu, à Kanyama, à Ngandandjika, à Luputa, à Kabinda et Lubao au Kasaï Oriental, même là où l'évacuation est possible comme en Ituri, au Nord-Kivu, à Bumba, au Kwilu,... , les agriculteurs sont vraiment démotivés à tel point qu'ils se sont ramenés à une agriculture d'autosubsistance53(*). 5° Au niveau de la politique agricole Les interventions isolées, ponctuelles et quelques fois contradictoires menées sur le secteur agricole montrent l'absence du rôle précis du secteur agricole dans les divers programmes mis en place. Cet état de choses a pour effet l'incohérence totale dans les diverses actions tant au niveau des moyens financiers qu'à celui des mesures à arrêter. Les problèmes à ce niveau sont : - l'inadéquation entre les moyens et les objectifs : l'absence des études de moyens de financement a souvent eu pour effet la mise en place des projets ambitieux, difficile à financer. Beaucoup de ces projets sont restés sans porter des fruits ; - la mauvaise conception des projets : la plupart des projets n'ont guère fait l'objet d'études préalables et ont souvent posé des problèmes financiers pour leurs réalisations tout comme pour leur survie après la phase de financement. A cause de ceci, il en résulte des échéances plus longues ainsi que des pertes énormes d'argent dont le plus spectaculaire Bukangalonzo. Les divers projets ne constituent pas un tout cohérent et ne permettent pas de diversifier avec précision les objectifs à réaliser. Section 5 : Perspective de relance du secteur agricole de la RDC 1° Nouvelle organisation sociale et économique de la production agricole Pour moderniser l'agriculture, il faut faire d'elle une activité intéressante c'est-à-dire rémunératrice. Pour cela, il est nécessaire de réaliser ce qui suit : 1. faire un état des lieux de l'agriculture dans chaque province pour identifier les besoins d'accompagnement selon les réalités contextuelles de chaque milieu. Une identification des structures paysannes est aussi importante pour une planification selon les avantages comparatifs dans les différents territoires et secteurs selon leurs atouts ; consolidés en plans provinciaux, une cartographie participative permettant une meilleure répartition des terres (zonage agricole) par entité de base, accompagnée d'une cartographie précise des actions des partenaires techniques et financiers54(*). 2. investir dans le secteur agricole selon ses besoins et faire une planification axée sur les résultats, renforcer les capacités institutionnelles et économiques des structures étatiques impliquées dans l'accompagnement agricole, 3. soutenir la bonne gouvernance pour permettre une collaboration étroite entre l'Etat et les producteurs, la protection de l'environnement, l'amélioration de l'accès aux marchés et organisations des filières par spéculation en cours (filières café- cacao), une bonne collaboration, un partenariat entre les agriculteurs et les universités pour la recherche et l'accompagnement technique peut être fructueuse, une recherche agronomique dont les objectifs sont déterminés par les organisations paysannes, 4. encourager la formation technique des producteurs dans des centres spécialisés au niveau des collectivités et groupements, des formations pratiques de type école aux champs qui répondent aux besoins techniques des producteurs et favorisant l'accroissement de la production dans des conditions écologiques, 5. faciliter l'accessibilité par les producteurs aux matériels adaptés et allégeant leur travail, organiser les filières vers les marchés cibles, le transport des produits, l'amélioration des systèmes de conditionnement et transformation des produits agricoles et promouvoir les pratiques d'une agriculture respectueuse de l'environnement pour sa rentabilité et sa durabilité et compte tenu de l'enjeu du réchauffement climatique qui se précise (agroforesterie). 2° L'encadrement de la jeunesse en milieu rural55(*) L'encadrement des jeunes dans le secteur agricole en milieu rural est l'une des pistes qui peuvent aider le pays à sortir de la crise alimentaire. Les jeunes disposent d'atouts indéniables ; comme la force physique, le goût de l'argent dans leurs activités, les capacités d'apprentissage, la volonté de présenter un travail bien soigné, le besoin de faire la différence dans les initiatives, etc. Les projets d'encadrement agricoles dans les écoles suscitent de l'engouement de la part des jeunes et doivent être encouragés. L'agriculture devient de plus en plus modernisée avec la mécanisation et le pays s'ouvre progressivement aux pays étrangers avec beaucoup de possibilités d'échanges commerciaux avec des productions plus diversifiées, chose qui intéresse les jeunes en leur procurant un revenu.
3° Renforcement des capacités humaines A ce niveau, on doit mettre en place une politique publique de recyclage et de formation continue des professionnels du secteur ; trouver les mécanismes pour améliorer les conditions de travail des fonctionnaires, encadreurs, enseignants, chercheurs (salaire décent, équipements adaptés...) ;promouvoir et renforcer des organisations professionnelles agricoles ; revitaliser les écoles, les universités et centres de formation dans le secteur de l'agriculture, l'élevage, la pèche industrielle et l'artisanat de transformation agro-alimentaire. 4° Réhabilitation des infrastructures économiques56(*) Les infrastructures économiques doivent être réhabilitées en augmentant substantiellement des ressources financières affectées à la réhabilitation et à l'extension des axes de transport inter et intra régionaux (fluvial, routier, ferroviaire, et aérien) et rationaliser la gestion de ces ressources pour permettre aux producteurs l'accès aux marchés nationaux et internationaux. Il s'agit par exemple de : - l'appui aux petites et moyennes entreprises locales spécialisées dans l'entretien routier ; - l'appui au désenclavement des provinces rurales à fort potentiel agricole : - Avantages accordés aux opérateurs et entreprises privées qui entretiennent le réseau de transport, - Mise en place des mécanismes de financement appropriés et des mesures adéquates d'encadrement de nature à permettre aux entités décentralisées de prendre en charge la réhabilitation, l'entretien et l'expansion des équipements collectifs adaptés à leurs besoins (transport, énergie, eau, marchés...) . 5° Protection de l'environnement et de la base productive naturelle Normalement l'environnement doit être protégé afin de garantir aux générations futures une capacité de production et de développement soutenu d'une agriculture productive et durable. Il s'agit par exemple de : - l'appui aux petites et moyennes entreprises locales spécialisées dans l'exécution des programmes de reboisement, - l'amélioration de la fertilité des sols, des techniques antiérosives ; - la gestion durable des ressources forestières, - l'adoption d'une loi sur la cogestion des ressources halieutiques par l'Etat et les opérateurs de pèche. * 51 LUMUMBA TOLENDA, Le rôle de l'agriculture dans les pays sous-développés en particulier au zaire. Thèse de doctorat à l'Université de Paris, 1976, p.p26-29 * 52 LUMUMBA TOLENDA, Op.cit, p33 * 53 KANYINDA TSHIKUDA et MUSANGU MUAMBA, Evolution de l'agriculture traditionnelle au contact de l'économie : cas du noyau de fortes densités du Kasai 1905-1958, Marseille, 1978, p59 * 54 MOUSSA MUKOKO W., Politiques agricoles et développement socio-économique de la RDC : défis et perspectives. Thèse de doctorat à l'Université de Kinshasa, 2015, p209 * 55 LUBO YAMBELE D., Mondialisation, politiques de développement et perspectives de lutte contre la pauvreté en milieu rural ; regard sur l'intervention de la Coopération Technique Belge dans le Territoire de Kabinda. Thèse de doctorat, FSSAP, Sociologie, UNIKIN, 2009-2010, p96 * 56 KABENGELE DIBWE G., Op.cit, p43 |
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