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Analyse des formes de criminalité (situations-problématiques) dans les services fnanciers mobiles: mobile money


par Nicot KAZADI KADI MOYO K.
Ecole de Criminologie/Universite de Lubumbashi - Master en Criminologie Economique et Environnementale 2020
  

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Section IV. Revue de la littérature

Rachad, A., (2007), explique que la revue de la littérature vise à faire le bilan de ce que l'on sait déjà sur la question de recherche. Elle est analytique dans la mesure où elle ne consiste pas à faire une liste des auteurs et de leurs idées, mais plutôt à identifier des tendances, des orientations, et discutant les conséquences des choix qui fondent ces orientations, en mettant les auteurs en dialogue entre eux, et en soumettant leurs idées et leurs travaux à la critique. Elle démontre que l'on sait ce qui a déjà été fait, de façon à aller un peu plus loin.

Faire une revue de la littérature, revient donc à situer un sujet par rapport aux recherches antérieures, savoir si ce sujet a déjà été traité et de quelle manière les recherches ont été menées dans le même domaine de la recherche ainsi que les résultats auxquels la recherche a abouti. Le chercheur doit signaler, par honnêteté scientifique, les travaux antérieurement réalisés dans son domaine de recherche.

Mais dans le souci de fournir un peu plus d'éclaircissements à nos lecteurs sur la littérature présentée par nos prédécesseurs dans l'abord de ce champ de recherche, nous avons cerné la thématique abordée en trois points de vue différents. Tout d'abord, notons que les études menées par nos prédécesseurs, ont été toutes orientées vers les facteurs (causes) à la base de criminalité dans les services financiers mobile money mais ont divergé quant à leurs résultats. Certaines ont estimé que les causes sont d'ordre juridique tandis que pour d'autres, elles sont soit d'ordre technologique soit d'ordre organisationnel.

? Du point de vue juridique

Mercy W. Buku et Rafe Mazer (2017), Services financiers mobiles : protéger les clients, les prestataires et le système de la fraude.

Dans cette étude-là, ces auteurs commencent par reconnaître de prime abord que l'espace de l'argent mobile ne cesse de s'élargir. À mesure qu'un plus grand nombre d'acteurs intègre l'arène des services financiers mobiles et que de nouveaux produits sont offerts, les prestataires devront s'employer à travailler de concert et il faudra alors probablement adopter les réglementations qui conviennent. Les efforts visant à documenter et normaliser les solutions efficaces de lutte contre la fraude et de gestion des risques peuvent accélérer le développement d'approches cohérentes et efficaces dans tous les services financiers mobiles à travers le monde.

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Cette note traite de la façon dont la fraude affecte les prestataires, les agents et les utilisateurs de services financiers mobiles, ainsi que les efforts déployés pour atténuer les vulnérabilités et les risques associés à la fraude dans les services d'argent mobile et d'autres prestations connexes. S'il n'est pas possible d'éradiquer complètement la fraude de tout service, argent mobile compris, les exemples montrent renchérissent les auteurs que la fraude est un problème majeur dans plusieurs marchés importants pour les utilisateurs et les agents, et qu'il existe de simples mesures que les prestataires peuvent appliquer pour réduire leur vulnérabilité aux formes de fraude habituelles.

Cela signifie que des mécanismes de surveillance comme les contrôles de conformité et les dispositifs de retour des clients resteront des éléments essentiels pour lutter efficacement contre ce phénomène et réduire les risques. Les prestataires doivent partager les expériences réussies avec leurs pairs, afin que tous adoptent des bonnes pratiques et mènent des actions collectives au besoin. Pour ces auteurs, le secteur des services financiers mobiles a certes mis au point un éventail de solutions de lutte contre la fraude, mais de nombreux responsables politiques restent à la traîne car ne disposant pas de cadres réglementaires ou d'outils d'évaluation des risques adaptés à ces services.

À l'avenir proposent-ils, les responsables politiques doivent participer davantage aux initiatives menées par le secteur pour réduire la fraude et, si possible, formaliser les bonnes pratiques en des prescriptions communes applicables aux prestataires de services financiers mobiles. La diversification des produits et la réduction des pertes pour les utilisateurs, les agents et les prestataires auront d'énormes effets positifs sur les services financiers mobiles, le bien-être des utilisateurs et la rentabilité des prestataires.

INTERPOOL (2020), Rapport sur l'infiltration par les milieux criminels du secteur florissant de l'argent mobile en Afrique.

Dans ce rapport, Interpool établit des liens entre le secteur de l'argent mobile en Afrique en plein essor et la traite d'êtres humains, le blanchiment d'argent ainsi que le trafic des stupéfiants.

Pour celui-ci, le secteur de l'argent mobile en Afrique, qui représente des milliards de dollars, est exploité par les groupes criminels organisés, une tendance qui ne fera que s'accentuer avec le déploiement de ces services sur l'ensemble du continent. Faisant

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allusion à son rapport antérieur intitulé : « Services de paiement par téléphone mobile et criminalité organisée en Afrique », Interpool déclare comment celui-ci donne un aperçu de l'exploitation criminelle de ces services, notamment au travers de la fraude, du blanchiment d'argent, de l'extorsion, de la traite d'êtres humains, du trafic de migrants, du commerce illégal d'espèces sauvages et du terrorisme. Pour lui, le continent africain est le leader mondial du secteur de l'argent mobile : on y trouve en effet près de la moitié des comptes d'argent mobile enregistrés dans le monde.

Du fait du rôle important que joue l'argent mobile dans les sociétés et les économies africaines, et de la rapidité avec laquelle l'infrastructure correspondante a été mise en place, renchérit Interpool, les malfaiteurs ont pu « exploiter les faiblesses des réglementations et des systèmes d'identification » et commettre des infractions liées à l'utilisation frauduleuse des services d'argent mobile. Interpool estime que c'est l'absence de contrôles d'identité rigoureux qui est à la base de cette criminalité. Le rapport souligne également que l'argent mobile en lui-même s'est avéré positif pour l'inclusion financière et le développement économique dans de nombreux pays africains, et qu'une économie informelle davantage fondée sur le numéraire peut parfois représenter un défi encore plus grand pour les services chargés de l'application de la loi.

Toutefois, ajoute-t-il, l'absence de contrôles rigoureux de l'identité des utilisateurs s'ajoutant au manque de ressources et de formation des services de police dans le domaine des infractions liées à l'argent mobile a donné naissance à un système financier particulièrement vulnérable à l'infiltration par les milieux criminels. Le type de document d'identité demandé pour ouvrir un compte d'argent mobile n'est pas uniforme sur l'ensemble du continent africain, les documents acceptés allant des cartes nationales d'identité aux cartes d'entreprise, attestations fiscales et permis de conduire.

Si le large éventail de documents d'identité acceptés favorise l'essor des services d'argent mobile, il accroît également leur vulnérabilité à la fraude, au blanchiment et à d'autres formes de criminalité. En outre, même si l'on note une augmentation du taux de condamnation pour les infractions liées à l'argent mobile, il est parfois difficile de faire admettre, lors de la procédure judiciaire, l'expertise technique et les équipements nécessaires à la réalisation de l'enquête.

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? Du point de vue technologique

Gaber, C., (2013), Sécurisation d'un système des services financiers sur terminaux mobiles.

Dans sa thèse de doctorat, cet auteur donne comme premier objectif à son étude, celui de proposer une architecture et des protocoles qui sont adaptés aux réseaux tout-IP, qui tirent profit des capacités des fonctionnalités de ces réseaux et des smartphones pour enfin proposer des services sécurisés de bout-en-bout et plus ergonomiques. La fraude et la détection de celle-ci dans ce domaine ont aussi été étudiées.

Quant au deuxième objectif, qui a un lien avec notre objet d'étude, l'auteur souligne qu'en dépit de l'existence des travaux dans le domaine de la fraude bancaire, aucune étude ne s'est penchée sur la détection de fraude dans les services de transaction sur mobile et l'adaptation des méthodes de classification à ce domaine. La différence des usages et des modèles, par rapport aux services financiers bancaires, implique qu'il est nécessaire de réaliser une adaptation propre au service de paiement sur terminal mobile.

Gaber estime que, en ce qui concerne la sécurité et les moyens permettant d'éviter que des fraudes ne se réalisent en exploitant l'architecture réseau du système, il faut une architecture et des protocoles propres à sécuriser la transaction de bout-en-bout entre une carte SIM d'un terminal mobile et la plateforme de paiement.

Andrew Dornbierer (2020), L'argent mobile et les infractions financières.

Analysant l'évolution de l'argent mobile pendant la période marquée par la pandémie à Covid-19, Andrew confirme que la quantité d'argent qui transite à travers les systèmes de paiement mobile a explosé mais il se pose une question primordiale, celle de savoir si l'on doit s'inquiéter pour l'utilisation de l'argent mobile en matière d'infractions financières.

A cette question, l'auteur postule deux hypothèses, selon lesquelles. Certains s'imaginent que les sommes sont encore insignifiantes pour en tenir compte, d'autres au contraire, disent que les systèmes sont ouverts aux détournements par le crime organisé. On les accuse de permettre le commerce illégal de devises. Andrew estime que les systèmes d'argent mobile peuvent être détournés pour la corruption et le blanchiment de capitaux.

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S`appuyant plus sur l'expérience de terrain en Afrique subsaharienne, l'auteur mentionne comment les agents de détection et de répression peuvent profiter de ces moyens de paiement largement répandus, afin de dénoncer la corruption et les mécanismes de blanchiment de capitaux afin de les confondre devant le tribunal.

Pour conclure ses propos, Andrew pointe du doigt la qualité du service de l'argent mobile comme faiblesse occasionnant toutes sortes de criminalité financière. Un service qu'il estime ne pas être à la hauteur de bien tracer non seulement le comportement de ses usagers mais aussi celui de ses propres employés pour faciliter le travail des enquêteurs.

? Du point de vue organisationnel

Neil, D., et Leishman, P., (2013), Construire, motiver et gérer un réseau d'agents pour les services d'argent mobile: guide pratique pour les opérateurs de téléphonie mobile.

Intéressés beaucoup plus par l'importance combien incontournable que jouent les agents (vendeurs) dans le service mobile money, ces auteurs mettent l'accent sur l'encadrement de ces derniers car, selon eux, les services d'argent mobile constituent une activité bien plus complexe que les services traditionnels de téléphonie mobile. Et donc, pour eux, les plateformes d'argent mobile présentent pour les opérateurs une multitude de défis opérationnels et de questions stratégiques. L'un des défis les plus importants est la nécessité de mettre en place un réseau d'agents.

Reconnaissant les multiples défis auxquels les acteurs de l'écosystème mobile money sont confrontés, dont la criminalité, les auteurs estiment qu'investir dans la formation des agents serait une bonne chose car, renchérissent-ils, une bonne formation des agents constitue le premier rempart contre les différentes formes de criminalité (fraude, abus...).

Illustrant l'exemple des Philippines, les auteurs relatent que Smart Money8 et la Banque Centrale du pays consacrent une journée complète à la formation des nouveaux agents ainsi que du temps supplémentaire pour leur fournir de l'assistance. Le résultat est un réseau qui respecte systématiquement les procédures de vérification d'identité des clients, éliminant potentiellement la possibilité pour les clients d'effectuer des opérations en dissimulant leur identité.

8 Ce terme fait référence aux banques centrales, teneurs de marché et les investissements institutionnels.

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Mark, F., Claudia, M., et Mark, P., (2011), La gérance d'agents trousse à outils : construire un réseau viable d'agents de services bancaires sans agences.

Pour ces auteurs, à mesure que les activités d'un service bancaire mobile se développent, les agents (acteurs) attirent de plus en plus les criminels. Les auteurs relatent à cet effet, qu'un groupeur qui opère pour le compte de M-PESA lui a rapporté que 10 % des agents ont été cambriolés en 2018. Au Brésil, 93% des agents interrogés par le CGAP ont déclaré que le fait d'être un agent augmente leur risque de se faire voler, et 25 % ont indiqué qu'ils avaient été victimes de vol au moins une fois durant les trois dernières années.

Le montant du capital de départ qu'un agent doit constituer pour commencer ses activités peut s'avérer plus élevé en raison des dépenses inhérentes au renforcement des mesures de sécurité. Toutefois, la dépense qui résulte d'un cambriolage est bien plus grande. De plus, les agents peuvent être obligés de rembourser tout ou partie des fonds perdus pour cause de vol. Lorsque les commerçants participent à des programmes comme M-PESA, dont les agents doivent fonctionner avec leurs propres fonds en caisse, ce sont les agents mêmes qui doivent assumer l'intégralité des pertes occasionnées par un cambriolage.

Au Brésil, renchérissent ces auteurs, les agents ne se servent pas de leurs propres liquidités mais les banques leur demandent d'assumer avec elles une partie des frais pour assurer ces liquidités ainsi que le risque en étant responsables de la première partie des fonds volés. En moyenne, cela revient, pour un agent, à être passible du remboursement de 540 USD de l'argent volé, soit trois mois de bénéfice sur les activités d'agent.

Bien que parlant aussi de la réalité du terrain basée sur les formes de criminalité dans les services financiers via mobile money, notre étude s'écarte de celles précédentes, car nous essayons d'aborder la question liée à la criminalité via mobile money en faisant fi à la manière dont les précédents auteurs l'ont abordé. En sus, ce travail ne vise pas à démontrer les avantages que procurent ce service financier lié à la technologie mais plutôt cherche à comprendre les différentes formes de situations-problématiques que les acteurs utilisant ce service rencontrent au quotidien. Nous pouvons dire que notre recherche contribue à la production du savoir dans le domaine du mobile money en cherchant à comprendre les problèmes d'ordre financier auxquels les utilisateurs sont confrontés.

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Nos prédécesseurs ont abordé le sujet en reconnaissant que le service financier n'a pas seulement des opportunités mais aussi des ennuis. Ils établissent la responsabilité de ces failles soit dans les lois qui régissent ces services, soit dans la technologique qu'ils trouvent inefficaces pour contraindre les déviants à commettre leurs bavures, d'autres encore estiment que cela est dans l'organisation même du service. A la différence, nous abordons le sujet sous l'aspect criminologique : analyser le phénomène tel qu'il se déroule, selon la manière dont les acteurs impliqués dans le phénomène se représentent la réalité dans leur subjectivité. En plus, nous allons aussi démontrer que la déviance n'est jamais monofactorielle comme l'ont estimé les prédécesseurs mais plutôt et toujours plurifactorielle.

Notre étude cherche bien entendu à faire une analyse sur les formes de criminalité dans les services financiers via mobile money, et cela d'une manière démarquée des autres :

- Premièrement en nous distanciant du code institutionnel ou substantiel (faisant référence au langage juridique, à la loi) pour adopter celui descriptif c'est-à-dire qui « abandonne les concepts juridiques (pénaux), modifie leur signification ou élabore de nouveaux concepts. Recourir au code descriptif nous amène à maximaliser la capacité descriptive de notre langage étant donné que celui-ci évite l'utilisation d'un langage à connotation juridique, justement parce que ce langage se prête mal à la tâche de description empirique » (Alvaro, P., 2008). Pour cette raison, nous allons employer des concepts plus descriptifs, c'est-à-dire la description du phénomène sous étude et plus ouverte, plutôt que les concepts affiliés au droit pénal (Alvaro, P., 2008). Chose qui n'a pas été faite par nos prédécesseurs.

- Deuxièmement, contrairement à nos prédécesseurs qui ont analysé le phénomène de manière statique, c'est-à-dire sans rompre avec la vision traditionnelle qui a toujours considéré la victime comme un acteur passif de l'infraction, en voyant seulement les traumatismes et préjudices subis par celle-ci, notre étude ira au-delà afin de voir si la victime peut à son tour avoir un rôle actif dans sa victimisation.

Voilà les deux aspects originaux que nous apportons à la littérature existante sur la criminalité via mobile money.

Après avoir étalé la littérature existante en rapport avec notre sujet de recherche et montré son originalité, nous passons à la problématique, une autre section aussi importante de notre travail.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius