IV.6 Risques liés à la
réglementation, supervision et l'application des règles
Sur ces marchés, le cadre
réglementaire des services d'argent mobile
n'est pas suffisamment rigoureux, ce qui
donne lieu à une prolifération d'agences de
transfert d'argent non agréées ou de produits
non réglementés qui, à leur tour,
favorisent parfois les activités
criminelles.
A ces défaillances réglementaires quant à
l'utilisation du mobile money à des fins
criminelles, s'ajoutent les limites
reconductibles aux facteurs de risque relatifs à la conduite de
l'activité d'émission de la
monnaie qui la véhiculent.
IV.7 Risques liés à l'authentification
des pièces d'identité
Dans les services financiers via mobile
money, toutes ces formes de situations problématiques
que l'on y retrouvent sont aussi dues au fait que les
personnes physiques peuvent plus facilement recourir à des pièces
d'identification fausses.
L'absence d'un dispositif efficace
de vérification de l'authenticité des
pièces d'identité par les opérateurs de
téléphonie mobile constitue une forte limite à la
prévention de ces risques, d'autant
que chez plusieurs opérateurs de téléphonie
mobile, l'utilisation du mobile money est
possible dès l'identification du client et non
après vérification de l'authenticité de
sa pièce d'identité.
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impossible à réaliser.
Aussi, les possibilités
qu'ont les acteurs de passer d'un pays
à un autre, en l'absence
d'une base de données sous-régionale
d'identification des personnes physiques,
peut favoriser la survenance de ces risques.
Ainsi, la libre circulation des personnes entre Etats
constituerait un facteur de risque.
Section V. La téléphonie mobile : une
évolution exponentielle
C'est en 1876 que les brevets de
l'appareil téléphonique ont été
déposés, ce qui survient quelques années
après l'émergence du télégraphe
(Bardin L., 2002). Le réseau
téléphonique, qui permet la transmission
à distance de la voix humaine, peut ainsi
démarrer aux États-Unis, mais est
réservé au départ à des hommes
d'affaires et à la bourgeoisie mondaine (Bardin
L., 2002).
Entre les deux guerres mondiales, le
téléphone existe certes, mais son usage
s'élargit peu. Le nombre
d'utilisateurs du réseau téléphonique
s'élève à 400 000 en 1924 et à 1
million en 1938 (Akoun A., 2002).
C'est seulement dans les années 1970
qu'on assiste à la diffusion du téléphone
résidentiel de base, passant de 25 % de foyers
raccordés au réseau par une ligne résidentielle à
plus de 90 % (Bardin, 2002).
Depuis 2005, le téléphone fixe
est en perte de vitesse alors que le nombre d'abonnés
au téléphone mobile est en constante augmentation.
Le téléphone cellulaire est désormais
utilisé davantage que le téléphone fixe et est maintenant
le moyen de communication le plus utilisé. À la
fin de 2011, le nombre d'abonnés
à la téléphonie cellulaire se situait à près
de 6 milliards (Union Internationale des
Télécommunications, 2012).
L'augmentation du nombre
d'utilisateurs du cellulaire s'explique entre
autres par : l'apparition de nouveaux
fournisseurs de services qui ont attisé la concurrence,
entraînant une baisse des prix ; le fait que de
nombreux consommateurs perçoivent les téléphones
cellulaires comme un bien « essentiel »,
c'est-à-dire une dépense
qu'ils se disent prêts à assumer même en
période de récession en raison des fonctionnalités
avancées qu'offrent désormais les
téléphones cellulaires.
Dans le même élan
d'évolution technologique,
aujourd'hui le téléphone portable
n'est plus seulement l'outil servant la
communication entre personnes mais aussi l'outil technologique
servant comme moyen des paiements financiers. Tel est le cas
du mobile money. C'est également dans
cette même optique des choses que le cellulaire n'est
plus seulement un moyen de communication ni moins encore des paiements
financiers mais il est devenu également un moyen de perpétration
des déviances.
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La téléphonie mobile au service de la
criminalité
Dans son mémoire intitulé :
« l'utilisation des TIC à des fins de
harcèlement criminel en situation de violence conjugale »,
Annie Bernier (2016) démontre par exemple que
l'un des moyens les plus populaires servant le
cyberharcèlement, est l'appareil
téléphonique.
Bernier renchérit qu'à partir
des appareils cellulaires, plusieurs informations
supplémentaires peuvent être acquises permettant de
connaître non seulement l'identité probable de
l'appelant, mais aussi sa
localisation. Dans le cadre de son étude,
l'auteur souligne que pour atteindre leurs
victimes, les harceleurs utilisent le téléphone
portable même sans leur consentement préalable et ce,
grâce à la caméra disponible à ce
dispositif technologique.
Bernier rappelle également la définition de
contrôle coercitif caractérisant la situation de violence
conjugale établie par Johnson (2014) et Stark (2014) comme étant
l'utilisation de diverses formes de violences dans le but
d'exercer sur la victime un contrôle total et sa
domination à long terme. Dans la situation qui
l'importe, le délinquant est
motivé par des ambitions d'exercer un tel
contrôle sur sa conjointe et les TIC lui fournissent
l'opportunité d'y parvenir,
moyennant un minimum de compétence, par
différentes formes de harcèlement se perpétuant en
contexte post-séparation.
Dans le cadre de l'évasion par
exemple, il a été constaté que le
téléphone portable ne joue pas seulement le rôle
d'un compte mobile mais aussi il est le moyen mettant en
liaison le délinquant motivé et sa cible attrayante.
Par le même moyen, la cible attrayante
répond favorablement à la demande de son délinquant
motivé.
Les propos de monsieur Kamina en témoignent davantage
:
« Le monsieur qui vient de m'appeler
s'est présenté comme étant un agent de
marketing de la société Vodacom Congo. Il
m'a dit que je venais d'être
récompensé financièrement par Vodacom suite à mes
services financiers réguliers que je fais à partir de mon compte
M-Pesa parce qu'il n'y a pas
longtemps que je venais d'effectuer un dépôt
d'une grande somme d'argent à mon
enfant qui est à Kinshasa pour qu'il paye la
marchandise.
Il m'a dit d'attendre un
moment pour que je reçoive mon bonus mais curieusement lui qui
s'est présenté comme agent de marketing de
Vodacom
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commence à m'appeler avec un
numéro Airtel même vous ; c'est un escroc qui
veut me voler ».
Ceci prouve à suffisance que le téléphone
portable n'est plus à nos jours un moyen de
communication seulement mais aussi, il est devenu un moyen par
lequel le délinquant motivé peut atteindre sa cible attrayante et
vice versa. Comme le démontre Annie Bernier,
le téléphone portable facilite
l'harceleur d'atteindre sa victime en un clin
d'oeil et ce, avec ou sans le consentement
préalable de celle-ci (victime).
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