II.8 « La dotation d'identité »
Le concept « dotation » vient du verbe « doter
» qui veut dire assigner, fournir ou attribuer quelque
chose à quelqu'un. Contrairement
à l'usurpation d'identité qui
est une technique consistant à s'approprier
l'identité d'une tierce
personne, la dotation d'identité
devient alors son opposé.
La dotation d'identité est une forme
de criminalité récurrente dans les services financiers mobiles
qui consiste pour les agents officiels ou débrouillards et même
vendeurs du service mobile money d'enregistrer sous leurs
identités les cartes SIM qu'ils vendent et parfois
même les comptes mobiles des clients. Ceci se fait lors
de l'ouverture du compte où ces acteurs
habiletés à ouvrir les comptes mobiles, mettent
leurs identités en lieu et place de celle du propriétaire et
ce, pour des raisons inavouées.
Cette forme de criminalité pose des sérieux
problèmes lors du déblocage par exemple du compte mobile ou de
l'activation d'une SIM blanche en une SIM
active où l'identité du propriétaire par
pièce d'identité officielle est toujours
exigée. A ce moment là,
l'identité du compte mobile ou de la SIM
active sera différente de la vraie identité de la
personne. Par conséquent,
l'opération ne sera pas possible parce que
pour les agents officiels habiletés à faire ce travail,
cela sera compris comme une tentative de fraude ou de
vol.
La plupart des clients ne savent même pas sous quelle
identité leurs comptes ont été
créés.
Voici ce qu'a vécu monsieur
Iningo, consommateur du service mobile money comme
problèmes liés à la dotation
d'identité :
« Pale ananyuliza vile njo mina mu expliquer kusema
niko na carte sim yangu muko makuta ; sasa ile carte sim ai afficher tena mu
téléphone njo minakuya ni fanishishe sim blanche.
Anasema akuna problème tuko nafanya ma sim
blanche.
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Ana nilomba numéro ya téléphone na
carte d'électeur na ma numéro cinq (5) ya bale
minaongeyaka nabo sana ba correspondants.
Minamupa.
Anavinyavinya téléphone njo ananyambia
kusema na ii sim yako abitawezekana parce que naona identité ile iko
enregistrée mu sim aina yenu ii munanipa pa carte
d'électeur. Anasema : ii sim yako iko
enregistrée mu jina ya Gbadolite pendant que carte
d'électeur yako ni Inongo. Pale
anasema vile njo minakumbuka parce que ile carte sim miriyuzaka mu njia zamani
pale niko nakuya uku mu 2014».
En français, cela veut dire ceci
:
« Quand il m'avait posé la
question, alors je lui dis que j'ai une carte
SIM om il y a une somme considérable d'argent.
Maintenant, la carte SIM en question
n'affiche plus dans mon téléphone.
Voilà pourquoi je viens auprès de vous pour que vous
m'aidiez à faire la SIM blanche. Il
prend le téléphone ainsi que la carte
d'électeur puis me demande cinq numéros des
correspondants avec qui je cause.
Il fait des manipulations au cours d'un
moment donné puis me dit que l'opération
n'était pas possible parce que la carte SIM active
avait une identité différente de la mienne. Il
me dit que la carte SIM était enregistrée sous le nom de
Gbadolite pendant que moi, je m'appelle
Inongo.
Quand il avait cela, directement je
m'étais rappelé parce que cette SIM
là, je l'avais payé en cours de
route quand je venais ici en 2014 ».
Pour résoudre le problème de la dotation
d'identité afin d'être
rétabli dans ses droits, monsieur Inongo a fait recours
à la corruption et aux pratiques frauduleuses :
« Njo tena paka yeye ananyambia kusema ivi munasema
muko makuta ya mingi ; kama ukyende ku shop batenda ku ku suspecter kusema
unaiba carte sim ya benyewe et que muko nataka mubebe makuta iko ndani bita mi
compliquer. Ivi nataka nikusidie. Minamuliza
munsaidiye je ?
Ananyambia que eko na muntu moya (rafiki yake) à
partir ya Kinshasa ule anatumikaka mu shop moya kule. Alors
ule muntu njo anatusaidiaka ku changer identité à partir ya kule
; comme ça itatu permettre kama ana changer identité itakuya sasa
yako et à ce moment là vile muko makuta itakuya facile kufanya
sim blanche. Njo ananilomba ma droit yake juu ya ile kazi et
effectivement anaita ule muntu yake banaongea banapatana njo banafanya ile ye
moya aritaka asema ni
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mise à jour ya carte sim. Ile sa
banaisha ile mise à jour njo minaenda sasa ku shop juu ya kufanya sasa
sim blanche na ku récupérer makuta yangu. Njo
vile bintu birifanishikaka ».
C'est-à-dire en français
:
« Après cela, il me dit que
comme il y a de l'argent dans la carte SIM,
si j'allais au niveau de la shop, on
va me suspecter comme quelqu'un qui a volé une carte
SIM d'autrui et qui veut voler l'argent et
ça va compliquer. Pour cela, je veux
vous aider. Je lui demande comment ?
Il me dit qu'il a
quelqu'un (son ami) à partir de Kinshasa qui est agent
et travaille dans une shop. Est donc,
celui-là pourra nous aider à changer
l'identité de la carte SIM en votre nom à partir
delà et comme il y a de l'argent, cela
nous permettra de faire facilement la SIM blanche.
Après lui avoir donné ses droits et
effectivement il appelle son ami là et ils causent puis font ce que
lui-même appelait la mise à jour de la carte
SIM. Après cette mise à jour,
j'étais allé à la shop pour
faire la carte SIM blanche puis récupérer
l'argent. C'est de cette
manière que les choses s'étaient passées
».
Reconnaissant le phénomène de « dotation
d'identité », monsieur
Maïndombe, vendeur du service mobile money donne les
raisons pour lesquelles ils enregistrent les cartes SIM et les comptes mobiles
sous leurs identités et même autre que leurs propres
identités :
« C'est vrai, ce
que tu dis là est tout à fait correct. Mais nous
quand on fait cela, moi personnellement, ce
n'est pas dans une mauvaise intention mais je ne sais pas pour
les autres peut être. Pour moi, quand
je fais cela c'est juste pour gagner du temps.
Tu sais, si on doit chaque fois commencer à
demander à chaque client son identité, il y en a
d'autres qui ne maîtrisent même pas leur propre
identité. Voilà pourquoi nous le
faisons. C'est seulement pour gagner du temps
et faciliter les clients ».
Contrairement à ce que dit monsieur
Maïndombe, mademoiselle Mbandaka estime que ces agents
(officiels ou débrouillards) et même vendeurs du service le font
sciemment. Elle relate ce que l'a vécu
où le vendeur voulait intentionnellement voulu mettre son
identité au lieu de lui demander la sienne.
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« J'arrive devant une
cabine, je trouve le monsieur qui était là et je
lui dis que j'avais besoin d'ouvrir un compte
Orange Money. Le monsieur accepte, me demande
le téléphone. Curieusement, le
monsieur commence à manipuler le téléphone
jusqu'au point de me demander que je luis dicte le mot de
passe. Fâchée, je luis dis mais
monsieur tu as mis quelle identité ? Parce que tu ne
m'as pas demandé mon identité et grave encore tu
veux que te dicte mon mot de passe ? En quoi est-ce
qu'il sera secret si toi tu restes avec ? Il avait
échoué quoi dire et je lui avais obligé de refaire les
choses afin qu'il mette mon identité et que le mot de
passe c'est moi-même qui dois taper et
non lui et il était obligé de le faire
».
Voilà d'une manière très
détaillée les différentes formes de criminalité qui
se vivent dans les services financiers mobiles dits Mobile
Money. A noter aussi que cette liste est loin
d'être exhaustive.
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