Les états défaillants et débiles en Afrique cas de Soudan du sud et de la Somaliepar Mohamed El Moctar Khatry Universite de Alcala - Master Universitaire en Protection Internationale de droits de l'Homme 2018 |
Section I : Concept de l'Etat défaillant et certains concepts voisins de celui-ciLe nouvel ordre mondial place au coeur de ses priorités la garantie de la sécurité et de la stabilité mondiale. L'État moderne, selon la théorie du contrat social, s'attache à protéger l'individu et à assurer sa sécurité, comme étant la base du système social moderne. Cette théorie est centralisée autour de l'État national, qui est l'autorité suprême, politiquement et juridiquement. Avec la globalisation d'aujourd'hui, caractérisée par l'ingérence du pouvoir extérieur, nous assistons à l'affaiblissement de cet état, sans oublier le rôle des mouvements sociaux internes, remettant ainsi en question ce modèle de modernité politique et juridique. En effet, l'émergence aujourd'hui d'États dits fragiles, déstructurés ou défaillants, n'ayant pas la capacité ou la volonté de répondre à leurs obligations, tend à contredire cette théorie5. Le concept d'États défaillants doit être distingué de certains concepts qui lui sont proches. La défaillance de l'Etat peut apparaitre sur plusieurs niveaux, sur le niveau politique, par la faiblesse des institutions politiques, l'émergence de crises internes profondes, l'absence de séparation des pouvoirs, l'absence de la démocratie et la liberté d'expression. Il peut apparaître ainsi sur le niveau sécuritaire, par la faiblesse des appareils sécuritaires, ce qui conduit à l'incapacité des forces étatiques de lutter contre la propagation de la criminalité et le terrorisme, et d'une façon générale, l'incapacité de contrôler la sécurité d'une manière appropriée. En plus de faiblesse sur les niveaux précédents, on peut ajouter la faiblesse sur le plan économique et financier. Dans des pays à des revenus faibles, l'apparition du chômage des jeunes et le manque d'une bonne gouvernance en matière de gestion de ressources naturelles, la faiblesse du système bancaire ; tous ces facteurs peuvent conduire l'Etat à l'échec. Avant d'aborder les définitions présentées par les politiciens et certains universitaires, il est important de mentionner quelques concepts proches du concept d'État défaillant. 5 Evelyne Jean-Bouchard, les états déstructurés comme application contemporaine du pluralisme juridique, Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en droit international, université du Québec à Montréal, Juillet 2009.p.14 7 I. Concepts voisinsUne diversité de termes babyloniens est utilisée pour décrire la faiblesse, la défaillance ou l'effondrement des institutions et de l'autorité de l'État. Cependant, cette diversité de termes ne fournit guère une image exacte de l'hétérogénéité et de la complexité des phénomènes décrits. Plutôt, les différents termes décrivent souvent le même phénomène de la même manière «vague», la différence étant que différents acteurs préfèrent se concentrer sur différents symptômes ou conséquences. Certains évoquent le manque de capacité d'un état par exemple, faible ou inefficace, certains plutôt au manque de légitimité ou de volonté politique de se conformer à certaines règles de la communauté internationale, avec une connotation souvent péjorative, par exemple un État voyou, paria ou hors la loi. Le terme état effondré est peut-être distinct en ce qu'il décrit le point final et la décomposition complète des structures étatiques. Mais des termes comme échec, fragile et état défaillant se réfèrent tous à des étapes intermédiaires, sans qu'il y ait une distinction claire6. Le constat est qu'il y a des concepts proches du concept d'État défaillant qui peuvent même être confondus avec celui-ci. Parmi ceux-ci, nous pouvons énumérer les concepts suivants : I.1 Les États voyousLe Secrétaire d'état américain Cyrus Vance (1977-1980) est considéré à l'origine du terme «Etats voyous», après avoir publié une liste de certains Etats, les décrivant comme tels7. Le conseiller à la sécurité nationale William Hyland, considérait le peuple coréen comme un peuple sauvage, ce qui marque le début de la formation de nouvelles terminologies pour décrire certains pays considérés par Washington comme hors du contrôle. Le dernier terme est l'axe du mal, que George Bush a lancé pour indexer des pays comme l'Iran, la Corée du Nord et la Syrie en les considérant comme une menace pour la sécurité mondiale. Le terme Etat Paria employait Jusqu'à la fin des années 1970, pour désigner les États isolés voulant avoir recours à l'armement nucléaire afin de répondre à leur dilemme de sécurité «Israël, Taïwan, Afrique du Sud et Corée du Sud»8. Les états unis d'Amérique depuis les années 80 focalisait sur la lutte contre des États qui les considère comme terroristes, lutte qui se renforcera sous l'administration Reagan qui identifiera l'Iran, la Libye, la Corée du Nord, 6 Marie Von Engelhardt,International development Oranizations and fragiles states,law and disorder,Governance and limited stathood, op, cite, pp.18 7 Robert S. Litwak, Rogue States and U.S. Foreign Policy: Containment after Cold War, Washington D.C., Woodrow Wilson Center Press, 2000, p. 53. 8 Robert E. Harkavy, «Pariah States and Nuclear Proliferation», International Organization 35, n° 1, Hiver 1981.p.28 8 Cuba et le Nicaragua comme gouvernements voyous soutenant le terrorisme contre l'État américain. Il est désigné comme «voyou » tout État qui poursuivrait une logique d'armement lourd ainsi des régimes qui bafouent les normes internationales alors que le concept n'est pas inscrit dans le droit international9. Les déterminants clés qui font d'une non-démocratie un «état-voyou» aux yeux des décideurs politiques américains : tout d'abord, le pays doit posséder des armes de destruction massive «ADM»10; ensuite, il est inscrit sur la liste des soutiens du terrorisme international édictée par le département d'État américain ; et enfin, il représente une menace potentielle pouvant causer des conflits régionaux majeurs au regard du Pentagone11. Ils sont considérés comme États récalcitrants et voyous, qui sont en plus de s'attaquer à des valeurs fondamentales, ont fait le choix de rester en dehors de la famille des nations12. Les «États-voyous» refusent de se conformer aux normes et pratiques du système international. Ils peuvent chercher à dominer et à remodeler le système selon leurs propres volontés et viser au changement de l'hégémonie régionale ou mondiale. Pour faire face à ces états, les Etas Unis décidaient de les exclure du nouvel ordre mondial, pour soutenir la primauté du droit, et se dresser contre l'agression13. L'introduction du terme états voyous par l'administration de Clinton a été comprise comme une volonté de faire face à ces états si nécessaire avec des moyens militaires. En revanche, le remplacement subséquent des États voyous par des États préoccupants par la même administration a signalé une politique de désescalade. De même, la réintroduction du terme par l'administration Bush fils est venue avec une nouvelle détermination de les affronter. Considérez ces états comme ayant une qualité objective de discernement. Au contraire, toute tentative de définir des états voyous par un ensemble de critères objectifs est vouée à l'échec. Bien que l'acquisition d'armes de destruction massive, l'agression et le soutien au terrorisme soient fréquemment suggérés comme des éléments défensifs de la malveillance, un examen 9 Michael Klare, Rogue States and Nuclear Outlaws: America's Search for a New Foreign Policy, New York, Random House, 1995, pp. 26-27. 10 Alexander L. George, «Case Studies and Theory Development: The Method of Structured, Focused Comparison» in Paul Gordon Lauren (dir.), Diplomacy: New Approaches in History, Theory and Policy, New York, Free Press, 1979, pp. 43-68. 11James P.Muldoon,Jr, Joann Fagot Aviel,Richard Reitano, Earl Sullvian,The New ,Dynamics of Multilaterism,Diplomacy, International organizations and global governance, the challenge of «Rogue states» for a Troubled International Community, Westview Press, 2011,pp. 93 , 12 Anthony Lake, «Confronting Backlash States», Foreign Affairs, Vol. 73, No. 2 (Mar. - Apr., 1994), pp. 45-55. 13 Anthony Maranghi, La politique étrangère américaine face «aux états-voyous», Disponible sur le site https://www.recherches-internationales.fr/RI100/RI100AnthonyMaranghi.pdf 9 plus attentif révèle que les doubles standards sont utilisés lorsque les États sont distingués pour leur impureté présumée14. |
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