III.2.2.2. La fragilisation de l'Idego dans le
groupement Ulimba
La conservation et la sécularisation de la tradition
à laquelle fait partie le rite funéraire de l'Idegotient
également à l'existence des institutions traditionnelles de
préservation comme le barza tenue par les dépositaires de la
coutume Lega ainsi qu'à la résilience du droit coutumier en
concurrence avec le droit positif moderne. Or, depuis quelques années,
suite à l'envahissement des chefferies traditionnelles par les
superstructures modernes (c'est le cas notamment du groupement Ulimba qui est
supplanté par la commune rurale de Kalima), les institutions
traditionnelles chargées de la conservation des cultures des
sociétés exotiques sont, si pas remplacées par les
institutions modernes mais écornées par elles. Ainsi par exemple,
les tribunaux coutumiers devant lesquels un insolvable de l'idego devait
être déféré ont été supprimés
et remplacés par les tribunaux de paix, matériellement
incompétents pour connaitre des litiges coutumiers. Il en est de
même des barza traditionnels qui n'ont pas d'imperium coercitif pour
faire appliquer les résolutions arrêtées par les
dépositaires de la coutume. Ainsi, l'Idego dont le payement fut
obligatoire il y a quelques années, est laissé au bon vouloir et
aux sottes humeurs des individus. Le respect des délais impartis pour le
payement de l'Idego en pâtissentégalement. Le payement de l'Idego
n'est plus sûr aujourd'hui à cause de l'obsolescence des
institutions d'application. L'Idego est instabilisé.
III.2.2.3. Les desocialisation et privatisation de
l'Idego face à la modernité.
Le rite indemnisatoire et funéraire de l'Idego a
été privatisé. D'abord parce que les individus et familles
ont de plus en plus d'occasion de personnaliser l'IDEGO pour tenir compte de
l'individu visé par ces rites, de ses dernières volontés,
de sa vie, de ses croyances ou de sa non croyance, des liens qu'il a
établi avec son entourage et avec sa communauté. Mais
privatisation également dans le sens où les rites sont moins
qu'avant l'occasion d'un large rassemblement communautaire quasi obligatoire ou
automatique. Ces rites dépendent plutôt de la volonté
personnelle de l'individu que du principe selon lequel les faits sociaux
seraient totaux, globaux et impératifs. Nombreux sont aujourd'hui les
testaments ou les dernières volontés des de cujus qui refusent
que leur mort fasse l'objet de l'Idego, le considérant comme un rite
paganiste et rétrograde.
L'idego a été également
désocialisé aussi dans la mesure où ce rite
funéraire qui, on le voit à la lecture des paragraphes
précédents, perdent progressivement leur capacité de
rassemblement pour faire l'événement de la mort une occasion de
renouer les liens sociaux devant ce mystère et son pouvoir de
néantisation. C'est le contraire qu'on observe : simplification
importante de ce qui subsiste des rites, funérailles réunissant
de faibles foules, endeuillés abandonnés socialement au lendemain
des funérailles. L'Idego est devenu une affaire de groupuscule, une
cérémonie non flamboyante concernant la lignée directe du
défunt et excluant des grands pans des descendants et frères
lointains à cause de la nucléarisation de la famille
imposée par l'urbanisation et l'individualisme occidental. Jadis affaire
de la famille élargie, l'Idego est devenue la charge de la famille
restreinte et du statut du défunt.
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