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Esquisse d'une sociologie des sociologues


par Florian Bertrand
Université de Poitiers - Master 2018
  

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Chapitre 2 : Méthodes et cheminement de l'enquête

Pour apporter des éléments de réponse aux questions que nous nous posons, notre recherche consistera à étudier les trajectoires de plusieurs cohortes de sociologues en axant principalement l'étude sur la relation « formation/emploi ». Nous avons voulu traiter notre problématique à travers un angle à la fois qualitatif et quantitatif pour nous former à ces deux méthodes complémentaires. Concernant les statistiques, comme nous l'avons présenté, nous nous sommes appuyés sur des données issues de la DEPP (2006) et des travaux de Piriou (2008) pour clarifier la question du « tournant praticien » et en parallèle, nous avons récupéré les données de l'enquête Génération 2010 du CEREQ pour tenter d'en apprendre plus sur les caractéristiques des sociologues et sur les questions de leur devenir professionnel et de leur insertion. En ce qui concerne l'approche qualitative, nous avons réalisé 40 entretiens semi-directifs d'une durée moyenne de 1h30 avec d'anciens diplômés d'un master d'une université provinciale.

1. Les populations de l'enquête

L'enquête ethnographique s'est déroulée auprès d'un corpus de 40 personnes (15 hommes et 25 femmes) dont le seul prérequis exigé était d'être passé par le Master de sociologie de l'université où s'est déroulée l'enquête. La particularité de ce master est qu'il est divisé en deux branches : une voie professionnelle (DIS) et une voie recherche (ACCESS). Par nos questionnements quant au devenir des diplômés de sociologie, nous souhaitions avoir une répartition équilibrée des deux spécialités. Ce qui fut plutôt le cas avec 19 diplômés DIS et 21 certifiés ACCESS.

La prise de contact s'est faite par e-mail (cf. Courriel d'accroche en annexe 1). Cette manière de requérir la participation des diplômés a eu des incidences qui feront l'objet d'un travail réflexif dans la partie prévue à cet effet (cf. Une enquête réflexive).

La plupart des participants ont la nationalité française (34/40). L'âge moyen du corpus est de 29 ans (ET = 4,3 ans). La participante la plus jeune a 23 ans et le plus âgé 52 ans. En termes géographiques, beaucoup vivent encore dans l'espace où se déroulait l'enquête (23) mais un nombre conséquent est parti depuis la fin de leurs études (17). Concernant la parentalité, on observe que la majorité des diplômés ne sont pas parents (31/40). Il en est de même du mariage

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peu pratiqué (5/40). Pour ce qui est de leur situation professionnelle, étant donné qu'elle représente une des questions centrales de ce travail, elle sera évoquée ultérieurement. Mais pour la plupart, ils ne sont pas concernés par le chômage (4/40). Nous n'aborderons pas la question du capital culturel puisque notre prérequis à la participation était l'obtention d'un niveau master.

Comme notre population d'enquête présente l'attribut d'en avoir fini avec « l'apprentissage », tous les participants étaient bien actifs et pris dans leurs occupations. Certains étaient éloignés de la région où s'est déroulée l'enquête, de telle sorte que, « l'entrevue physique » ne fut pas la seule situation d'entretien (17/40), nous avons beaucoup échangé avec les diplômés par téléphone (16/40) et par le logiciel Skype (7/40).

L'anonymat étant de rigueur, les noms des participants ne seront pas rapportés. La formation s'inscrivant dans un tout petit univers, celui du département de sociologie d'une petite université, nous avons opté pour la restitution unique du genre, de la tranche d'âge et de la voie de formation du diplôme (ex : Homme, la trentaine, DIS). Les catégories pertinentes pour nos analyses seront rapportées seulement si l'éventualité d'être identifié est infime et si cela ne risque pas de nuire à l'intégrité de la personne. Pour ce qui concerne les enseignants, nous préciserons en aucun cas leur statut hiérarchique, nous rapporterons seulement leur appartenance à l'équipe pédagogique (ex : cadre de l'équipe pédagogique).

Pour ce qui est des données obtenues auprès du CEREQ, une présentation est nécessaire. Les enquêtes Génération sont des dispositifs originaux permettant d'étudier l'accès à l'emploi des jeunes à l'issue de leur formation initiale. Tous les trois ans, une nouvelle enquête est réalisée auprès de jeunes qui ont en commun d'être sortis du système éducatif la même année quel que soit le niveau ou le domaine de formation atteint, d'où la notion de « génération ». Ces enquêtés permettent de reconstituer les parcours des jeunes au cours de leurs trois premières années de vie active et d'analyser ces parcours au regard notamment de la trajectoire scolaire et des diplômes obtenus. En s'appuyant sur un calendrier qui décrit mois par mois la situation des jeunes et sur des informations précises concernant le premier emploi et l'activité occupée au bout de trois années passées sur le marché du travail, il permet donc d'analyser les modalités d'entrée dans la vie active.

Le questionnaire sur lequel se base l'enquête commence par une partie filtre destinée à valider l'identification de l'individu et à vérifier les critères d'éligibilité. Le questionnaire aborde ensuite successivement les thèmes suivants : le parcours scolaire, le calendrier mensuel d'activité sur les 3 années suivant la sortie du système éducatif, les caractéristiques individuelles

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et l'environnement familial. Au coeur du dispositif est édifié un calendrier professionnel, il retrace mois par mois le parcours de l'enquêté entre la date de fin d'étude et la date de l'enquête. A l'issue des différents traitements, les fichiers de résultats de l'enquête Génération 2010 sont répartis en 3 tables rapportées dans un tableau en annexe avec les effectifs de sociologues que nous avons pu retirer de ce dispositif (cf. Annexe 2).

En définitive, l'échantillon réuni par l'enquête regroupait 33 547 individus. Grâce à une variable intitulée « Code de la spécialité (NSF ) de la classe de sortie » nous avons pu distinguer les diplômés de sociologie (tout niveau confondus) au sein de l'échantillon Génération 2010. A partie de la NSF, nous avons pu répertorier 257 étudiants sortis des études après avoir effectué une année universitaire rattachée à un cursus de sociologie. Pour respecter les critères de sélection de nos participants nous avons supprimé les données des diplômés de licence pour retenir uniquement celles des certifiés d'un niveau master ou doctorat. Par conséquent, à partir de la variable « Diplôme de classe terminale » nous avons retiré tous les étudiants de l'échantillon qui n'ont pas un diplôme de niveau 1 de telle sorte que notre échantillon représente 59,8 % de diplômés de master et 40 % de doctorant pour un effectif de 132 participants (cf. Annexe 3).

Les effectifs des sociologues issus de ces enquêtes étant faibles il convient de relativiser les résultats que nous retirerons de ces données. Par exemple, après discussion avec un responsable de l'équipe Génération du CEREQ, nous avons compris qu'il est communément admis en statistique que les résultats peuvent être interprétés comme significatifs à partir d'un seuil de 200 individus, ce qui n'est pas notre cas. Cependant, la culture sociologique étant très critique vis-à-vis du caractère arbitraire que recouvrent ces normes statistiques il ne s'agit pas pour nous de considérer que nos résultats n'ont aucune valeur mais qu'ils mériteraient d'être étayés par des effectifs plus importants, gage d'une significativité communément admise. Néanmoins, dans le cadre d'un mémoire de Master il nous semblait nécessaire et pertinent d'analyser ces données. C'est à travers ces matériaux que seront exposées les caractéristiques des diplômés de sociologie dans le 4ème chapitre (cf. Les caractéristiques des diplômés de sociologie).

2. La construction des matériaux

Cheminement et difficultés

Tout ce qui a trait au déroulement des entretiens, aux difficultés (ou non) a fait l'objet d'un travail réflexif qui se trouve dans la partie 3 (cf. Une enquête réflexive). Les entretiens se sont déroulés de Décembre 2017 jusqu'à la fin Mai. Les coordonnées pour contacter les diplômés ont été obtenus auprès du secrétariat de sociologie sans grandes difficultés suite à l'aval du directeur de formation. Pour ce qui est des données CEREQ, nous avons été mis en relation avec un responsable de l'institut via un professeur de l'université. Grâce à cela, nous avons pris connaissance de la démarche à effectuer pour récupérer les données auprès du centre Maurice Halbwachs. Ainsi, nous avons pu mettre la main sur les données de l'enquête Génération 2010. Concernant le cadrage statistique des flux de diplômés nous nous sommes appuyés sur le travail d'Odile Piriou (2008) qui avait analysé des données issues de la DEPP21 en 2006. Ces données datant quelque peu, nous avions formulé le souhait de reproduire la démarche de l'auteure mais cette fois-ci en effectuant un rafraîchissement des statistiques avec des fichiers plus récents. Conformément à ce qui était indiqué sur le site de la DEPP, nous avons contacter la secrétaire générale pour nous renseigner sur la marche à suivre pour obtenir des données concernant la fluctuation des certifications du supérieur. Cette dernière nous informa « à son plus grand regret » que ce service statistique ne relevait plus de la DEPP mais de « la sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques de l'enseignement supérieur » dont elle nous fit suivre un mail. Adresse qui se révéla être un automate programmé pour accuser notre demande en affirmant qu'elle aurait une réponse dans les 5 jours. Malgré nos relances nous n'avons jamais eu de réponse. Cette déconvenue nous a conduit à nous référer à des données plus anciennes mais permettant une comparaison.

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21 Direction de l'Evaluation, de la Prospective et de la Performance.

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Méthodologie de terrain

Les 40 entretiens ont été menés en respectant le plus possible la trame élaborée dans notre guide d'entretien. Au cours des entrevues étaient évoqués plusieurs thèmes (cf. Grille d'entretien Annexe 9) : leur origine sociale, la trajectoire scolaire et universitaire, l'engagement dans la formation, la recherche/la thèse, l'influence de la sociologie, sa mise en oeuvre, la situation et la pratique professionnelle, leur conception du rôle du sociologue et de la sociologie, leurs projets, etc...

Concernant le déroulement de l'enquête, même si comme le stipule certains manuels, l'exercice de l'entretien correspond plus à de la « débrouillardise » qu'à une méthode standardisée, nous nous sommes raccrochés à des conseils fournis par des sociologues qui promulguent cette approche. Ainsi, comme le conseillent Weber et Beaud (2010) nous nous sommes efforcés de gagner la confiance des enquêtés qu'il faut percevoir comme une condition nécessaire pour obtenir des informations fiables et instructives. Pour cela, l'empathie, les signes d'intérêts, d'approbations, d'étonnements, de compassion ou d'effarement qui ponctuent toute interaction « ordinaire » étaient de mise. Par ailleurs, nous avons veillé à ne pas mettre en place une atmosphère d'examen ou d'audition (même si cela peut sembler inévitable par moment) en mettant en avant notre souhait d'un échange de point de vue. Afin de mener nos entretiens, nous avons adopté un style semi-directif où nous faisions place aux associations libres utilisant des relances en lien avec nos thématiques. Il n'y avait pas d'ordre strict pour formuler nos questions, nos interventions ne visaient pas à flécher le cheminement de l'entretien, à juger ou à évaluer mais à favoriser la libre expression de l'enquêté en l'invitant à poursuivre, à compléter, à synthétiser, à demander une précision...

Pour les entretiens qui se sont déroulés en vis-à-vis, nous avons veillé à nous entretenir dans un lieu calme et rassurant, la plupart du temps un café étudiant ou le domicile pour ceux qui le proposaient. Considérant qu'un climat de confiance devait s'installer nous prévoyions à chaque fois une plage horaire conséquente. En termes de durée, les entretiens se sont étalaient en moyenne sur 1h30. Les entretiens se sont en général achevés lorsque les participants manifestaient le souhait d'y mettre un terme.

Les données statistiques du CEREQ ont été traitées à partir d'un logiciel SAS22 nommé JMP permettant de travailler directement les données, de commander des tests statistiques

22 Statistical Analysis Software.

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restitués numériquement dans des tableaux sous forme graphique et cela, tout en croisant les différentes variables.

Pour travailler nos matériaux qualitatifs, conformément aux conseils de Weber et Beaud (2010) nous avons édifié une grille d'analyse qui comprenait 4 grands axes : la première concernait les caractéristiques sociales, la seconde le devenir professionnel, la troisième le rapport à la sociologie et la dernière recouvrait la question de la légitimité. Cette grille, réalisée avant la réécoute des entretiens a permis de centraliser notre attention sur nos problématisations. Cependant, elle a été modifiée et modulée tout au long de la réécoute, de telle sorte que l'on puisse dire qu'elle fut structurante pour notre analyse et restructurée par cette dernière.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore