II- CADRE CONCEPTUEL.
Le cadre conceptuel ne peut être abordé
qu'à travers une délimitation du cadre d'étude afin de
mieux définir les concepts.
A-DELIMITATION DU SUJET : LA TRANSVERSALITE DES LIBERTES
PUBLIQUES.
L'analyse du sujet sur les libertés publiques en
générale et le droit de grève en particulier requiert
l'intervention d`éléments relevant de diverses branches du
droit.
1-La dimension relative au droit public.
L'étude des libertés publiques passe
forcément par le droit public tant au niveau interne qu'au niveau
international.
19 LE BOT (O), « La liberté de
manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? » in,
DUFFY-MEUNER (A) et PERROUD (T) La liberté de manifester et ses limites
: Perspective de droit comparé, p.33
a- 6
Le volet relatif au droit international
public.
« Les principales libertés publiques sont
consacrées par divers textes internationaux »20,
relevait le professeur Metou Brusil pour signifier le
rôle important que joue le droit international public dans la
consécration des droits et libertés des citoyens. À titre
illustratif, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
dans son article 10 dispose : « Nul ne doit être
inquiété pour ses opinions, même religieuses pourvu que
leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.
».Également, dans le même ordre d'idée, la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples précise que « toute
personne a le droit d'exprimer ses opinions dans le cadre des lois et
règlements.» Plus loin encore, la même charte dispose que
« toute personne a le droit de se réunir avec d'autres(...)
»21(cf. infra)
Ces différents textes consacrés sur la
scène internationale seront réceptionnés en droit interne
par le mécanisme de la ratification.
b- Le volet relatif au droit public interne.
L'étude des libertés publiques en
général, des manifestations voire du droit de grève en
particulier, se situe « à la lisière du droit administratif
et du droit constitutionnel». En effet le droit de grève tel qu'il
sera envisagé dans notre étude, fait nécessairement
intervenir les notions d'ordre, de sécurité publique ou
même de puissance publique. On les là au coeur même du droit
administratif plus précisément dans le domaine de la police
administrative22 (cf. Infra). Toutefois les manifestations à
travers l'occupation de l'espace publique, les descentes dans les rues en
général, constituent le plus souvent de véritables «
moteurs de changement constitutionnel »23. Cela dit, le
«pouvoir de la rue court-circuite le mécanisme de démocratie
représentative. »24 Il parait donc évident que
notre étude nous plongera également dans les méandres du
droit constitutionnel.
Au-delà du droit public, la discipline que constituent
le droit des libertés publiques fait également intervenir des
éléments qui en réalité ressortissent du droit
privé.
20 METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des
libertés publiques au Cameroun »op. cit P.269
21 Confère infra
22 DUFFY-MEUNER (A.) et PERROUD (T.) La liberté
de manifester et ses limites : Perspective de droit comparé; op.cit. ;
p.4
23 Ibid.
24 Idem.
7
2- L'intervention des éléments de droit
privé.
Il s'agira ici concrètement de l'office du juge
judiciaire soit en tant que protecteur des droits et libertés, soit en
tant que sanctionnateur des infractions.
a- Le juge judiciaire dans les libertés
publiques.
Les circonstances historiques de la naissance des juridictions
administratives, notamment les souvenirs de l'époque relative à
la justice retenue ou aux ministres juges, expliquent « que l'esprit
libéral ait considéré celles-ci avec
suspicion»25 ; affirmait Charles Debbasch dans
le cadre de la compétence du juge judiciaire en droit administratif.
Également, rajoutait-il, « trop lié à
l'administration, on ne leur fait pas confiance pour défendre les droits
fondamentaux des individus dans le système libéral.
».26
C'est sur la base de ces a priori
que le juge judiciaire est naturellement considéré
comme le meilleur garant des droits et libertés
fondamentaux27. Mais en réalité, ces
considérations peuvent être relativisées. En effet, le juge
administratif, plus habitué que le juge judiciaire en ce qui concerne le
contrôle de l'administration, est mieux outillé pour
défendre les citoyens face à la puissance
publique.28
En tout état de cause, l'on peut retenir ici que
l'office de protecteur des libertés reconnu au juge judiciaire, justifie
son rôle capital dans la protection des libertés publiques. Qu'en
est-il en matière répressive ?
b- Le droit et la procédure pénale dans les
libertés publiques.
Le droit pénal peut être défini ici comme
l'ensemble des règles ayant pour objet la définition des
infractions ainsi que des sanctions qui leurs sont applicables29. En
effet, des infractions peuvent résulter de l'irrespect par les
administrés des règles et conditions relatives à
l'exercice de telle ou telle autre liberté, voire pendant l'exercice
même d'une liberté. À titre illustratif, lors des
manifestations publiques, des actes répréhensibles peuvent
être commis soit par les manifestants, soit par les autorités en
charges du maintien de l'ordre. De telles infractions ressortissent de la
compétence du juge de droit commun en matière
répressive.
25 DEBBASCH (C.), RICCI (J.-C.), Contentieux
administratif 6e édition, précis Dalloz,
1994, p.69.
26 Ibid.
27 Une des spécificités du droit
camerounais est la dévolution de La compétence en matière
de contentieux des manifestations publiques au juge judiciaire. Voir infra
28 Ibid.
29 Lexique des termes juridiques, 25e
éd., Dalloz, Paris, 2017-2018
8
La procédure pénale quant à elle
s'appréhende comme l'ensemble des règles qui définissent
la manière de procéder pour la constatation des infractions,
l'instrument préparatoire, les poursuites et le jugement des
délinquants.30 Le respect des règles de
procédure pénale constitue une garantie dans l'exercice des
libertés publiques. En effet, elle met les citoyens à l'abri des
poursuites, des arrestations, voire des condamnations abusives. C'est donc
à dire comme l'explique le professeur D. Dechenaud, que
le droit pénal et le droit des libertés entretiennent des
rapports particuliers31 et ce à plusieurs titres. D'une part,
le droit pénal peut être analysé comme le protecteur des
libertés ; d'autre part il peut être vu comme un conciliateur des
différentes libertés32. Mais, on le verra plus loin
dans notre réflexion, le droit pénal peut également avoir
une influence négative sur les libertés.
En clair, la transversalité des libertés
publiques33 et par ricochet de notre sujet d'étude
s'apprécie à travers le caractère épars des
éléments qui ressortissent de diverses disciplines du droit.
Reste-il à définir les concepts afin d'avoir une meilleure
compréhension de notre sujet d'étude.
|