B. Déterminer le champ d'intervention exact des
acteurs d'application du droit dans le monde rural
La multitude d'acteurs organisant le monde rural va de pair
avec la multitude des textes. Ces acteurs sont entre autres les chefs
traditionnels et coutumiers (chefs suprêmes, Lamido, chefs de canton,
chef de village et chef de ferrique ou leurs représentants), les
autorités administratives civiles (gouverneur, préfet,
sous-préfet) et militaires (policiers et brigades notamment pour ce cas)
et les acteurs judiciaires. Tous ces acteurs interviennent dans la
résolution des conflits liés à la mobilité
pastorale mais aucun texte ne précise leur champ d'intervention exact.
Lors d'un conflit, les protagonistes saisissent qui ils veulent et cela pose
souvent problème. Les agriculteurs (originaires de la région pour
la plupart d'entre eux) veulent amener leurs problèmes chez les chefs
traditionnels qui selon eux, incarnent leurs traditions. Les éleveurs
par contre évitent ces chefs dits traditionnels. Pour eux, ce sont des
agriculteurs ou des proches des agriculteurs et ne rendent jamais des sentences
impartiales. Les éleveurs (venant du nord pour la plupart et
majoritairement de religion musulmane) veulent toujours être jugés
à la brigade et cette fois-ci, ce sont les agriculteurs qui fuitent ces
brigadiers pour les mêmes raisons. L'Etat peut rendre accessible d'une
autre manière ces acteurs en traçant une itinéraire en
suivant l'esprit des instances de la justice moderne. En d'autres termes,
l'Etat peut faire de telle sorte que pour tout conflit lié à la
mobilité pastorale, les protagonistes avant la saisine de qui que
ça soit essayent un arrangement à l'amiable. En cas de non
succès de cet arrangement, ils peuvent saisir les chefs traditionnels et
coutumiers, en cas d'insatisfaction d'une partie, ils peuvent saisir la brigade
ou les autres autorités administratives civiles et militaires. La
justice sera saisie en dernier lieu. À chaque fois qu'on saisit un
acteur pour un règlement de conflit, il doit exiger un
procès-verbal de l'acteur qui lui est inférieur
hiérarchiquement sans lequel il ne peut pas rendre un jugement. C'est
une manière d'imposer la suivie des voies qui vont conduire à la
justice. En faisant ceci, l'Etat
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rend service aux usagers et se rend service lui-même. Il
rend service aux usagers parce qu'il les épargne le plus que possible de
la lenteur et du coût élevé de la justice et se rend
service dans la mesure où les problèmes arrivent chez lui avec
quelques pistes de solutions proposées soit par les usagers
eux-mêmes soit par les chefs traditionnels par le biais des
procès-verbaux établis à chaque fois qu'un acteur tente de
résoudre un problème.
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