B. Les conflits des droits
Sur le même territoire, le juge applique le droit
moderne notamment le droit positif et les chefs traditionnels appliquent le
droit coutumier. Les pasteurs nomades exigent et obtiennent le plus souvent
l'application du droit islamique soit entre eux, soit entre eux et les
communautés non concernées par ce droit.
Les cultivateurs de toute la zone méridionale font
recours au droit coutumier pour régler les conflits entre eux. L'esprit
de ces coutumes est de ne pas percevoir ni exiger une compensation
financière en cas de crime. Le sang n'a pas de prix pour ces
communautés.
Cette situation de pluralité de droit est très
accentuée dans la province du Mayo-Kebbi Ouest où le peuple
Moundang, Zimé et Gamabaye ne connaissent pas le monnayage du sang alors
que les pasteurs nomades et une partie de la population autochtone (le peuple
peul) réclament l'application de la dia. À la lumière du
conflit entre un bouvier et un agriculteur à
Déli dans le Logone Occidental en date du 29 novembre
2009 que nous allons expliquer les conflits entre le droit coutumier et le
droit musulman d'une manière générale et la question de
monnayage du sang particulièrement sont à la recrudescence des
conflits liés à la mobilité pastorale. Le 29 novembre
2009, une bagarre éclate entre un bouvier et un agriculteur sans qu'il y
ait preuve de dévastation de son champ, l'agriculteur tue le bouvier. Le
lendemain, une deuxième bagarre éclate entre les deux
communautés. La brigade a enregistré des blessés de part
et d'autre. Le soir du même jour, les éleveurs ont constaté
la disparition d'un de leurs. Alertées, les autorités
traditionnelles, administratives et militaires se sont rendues le lendemain sur
les lieux et ont organisé une battue dans la brousse et ont
retrouvé le corps du disparu. Un des parents de la victime
présent sur les lieux, donne un coup de machette au chef de village et
le blesse grièvement. La bagarre a pu, une troisième fois,
être évitée grâce à un tir de sommation du
Commandant de Brigade présent sur les lieux. Le fils du chef de village
blessé organise des représailles. Ils investissent la brousse,
tuent trois bouviers et abattent quatre boeufs. Les autorités
provinciales et locales, le juge d'instruction, les agents de l'ONDR, la
presse, les parents des dernières victimes se sont rendus sur les lieux
pour constater les derniers crimes. Un cadavre se trouvait dans un champ de
sésame récolté, un deuxième sous un arbre et un
troisième au bord de la route. Il n'y a eu ni dévastation, ni
traces des boeufs dans le champ de sésame. Dans cette affaire, le juge
d'instruction a un rendu une ordonnance de non-lieu partiel et transmission des
pièces au parquet général pour poursuite. Vingt-six (26)
personnes sont accusées pour meurtre, assassinat et complicité
d'assassinat dont deux (2) femmes. Le juge a demandé l'inculpation de
quatre (4) d'entre eux pour assassinat, sept (7) pour complicité
d'assassinat, un (1) pour meurtre. Les deux femmes sont mises en liberté
provisoire. L'une est veuve avec six (6) orphelins, l'autre est enceinte de
plus de six (6) mois. Les parents des victimes ont réclamé huit
(8) millions de dia par victime. Les cultivateurs refusent de verser la somme
réclamée. Ce refus serait à terme source d'un autre
conflit.107
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107 MARTY (André) et al. op cit. p.10.
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