B. Le droit coutumier et le droit musulman
Le système foncier coutumier met l'accent sur
l'appartenance de la terre aux groupes sociaux dont les plus étendus
sont les tribus, les clans, les lignages. À l'intérieur de ces
groupes, les terres sont reparties entre famille pour leur permettre de
cultiver et d'exploiter. La collectivité a un droit de
propriété et l'individu a un droit d'usage, de jouissance ou
d'usufruit. La présence de pasteurs nomades qui ont tendance à se
sédentariser remet fondamentalement en cause ce droit coutumier. Les
éleveurs s'installent où ils veulent sans demander le chef de
village la jouissance ci-dessus décrit et sans payer les redevances
coutumières. Une autre faille du droit coutumier est l'oeuvre des chefs
de canton ou de village qui vendent eux-mêmes l'espace communautaire
alors qu'ils sont chargés de le protéger. Au lieu d'en
céder la jouissance ou l'usage, ils transfèrent la
propriété. Ces transactions sont à moyen ou long terme
source de conflit. Il faut aussi relever que cette pratique est contraire
à
la Constitution de 2020 qui indique en son article 176
aliéna 2 : « Toutefois, les coutumes contraires à
l'ordre public ou celles qui prônent l'inégalité entre les
citoyens sont interdites. » Sur cette base, les pasteurs nomades
disposeraient des mêmes droits sur la terre que les
autochtones106. À Léré, dans le
département de Lac-Léré, le lac et les plaines sont les
propriétés du Gong, autorité coutumière
supérieure des Moundang. Les principaux utilisateurs des pâturages
sont le Gong lui-même pour l'entretien de sa cavalerie, les
propriétaires des boeufs de labour et les éleveurs (originaires
de Léré). Pour accéder aux plaines inondables, il faut
remettre des chèvres au Gong de Léré.
Le droit musulman ou la sharia est un droit appliqué
dans la partie septentrionale du Tchad. Ce droit est exporté
également dans le sud du pays mais difficilement applicable en
matière de gestion des conflits liés à la mobilité
pastorale du simple fait que le plus souvent ces conflits opposent des
personnes d'origine et de tradition différentes. La province du
Mayo-Kebbi Ouest n'est pas régie par le droit musulman. Toutefois, dans
le département de Mayo Binder, c'est ce droit qui prévaut en
grande partie. Compte tenu de la diversité de la population de la
province du Mayo-Kebbi Ouest, tous ces droits prévalent même
à des degrés différents qui des fois se complètent
des fois se contredisent.
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