PARAGRAPHE I : LES DIFFÉRENTS DROITS EN
VIGUEUR
La population de la province du Mayo-Kebbi Ouest est
cosmopolite et multi-religieuse. L'économie de la province se base
essentiellement sur l'agriculture et l'élevage. Les conflits entre ces
groupes sont très fréquents. Les agriculteurs et les
éleveurs sont soumis au même droit moderne (A)
mais chaque groupe ou sous-groupe est régi par un droit qui est
dicté par la coutume ou la charia (B).
A. Le droit moderne
Le droit moderne est le droit positif en république du
Tchad, c'est le droit applicable. C'est le droit qui régule les
différentes facettes de l'activité humaine. C'est un droit
hétérogène, autrement dit le droit moderne est applicable
à tout tchadien quelque en soit son origine et sa religion. Le droit
moderne réglemente des matières aussi diverses que variées
que sont entre autres le régime foncier, l'environnement, l'agriculture,
l'élevage, les droits de l'homme, les libertés publiques et
contient des dispositions ayant vocation à régir les conflits
liés à la mobilité pastorale. Nous commencerons par la
constitution et suivre avec les autres lois règlementant des domaines
sus cités.
? La constitution est la norme suprême de la
République du Tchad, le texte fondamental auquel doivent se conformer
les autres sources de droit interne (lois, règlements...). La
constitution délimite les rôles de l'Etat et des citoyens. Chacun
d'eux a des droits et devoirs. L'Etat protège les personnes physiques et
morales dans leur existence, leurs activités économiques,
sociales et leurs biens. Il garantit les libertés fondamentales des
citoyens : le droit à la libre circulation, le droit à la
propriété privée le droit à la vie etc. Il assure
à tous
l'égalité devant la loi, devant la justice et
les autres administrations. Les dispositions de la Constitution
bénéficient à tous et s'appliquent à tous de la
même manière.
y' Le code civil est l'ensemble de textes
régissant les matières de droit civil : la famille, les
obligations, les contrats, la responsabilité civile contractuelle et
délictuelle etc. La responsabilité contractuelle est
engagée lorsque l'un des contractants cause un tort à l'autre en
ne pas remplissant ses engagements. En effet, les relations contractuelles
librement consentis doivent être profitables aux parties. Si par
l'agissement fautif d'une partie, un dommage est causé à l'autre
partie, cette dernière a droit à une réparation (Articles
1146 et 1147). Dans le cadre de notre thème, le code civil a de
nombreuses dispositions régissant les relations entre les acteurs en
présence lors des conflits liés à la mobilité
pastorale. Prenons un exemple, un contrat de gardiennage a été
conclu entre un bouvier et un éleveur dans la zone de Pala. Le salaire
convenu est la remise d'un boeuf pour trois mois de travail. Après neuf
(9) mois de travail, le bouvier qui devrait recevoir trois (3) boeufs, n'a
rien. Le bouvier ayant exécuté ses obligations et
l'éleveur refusant d'exécuter les siens dépose une
plainte. Le Tribunal de première instance a condamné
l'éleveur à remettre les trois (3) boeufs convenus, après
témoignages des parents du bouvier devant lesquels le contrat avait
été conclu. L'article 1384 alinéa 1 du C. civ.
précise : « On est responsable non seulement du dommage que
l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par
le fait des personnes dont on doit répondre ». l'alinéa
3 du même article précise par exemple « les maîtres
et commettants pour les dommages causés par leurs domestiques et leurs
proposés ». En deux ans d'activité, le juge de paix de
Léré a traité quatre (4) cas de conflits ayant
opposés des agriculteurs locaux aux éleveurs nomades sur la
responsabilité du fait de leurs animaux105. En application
des articles sus cités, le juge a demandé aux éleveurs de
réparer les dommages causés par leurs animaux.
y' Le code pénal, en ce concerne les
conflits liés à la mobilité pastorale prévoit deux
contraventions. L'article 349 dudit code dispose : « seront punis
d'une amende de 500 F à 20.000 F inclusivement et pourront l'être
en outre de l'emprisonnement jusqu'à 15 jours au plus : les torts et
dommages volontaires ». Les torts et dommages volontaires dont parle
le code pénal sont d'une part, ceux qui, hors les cas prévus
à l'article 340, auront abattu, mutilé ou écorché
des arbres dont ils ne sont pas propriétaires et d'autre part, ceux qui
auront fait ou laissé passer des bestiaux sur le terrain d'autrui,
ensemencé ou chargé de récoltes en quelle saison que ce
soit.
65
105 MARTY (André) et al. op cit. p. 65.
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? Le code pastoral est une loi qui a pour objectif de
déterminer les principes fondamentaux en matière de pastoralisme
en République du Tchad. Dans un premier temps, il traite des obligations
de l'Etat et des Collectivités Autonomes en matière de
pastoralisme. Ces obligations sont entre autre : l'obligation d'aménager
les couloirs de transhumance, les voies d'accès du bétail au
pâturage, les points d'eau, les cures salées et les marchés
à bétail. Ensuite, il détermine les droits d'accès
aux ressources pastorales que sont l'eau, les pâturages, les cures
salées et les aires protégées dans les conditions
déterminées par ce code. Il régule également les
relations entre les pasteurs, les propriétaires de capital-bétail
et les bergers. Et enfin, il traite de la prévention, de la gestion et
du règlement des conflits liés aux ressources naturelles.
Le droit moderne est complété par des lois
spécifiques qui ont chacune des dispositions relatives à la
mobilité pastorale : la législation foncière de juillet
1967, la loi n°038/PR/96 du 31 décembre 1996 portant code du
travail, la loi n°14/PR/98 du 17 août 1998 définissant les
principes généraux de la protection de l'environnement, la loi
n°016/99 du 18 août 1999 portant code de l'eau, la loi
n°7/PR/2002 du 5 juin 2002 portant Statut des Communautés Rurales,
la loi n°33/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition
des compétences entre l'Etat et les Collectivités Autonomes, la
loi n°14/PR/2008 du 10 juin 2008 portant régime des forêts,
de la faune et des ressources halieutiques etc. Dans la plupart des pays
africains, en plus du droit moderne, il existe un droit vers lequel les
citoyens aiment se pencher, ce droit peut être traditionnel ou religieux
comme le droit islamique.
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