B. La corruption et les fortes amendes lors de
règlement des conflits
Lors de règlement des conflits liés à la
mobilité, les parties sont confrontées à plusieurs
contraintes au premier rang desquelles la corruption et fortes amendes. Les
chefs traditionnels sont les premières autorités qui tentent de
résoudre les problèmes entre les
agriculteurs et les éleveurs. Ces autorités sont
corrompues de telle sorte que la population ne les fait plus confiance. Les
chefs traditionnels reçoivent des différents cadeaux de la part
de la population. Ces cadeaux sont pour la plupart reçus par ces chefs
avant que les problèmes ne déclenchent. C'est en quelque sort des
investissements corruptifs des populations. Il n'est pas rare de voir les
agriculteurs donner une partie importante de leur récolte au chef de
canton, au chef de village ou au chef de terre. Les éleveurs qui
séjournent dans une zone donnent des veaux à ces chefs
traditionnels du territoire d'accueil lors de leur retour dans leur zone
d'origine. Ces chefs qui reçoivent ces cadeaux ont une obligation morale
de se pencher du côté de leur bienfaiteur lorsque celui-ci se
présente devant lui pour un problème. Les autorités
administratives (sous-préfet, préfet et gouverneur) et les
autorités militaires (particulièrement les commandants de
brigade) ne sont non plus épargnées par ce
phénomène de corruption endémique. Il suffit de faire des
propositions concrètes à ces autorités pour gagner un
jugement. Devant les autorités administratives et militaires, c'est sont
généralement les éleveurs qui gagnent les jugements car
ils sont pour la plupart des nantis et qui ont l'élevage comme
deuxième ou troisième source de revenu. Cette corruption est
devenue générale et n'épargne aucune institution
même la justice. La justice est devenue un lieu où les plus
offrants gagnent toujours les procès. Les justiciables mettent en gage
des têtes d'animaux et d'autres biens ou donnent des sommes colossales au
juge en passant souvent par les huissiers qui leur facilitent la tâche
pour que ces derniers leur donne raison lors d'un jugement. Certains activent
leurs relations personnelles, leurs liens de parenté avec les juges ou
leurs proches pour que les jugements soient en leur faveur.
Qui plus est, des fortes amendes en nature ou en
espèces sont demandées à l'agriculteur et à
l'éleveur juste pour grossir leurs comptes et leurs propres troupeaux et
ne servent pas ou peu aux victimes pour la réparation de dommages
causés.104 Cette pratique est la favorite des commandants de
brigade qui pour la plupart sont des propriétaires de bétail dans
la zone où ils sont affectés. Ces commandants, quand ils arrivent
dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, leur première intention c'est
d'élever les boeufs et faire grossir progressivement leur troupeau ou
remplir leurs comptes bancaires avant qu'ils ne soient affectés dans une
autre province moins propice ou démit de leur fonction. Le poste de
Commandant de Brigade de Pala est un poste juteux très convoité
par les proches du régime où les personnes affectées
peuvent profiter de la pluralité des instruments juridiques de la
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104 MASSALBAYE, 1999 cité par MARTY (André) et al,
p. 60.
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gestion des conflits liés à la mobilité
pastorale, manier le droit et se remplir les poches, les comptes bancaires et
les troupeaux.
SECTION 2 : PLURALITÉ DES INSTRUMENTS
JURIDIQUES DANS LA GESTION DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE
Le droit est perçu comme un instrument dont chaque
peuple se dote pour réguler la vie en société. Il a un
caractère général et impersonnel. La société
tchadienne est composite et l'économie de ce pays est basée
essentiellement sur l'agriculture et l'élevage. Ces dernières
années les tenants de ces secteurs sont en perpétuel conflit au
lieu d'être complémentaires. Pour les règlements de ces
conflits, plusieurs droits entrent dans le jeu. Ces droits peuvent cohabiter
(Paragraphe I), ou être conflictuels (Paragraphe
II).
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