A. La mise en mal de la sécurité des
personnes dans la province
L'insécurité généralisée
qui sévit dans la province du Mayo-Kebbi Ouest depuis plus de dix (10)
ans ne laisse pas indifférent les éleveurs pasteurs. La
présence des bandits armés de grand chemin dans les brousses
où les éleveurs mobiles font pâturer les boeufs
entretiennent cette insécurité. Les plus grandes victimes des
enlèvements contre rançons sont ces éleveurs ou leurs
bouviers. Le premier risque pour les éleveurs ou les bouviers est celui
de l'atteinte à leur intégrité physique. Dans la province,
nombreux sont de cas d'assassinat d'éleveurs, tentant de rentrer dans
leurs territoires d'attache. Il y a également les risques de rackets et
spoliation pour les éleveurs. Les éleveurs sont souvent victimes
de vol d'une partie ou la totalité de leurs troupeaux. Les
éleveurs sont obligés de se soumettre aux lois de ces «
forces négatives » qui les contraignent de les verser des taxes
forfaitaires afin de bénéficier de leur faveur voire de louer
leurs services pour la protection du bétail. Pour ceux qui
résistent, les membres de leurs familles sont pris en otage contre
rançons. En 2016, il y a dans la province vingt un (21)
enlèvements ont été perpétrés par les
malfrats et trente-quatre (34) prises d'otage contre rançons. Un total
de 13.500.000 de F CFA de rançons a été versé
aux
54
malfrats95. Plus de la moitié des victimes
de ces crimes sont des éleveurs. Tous ces risques obligent en ce moment
les éleveurs à s'installer non loin des villages et des grands
centres afin de se sentir en sécurité. Mais en faisant ceci, ils
prennent le risque de se retrouver à proximité des champs, ce qui
favorise des dégâts de culture, source de conflits avec les
agriculteurs, mettant de nouveau à péril la cohabitation
déjà fragile.
Les attaques collectives des campements des éleveurs
peuls ou haoussas soit par les agriculteurs qui se vengent de la destruction
des champs soit par des bandits armés dont le but est de prendre les
otages contre rançons sont très fréquentes. Les attaques
collectives des campements sont souvent injustifiées, car on y arrive
très difficilement à établir réellement que les
champs ont été détruits par les boeufs de tel ou tel autre
troupeau. Dans les situations pareilles, les agriculteurs sous les effets de la
colère agissent en allant attaquer les ferriques des éleveurs les
plus proches et la rétorque des éleveurs n'attend pas aussi. Les
agriculteurs et les éleveurs sont méfiants les uns envers les
autres, chacun se prépare pour riposter en cas d'attaque. Ce qui
crée une menace d'insécurité et une
insécurité réelle.
Dans leur déplacement, les boeufs côtoient les
aires protégées comme ci-haut mentionné, ce qui met en
conflit les écogardes et les éleveurs. Quand les boeufs entrent
les parcs nationaux ou les forêts classées, des
négociations sont entamées entre ces deux acteurs. La plupart des
écogardes considérant les conditions dans lesquelles ils
travaillent acceptent les avances des éleveurs. Les écogardes
récalcitrants n'acceptant pas les avances des éleveurs sont
élimés par ces derniers qui se regroupent en une dizaine de
personnes et attaquent collectivement les écogardes. Il y a aussi une
menace d'insécurité du côté des éleveurs, car
les écogardes sont équipés par l'Etat pour défendre
l'environnement. Ils ont à leur disposition une arme de guerre avec des
munitions et un téléphone tokaï. Les
écogardes n'hésitent pas à tirer à balle
réelle sur les éleveurs avec lesquels ils sont en conflit. Quand
c'est possible de négocier, les éleveurs négocient la paix
avec de l'argent ou les têtes des boeufs.
La détention illégale d'armes de guerre par les
éleveurs et leurs bouviers aggrave cette insécurité. Ces
armes servent de défense pour les éleveurs qui parcourent des
milliers de kilomètres avec les boeufs et en cas de conflit avec les
agriculteurs ces mêmes armes sont utilisées pour perpétuer
des dégâts sur les agriculteurs. Cette détention d'armes
par les éleveurs crée des sentiments d'insécurité
chez les agriculteurs. En plus de ces armes de
95 Compte rendu de la première
réunion annuelle régionale de sécurité dans la
province du Mayo-Kebbi Ouest du 02 Mars 2017, p. 3.
guerre, les flèches souvent trempées dans des
matières toxiques détenues par les éleveurs peuls et
haoussas créent ce sentiment d'insécurité chez les
agriculteurs car les flèches tuent au moindre contact. La
présence des malfrats dans les brousses créent aussi chez les
éleveurs un sentiment d'insécurité. Cette
insécurité à la longue entraine la perte du bétail
et cette perde du bétail est synonyme de désorganisation sociale
chez les pasteurs.
|