B. La détérioration des termes
d'échange entre les agriculteurs et les éleveurs
Lorsque la saison des pluies s'annonce, les nomades quittent
le Sud et reviennent chez eux, accompagnent les animaux qui séjournent
quelque temps sur les terres qui doivent être prochainement mises en
culture, afin qu'elles soient convenablement fumées. Pendant cette
période, les éleveurs circulent librement dans les champs. Ils
ont depuis longtemps tissé des relations étroites avec les
agriculteurs chez lesquels ils descendent. Ils parquent leurs troupeaux dans
les champs de ces agriculteurs. Ces derniers profitent de la fumure organique.
En compensation, les éleveurs reçoivent de ceux-ci protection,
mais aussi récompense sous forme de son pour le bétail. Plusieurs
types de relations se sont développés entre les agriculteurs qui
sont sédentaires et les agriculteurs nomades notamment : le pacage,
l'abreuvage des boeufs, le commerce de bétail, le ravitaillement en
céréales...90
Ces relations bilatérales entre les agriculteurs et
éleveurs se manifestent le plus souvent par le pacage. Lors de la
descente des éleveurs dans la province du Mayo Kebbi-Ouest, ils
s'installent auprès des villages et pâturent leurs boeufs dans les
champs déjà récoltés. Ces relations de
complémentarité pérennes se sont développés
entre eux et certains villages, chaque chef de famille a son éleveur.
Les éleveurs, une fois dans la zone campent dans les champs de leurs
alliés sédentaires. La préoccupation majeure des
éleveurs pendant la sèche est l'abreuvement des leurs animaux.
Dans le Mayo-Kebbi Ouest dont la plupart des habitants sont agriculteurs, il
n'existe pas des puits pastoraux malgré la nouvelle concentration des
éleveurs dans la région. Les puits villageois servent des points
d'abreuvement des animaux. Pour abreuver les animaux dans un village, il faut
l'autorisation du chef de village ou le chef de terre.91 Ces chefs
reçoivent de fois des veaux lors du retour
89 Notamment la Tournée de Sensibilisation
et de Pacification de la Population dans les vingt (20) cantons de la province
du Mayo-Kebbi Ouest du 1er au 30 octobre sur les thématiques
: les enlèvements des personnes contre rançon, les conflits
intercommunautaires, les conflits confits, les conflits
agriculteurs/éleveurs etc. qui a vraiment porté de fruits. Cette
tournée a été initiée par la
Délégation Provinciale des Droits de l'Homme de la Province du
Mayo-Kebbi Ouest.
90 MOHA (Mahaman), Les relations entre
agriculteurs et éleveurs en contexte de crise alimentaire à
Roumbou-Sakabal, Paris, Afrique Contemporaine, 2008/1 N° 225, pp.
137-159.
91 Dans les villages où la tradition donne
plus de pouvoir au chef de terre au détriment du chef de village en
matière de gestion foncière du village.
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des éleveurs dans leurs zones. Une autre relation de
complémentarité entre les agriculteurs et les éleveurs est
la vente d'animaux et l'achat des céréales par les
éleveurs et vice-versa. Les éleveurs ont souvent besoin des
céréales pour leur propre nourriture mais aussi pour donner aux
animaux. Ces derniers étant nomades et ne produisant pas les
céréales ventent les animaux et achètent des
céréales chez les agriculteurs. Les agriculteurs pour leur part,
ont besoin d'animaux soit pour la pratique de l'agriculture soit pour profiter
des produits dérivés de l'élevage (lait et viande), eux
aussi n'étant pas pour la plupart des propriétaires d'animaux
achètent les animaux chez les éleveurs mobiles. Ces derniers
vendent les animaux moins chers que les éleveurs sédentaires.
En cas de conflit, toutes ces relations favorables à
l'économie de la province sont détériorées. En ce
qui concerne le pacage, les éleveurs, quel que soient les relations
précédentes, ils ne peuvent plus venir s'installer auprès
des villages dont ils ont eu des problèmes avec l'un des ressortissants
par crainte de représailles. Ainsi, les relations bilatérales
entre ces derniers prennent fin causant des manques à gagner des deux
côtés. Parlant des relations d'abreuvement des animaux, elles se
détériorent également en cas de conflit. Un éleveur
mobile ayant des différends avec les ressortissants du village dans
lequel ils abreuvent ses animaux en saison sèche ne peut plus venir dans
ce village.
En fin, s'agissant du troisième type de relation entre
les agriculteurs et les éleveurs (échange des produits) sont
aussi mis en mal lors d'un conflit entre les entités. Les agriculteurs
ou les éleveurs ayant des précédents avec une famille
n'achètent, ni ne vendent leurs produits à ces derniers. Dans cet
esprit, les impacts des conflits liés à la mobilité
pastorale qui sont plus économiques deviennent de plus en plus
sociaux.
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