A. Les crimes et cruautés sur les animaux
Le bétail est la principale source de revenu des
éleveurs. Les pasteurs, lors des conflits se trouvent confrontés
à de nombreux défis. Au premier rang desquels se trouve la
protection de leurs moyens d'existence. Les blessures sur les animaux et les
tueries d'animaux sont devenues les modes opératoires des agriculteurs
pour se venger contre les dévastations des champs par les animaux lors
des conflits.
Les animaux subissent des blessures de tout genre lors des
conflits liés à la mobilité pastorale. Les acteurs de ces
blessures sur les animaux sont les agriculteurs. Les blessures et les tueries
d'animaux sont rares que les destructions des champs mais des cas très
graves ont été enregistrés dans la province. Ces blessures
conduisent même à la mort les animaux. Les agriculteurs qui
surprennent les animaux dans leur champ, préfèrent se rendre
eux-mêmes justice. Les actes sont souvent perpétrés
après plusieurs avertissements ou des règlements à
l'amiable. En effet, les bergers abandonnent souvent les animaux seuls en
brousse. Lorsqu'ils entrent dans les champs des agriculteurs et que ces
derniers les y trouvent, à défaut de les conduire chez le chef du
village, ils les frappent avec le bâton mais le plus souvent avec des
objets tranchants tels que la machette87. Ce qui engendre des
blessures très graves sur les animaux. Qui pis est, des fois ces objets
sont trempés dans les substances toxiques qui tuent les animaux au
moindre contact. Les agriculteurs sont accusés de blesser les animaux,
mais on ne sait jamais qui le fait. Dans ce cas, l'éleveur porte plainte
contre inconnu. Les bergers alertent alors leurs « patrons » qui s'en
vont se plaindre directement à la brigade la plus proche, comme le
souligne le conseiller économique du gouverneur de la Province du
Mayo-Kebbi Ouest. Il va loin en disant : « les jugements chez les
commandants de brigade n'ont jamais satisfaits les agriculteurs, d'ailleurs ces
derniers sont pour la plupart des propriétaires de bétail.
» Ce choix exaspère d'autant plus les agriculteurs, lorsque
leurs champs sont détruits, privilégient le règlement de
proximité c'est-à-dire à l'amiable ou auprès du
chef de village qui est souvent aussi agriculteur ou proche des
agriculteurs.
Le bétail est un principal maillon de l'économie
du Tchad d'une manière générale et de la province du
Mayo-Kebbi Ouest particulièrement. Il constitue la seule source de
revenu
44
87 KOSSOUMNA LIBA'A (Natali), op cit. p. 48.
des pasteurs. Le gain des éleveurs se repose
essentiellement sur la vente du bétail ou des produits
dérivés du bétail (lait, peau, viande...). Les
éleveurs ont délaissé le mode de vie assurant leur
substance pour adopter un mode de vie fondé sur une économie
monétaire. Ils ne disposent d'assez de moyens pour se faire un revenu si
ce n'est la vente du bétail ou de ses produits. Les blessures sur les
animaux et la tuerie de ces derniers mettent dans un désarroi total les
propriétaires de bétail. Ce phénomène entraine
directement la pauvreté. La situation de pauvreté ne semble pas
s'améliorer dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Bien au contraire, la
pauvreté réelle augmente, surtout en ce concerne la
pauvreté monétaire. Vu sur cet angle, la pauvreté signifie
un manque d'accès ou un accès limité aux ressources
financières et matérielles ou surtout des services
institutionnels offerts par l'Etat ou la communauté en
général. Elle frappe même extrêmement la population
tchadienne dans sa généralité croissante (4,2 millions
d'habitants en 1975 ; 9,4 millions en 2004 et 11,2 millions en 2009). L'IDH
s'est établi en 2010 à 0,295 et en 2011 à 0,328
plaçant le pays respectivement au 163ème sur 169 pays
et 183ème rang mondial sur 187 pays
étudiés88.
Les crimes et cruautés sur les animaux réduisent
la reproduction chez les animaux dans la mesure où les animaux
blessés ou tués meurent des fois avec leurs petits.
Les actes barbares sur les animaux influencent aussi
très négativement sur la vente des produits dérivés
de l'élevage. Les produits du bétail qui sont la seconde source
de revenu pour les éleveurs sont principalement la viande et le lait. Ce
sont généralement les éleveurs qui répondent au
besoin de la population de la province en viande. Les boeufs des pasteurs sont
moins chers que les boeufs des éleveurs sédentaires. C'est
pourquoi les bouchers achètent plus les boeufs des pasteurs. Chaque
jour, au moins dix (10) boeufs sont abattus à l'abattoir de Pala. Le
lait des vaches est vendu dans toutes villes de la province par les filles et
les femmes de ces éleveurs. Chaque famille vend en moyenne vingt (20)
libres de lait par jour, quinze (15) libres en lait frais et cinq (5) libres en
lait caillé. Cette vente du lait est très rentable. Chaque femme
ou fille venue vendre le lait rentre au moins avec cinq mille francs.
Les conflits liés à la mobilité pastorale
occasionnent la disparition de certaines espèces de bétail. Ces
espèces uniques et irremplaçables et leur disparition,
irréversible, peut avoir des conséquences importantes sur
l'économie de la province. Tel est cas des boeufs de races soudaniennes
dont les échantillons sont ramenés par les grands éleveurs
pour reproduction de
45
88 REMADJI NGATOUKOU (Etienne), op cit. p. 17.
46
ces espèces dans la province. Actuellement avec la
sensibilisation des différents services (Délégation des
Droits de l'Homme de la Province)89 l'ampleur de ce
phénomène commence à régresser. Toutefois, ces
crimes et cruautés sur les animaux n'ont pas pris fin et
détériorent les termes d'échange entre les agriculteurs et
éleveurs.
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