4.1. Le vieillissement de la population en France: un enjeu
de santé publique.
Par le terme de « vieillissement de la population »
de la société française, nous évoquons plus
justement une modification de la structure par âge de ladite
société. On assiste en effet, à une montée
progressive du groupe d'âge des 60 ans et plus, notamment du fait de la
progression rapide de l'espérance de vie depuis le début des
années 1900, progression due d'abord à la baisse de la
mortalité infantile et plus récemment à une augmentation
de la mortalité aux âges plus élevés : les personnes
de 60 ans et plus étaient 7,7 millions en 1962 et 15,3 millions en 2012
(23,4% de la population totale)1.
Dans le contexte démographique de vieillissement de la
population décrit précédemment, les politiques publiques
d'aide à domicile pour les personnes fragilisées se sont
renforcées : création de l'Allocation Personnalisée
d'Autonomie (APA)15 et de la Prestation de la Compensation du
Handicap (PCH)16. L'article 15 de la loi n°2002-2 du 2 janvier
2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale replace l'usager
au coeur des dispositifs par l'intégration des
1 INSEE Première, n°1385, janvier 2012.
15 Loi n°2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la
prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et
à l'allocation personnalisée d'autonomie. L'APA est entrée
en vigueur le 1er janvier 2002.
16 Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour
l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, articles 12 et 13.
19
services d'aide au domicile des personnes âgées
ou handicapées dans le champ de l'action sociale et
médico-sociale.
4.2. Le choix de rester à domicile : un projet de
vie à l'épreuve des SPASAD.
Le concept de maintien à domicile résume
l'ensemble des moyens personnalisés mis en oeuvre pour permettre
à une personne en perte d'autonomie de continuer à vivre chez
elle dans des conditions sanitaires et sociales optimales. L'augmentation de
l'espérance de vie des personnes âgées, l'évolution
sociétale et l'éclatement géographique des familles ont
conduit au développement de nouvelles solutions afin de venir en aide
aux personnes âgées et dépendantes à
différents niveaux. Le maintien à domicile est devenu une
alternative intéressante, aussi bien d'un point de vue humain que
financier.
Les aides au maintien à domicile concernent le domicile
en tant que tel mais également tous les modes d'hébergement non
médicalisés (village retraite, foyer logement, résidence
service/sénior, etc.).
La notion de domicile est un symbole de l'inscription sociale.
Le mot « domicile » est issu du mot latin « domus » :
maison. La Petit Robert le définit comme une habitation, une demeure,
lieu où la personne a son principal établissement, légal
et officiel. Le mot français conserve le sens du latin à la fois
dans l'usage juridique et courant : « le sans domicile fixe est devenu un
symbole de l'exclusion sociale ». On peut en déduire, par
opposition, que le fait d'avoir un domicile est considéré dans la
société actuelle comme un symbole d'inclusion sociale, donc
d'intégration. Si on a un domicile, on a encore une place dans la
société. Ce constat nous éclaire sur le refus majoritaire
des personnes âgées d'entrer en institution, la perte de ce statut
social étant peut-être aussi violent que la perte des
repères ou du bien immobilier en lui-même. Un domicile est donc
tout à la fois un chez soi, un abri, un territoire, un cadre familier,
un repère, mais aussi un cadre juridique qui définit la personne
au sens de la loi, comme le dit Perla Serfaty-Garzon : « Dans son
domicile, l'habitant a le sentiment d'être souverain, d'exercer un droit
d'usage sur un territoire qui lui est propre [...] en fait aussi le
repère principal de son identité sociale, dont la perte est
ressentie comme une chute hors du champ social légitime, aux marges de
la société. »17 Le terme domicile a
été choisi dans « maintien à domicile » au
profit du mot habitation, car il renvoie à la notion de «
maître chez soi ». Le domicile revêt donc une double
connotation : une inscription collective et individuelle. C'est à la
fois un lieu collectif
17 SERFATY-GARZON, P. Chez soi, les territoires de
l'intimité. Paris (2003), editions Armand Collin, p. 64.
20
d'inscription juridique, sociale, familiale, mais aussi un
lieu de souveraineté et d'identité personnelle et psychique.
4.3. Du rapport Laroque, base de l'action
gérontologique à domicile à la loi d'adaptation de la
société au vieillissement de décembre 2015.
Le maintien à domicile a été
officialisé par le Rapport Laroque18, en 1962, comme devant
être la priorité de la politique française de la
vieillesse. Ce rapport intitulé Politique de la vieillesse est
le premier qui pose cette question du maintien à domicile comme
orientation politique majeure des années à venir, comme
satisfaisant à la fois aux aspirations des retraités et au
maintien de la cohésion sociale. Il pose surtout la question centrale de
la place que peuvent occuper les personnes âgées dans la
société de l'époque et celle de demain. Ce questionnement
éthique est le fondement de ce qui fait une société, c'est
à dire du fait que les individus vivent et vieillissent ensemble. Cette
orientation fait toute l'originalité de ce rapport dans l'époque
moderne où la tendance de la société était de
recourir quasi-exclusivement à l'institution d'hébergement,
l'hospice, pour les vieillards, infirmes et incurables privés de
ressources. L'hospice initialement dédié à une population
marginale et devenue au XXème siècle la réponse la plus
appropriée aux problèmes de la vieillesse, dans les classes
pauvres, mais aussi dans les classes moyennes, voire
aisées19. Vivre et vieillir chez soi y est
présenté comme un droit pour toutes les personnes qui le
désirent, quels que soient leur âge et leur fragilité, et
surtout dans les conditions de vie qu'elles se sont choisies. C'est à
cette époque que les premiers services d'aide-ménagère
sont apparus. Toutefois, il est bien évident que les pratiques de
maintien à domicile, à savoir rester chez soi jusqu'à la
fin de sa vie, sont bien antérieures aux années 1960. Garder les
personnes âgées au sein de la société dans laquelle
elles ont vécu n'est pas nouveau. Déjà en 1851, lors du
vote de la loi du 7 août 185120 définissant les statuts
des hôpitaux et leurs modalités d'hébergement social en
hospice, le rapporteur Monsieur de Melun, au nom de la Commission d'assistance
publique, présente les objections dont l'hospice fait l'objet : «
La vie commune et disciplinée appliquée aux infirmes et
vieillards de moeurs, d'humeurs, d'états si différents devient
pour eux un supplice. Lorsqu'avec un secours moindre qu'il recevrait à
domicile, le vieillard ferait bénir sa présence au milieu de sa
famille à
18 Haut Comité consultatif de la population et de la
famille (1962). Politique de la vieillesse. Rapport de la commission
d'étude des problèmes de la vieillesse présidée par
Monsieur Pierre Laroque, Paris, La documentation Française.
19 FELLER, E. Histoire de la vieillesse en France
1900-1960, Paris, Edition Seli Arslan (2005).
20 DALLOZ, E. Jurisprudence générale
Année 1851, Paris, Bureau de la jurisprudence
générale, p. 160-161.
21
qui il rendrait encore quelques services, il est
enfermé, loin du foyer domestique avec des hommes que leur âge,
leurs infirmités rendent tristes et moroses. » Ainsi, le
maintien à domicile serait plus bénéfique pour la personne
âgée au sein de son foyer que dans une institution. Cette
distinction maintien à domicile versus hébergement en institution
ne cessera d'être étudiée par les pouvoirs publics. Les
arguments du moindre coût du domicile et du maintien du lien social avec
la famille et le reste de la société ayant progressivement
été mis en avant et encouragés par les dernières
lois.
D'ailleurs, la loi relative à l'adaptation de la
société au vieillissement du 29 décembre 2015,
portée par Marisol Touraine sous la présidence de François
Hollande, aborde l'enjeu du vieillissement de la population française
comme un challenge pour la société qui doit s'y adapter et non
l'inverse. Lors du Congrés de l'Uniopss du 25 janvier 2013 à
Lille, François Hollande avait rappelé son attachement au
maintien à domicile : « Nous devrons donc permettre à chaque
personne âgée qui le souhaite de rester à son domicile,
là où sont ses souvenirs, son espace, son quartier, ses amis, sa
famille »21.
5. Bilan mitigé des SPASAD créés
depuis 2004.
Depuis leur création via le décret du 25 juin
2004, les SPASAD peuvent permettre de rassembler SSIAD et SAAD mais ce
décret ne précise pas la nature juridique des SPASAD ce qui
freine le développement de ces services. Les SPASAD existants font
état de difficultés d'ordre :
> Difficultés économiques, car les SAAD
subissent une forte concurrence dans le secteur de l'aide à domicile.
Ces difficultés économiques risquent de peser sur
l'équilibre financier des SSIAD. Les prises en charge SAAD sont pour la
majorité soumis au déclenchement d'un financement APA.
> Difficultés professionnelles car les SSIAD et SAAD
reposent sur des réglementations différentes malgré un
coeur de métier commun.
Un rapport d'enquête de la Cour des Comptes
publié en 201422 montre bien que les SPASAD proposent une
prise en charge intégrée des bénéficiaires d'aide
à domicile, leur modèle de
21
http://www.elysee.fr/declarations/article/intervention-du-president-de-la-republique-au-congres-de-l-uniopss/.
22 Cour des Comptes (Juillet 2014). Le développement des
services à la personne et le maintien à domicile des personnes
âgées en perte d'autonomie. Enquête demandée par le
comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques
de l'Assemblée nationale.
22
financement est fragile, il déclare : « Les SSIAD
font l'objet d'une tarification par les ARS et les SAAD par les
Départements. Le pilotage de la structure est ainsi rendu complexe par
l'existence de 2 autorités tarificatrices concomittantes. De même,
le regroupement des aides à domicile et des personnels de soins dans un
même service oblige à une coordination des intervenants à
domicile. Les frais occasionnés par ces besoins supplémentaires
ne sont que très peu pris en compte avec une absence de
fongibilité entre les enveloppes définies par les
autorités tarificatrices. »
Dans notre contexte, la question de la tarification est aussi
un élément de statu quo incontournable, toutefois le fait que le
porteur et employeur des 2 services soit le même, un CIAS, permettent de
limiter les freins liés à la gestion des ressources humaines et
se veut un terrain favorable au principe de « travailler ensemble
».
23
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