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La surliquidité des banques et l'investissement au Sénégal


par Amadou Mbaye DIOP
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD) - DEA PTCI 1998
  

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A/ Les variations de billets et pièces.

Elles traduisent les échanges entre la monnaie scripturale et la monnaie fiduciaire. Les échanges entre le public et le secteur bancaire ont une influence sur la liquidité des banques. Plus la proportion de monnaie fiduciaire dans les moyens de paiement est importante, plus sont aigus les problèmes de liquidité des banques.

Le modèle étudié ici nous révèle qu'une baisse de 1% des fuites en billets du circuit des banque vers le public entraîne une augmentation des réserves bancaires de 1,056% .

1. Evolution des fuites en monnaie centrale.

La monnaie centrale (H) se décompose en billets (B) et réserves (R).

H=B+R

Lorsqu'un agent économique retire de l'argent dans son compte tenu par la banque, ou lorsqu'il paye par chèque qui est transformé en monnaie, il y a une fuite de monnaie hors du circuit bancaire.

Les billets constituent une fraction (b) de la masse monétaire (MM) . Elle dépend des habitudes de paiement des agents économiques, et elle est souvent stable.

B=b*M

Ainsi, lorsque les habitudes de paiement, loin de se faire par chèque ou par virement bancaire, se font d'un compte à un particulier, alors la démultiplication des opération de ce genre réduit la liquidité des banques.

Au Sénégal, compte tenu de la surliquidité du secteur bancaire, ne pourrait on pas dire que la fraction de billets dans (M) est faible, et que l'essentiel des paiements se fait par virement bancaire. Dans le tableau suivant, nous allons assimiler toute la circulation fiduciaire à B;

M1 est la disponibilité monétaire;

14

Les données sont en milliards de francs F.CFA. Ml, M, et B sont puisés dans les notes d'information et statistiques de la BCEAO- octobre 1994-statistiques monétaires.

15

Tableau des fuites en billets au Sénégal.

Années

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

B

92,8

102,7

95,2

97,5

107,2

93

145,6

 

M1

214,9

230,8

204

213,2

217,4

197,7

304,1

 

B/M1

0,43

0,44

0,46

0,45

0,49

0,47

0,47

 

M

334,5

368,9

351,2

371,6

384,9

336,5

468.5

 

B/M

0,27

0,27

0,27

0,26

0,27

0,27

0,26

 

Source /BCEAO

Si on tient seulement en compte les disponibilités monétaires, on constate une circulation fiduciaire relativement importante. Elle .tourne autour d'une moyenne "b1 =

47%. Ceci traduit le caractère sous développé du pays. Ceci fait que les habitudes de paiement, en raison du caractère primaire et informel de l'économie, sont surtout manuelles. Cette situation contraint le pouvoir de transformation monétaire des banques qui sont obligées de garder beaucoup de liquidités pour faire face aux retraits importants de la clientèle. Elle explique aussi la raison pour laquelle la BCEAO, dans le cadre de sa politique prudentielle, a fixé le coefficient de liquidité2 à un seuil plancher de 60%.

Ainsi, pour éviter le risque d'illiquidité, les banques sont obligées de procéder avec d'autant plus de précaution, que le multiplicateur sera faible. A ce niveau, si on fait l'hypothèse que le ratio de réserves obligatoires est nul, alors le multiplicateur du potentiel de création monétaire serait en moyenne de:

m=1/"b1 ;m=2.12

b est appelé réducteur monétaire; m = f (b) avec f '(b) < 0.

L'importance de b pourrait aussi s'expliquer par l'existence d'un vaste secteur informel, où les transactions se font en numéraires pour échapper au contrôle fiscal .

Cependant, si nous prenons en compte la liquidité globale de l'économie, en l'occurrence la M2 que nous définiront ici comme étant M1 et les dépôts à terme (DAT) : M2 = M1 + DAT;

alors le ratio de liquidité baisse et devient stable grâce à la prise en compte de ressources financières stables, permettant en toute sécurité d'accroître le potentiel de création monétaire des banques , qui passe à m' = 3,7.

EVOLUTION INSTABLE DU MULTIPLICATEUR MONETAIRE.

Sur la période 1988-1989, le multiplicateur monétaire a évolué comme suit :

années

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

m'

2.5

2.2

0.7

2.1

2.1

2.6

2.7

Source BCEAO.

L'instabilité du multiplicateur la rend inopérationnel comme instrument de politique monétaire. Les valeurs figurant dans ce tableau découlent de la politique d'encadrement du crédit de la banque centrale qui traduit toute la difficulté qu'elle a pour contrôler la masse monétaire en vue de réaliser ses objectifs de stabilité et d'équilibre extérieur. Ce qui la pousse a intervenir directement sur le rythme d'évolution de cette masse monétaire.

2 (actif disponible ou réalisable à CT) / (passif exigible ou engagement par signature susceptible d'être exécutés à CT)

16

Dans cette économie d'endettement, il est plus approprié de raisonner en terme de diviseur du crédit, car, en dernière analyse, le volume de crédit distribué détermine la base monétaire (H).

H = (1/m)'* M

Plus les dépôts à terme sont importants relativement aux dépôts à vue, toute chose étant égale par ailleurs, le ratio de liquidité baisse. Cette baisse du ratio de liquidité entraine une augmentation des réserves bancaires dans la monnaie centale.

H = B + R; d'où ( B/H) + (R/H) = 1

Si la banque centrale contrôle l'Offre de monnaie, alors la quantité de monnaie centrale en circulation est tout juste égale à celle nécessaire pour fournir à l'économie, le volume de liquidité nécesssaire aux transactions.

M*V=P*Q

Si nous reprenons le multiplicateur de crédit :

M = m * H

H=B+R (1)

M=B+D alors D= M-B

Nous savons que: B= b*M;(2)

et que R = r * D

Alors D = M -b* M ou bien D= M*(1-b)

R= r*(1-b)*M (3)

on remplace (2) et (3) dans (1):

H = b*M + r*(1-b)*M

H = (b + r - rb)*M

Nous pouvons alors exprimer le multiplicateur de crédit :

M = [1/(r + b - rb)]*H
m=[(1/(r+b-rb)]

La situation de surliquidité va à l'encontre des trois conditionalités3 à la manifestation du multiplicateur monétaire, et donc du caractère exogène de l'offre de monnaie.

Plus la proportion de monnaie fiduciaire dans les moyens de paiement est faible, moins les banques ont des problèmes de liquidités et plus elles sont indépendantes de l'institut d'émission.

3 Le multiplicateur de crédit est un instrument de contrôle de la liquidité bancaire, aux trois

conditions suivantes:

· . il n'existe que deux sortes de fuites en monnaie: b et ro;

· . les banques ont un comportement passif: tout ce qu'elles reçoivent, elles le prêtent ;

· .il existe une demande illimitée de crédit de la part des emprunteurs.

17

Le problème de la surliquidité est que le multiplicateur monétaire n'exprime pas tout son potentiel, du fait que les banques détiennent des volumes de réserves au delà de ceux nécessaire compte tenu de la réglementation conjoncturelle.

Si ^R et ^B sont les volumes de réserves et de billets que les autorités monétaires désirent voir s'établir dans l'économie.

Compte tenu de la valeur de m, la quantité de monnaie que les banques peuvent créer est limitée à m fois la quantité de monnaie centrale émise par les banques.

En principe, au fur et à mesure que les banques octroient des crédit, le volume de B augmente jusqu'à ce que :

H=^B+^R

En ce moment, la masse monétaire se stabilise jusqu'à ce que la banque centrale réinjecte de nouvelles liquidités dans l'économie, par exemple, par l'achat de titres d'Etat sur le marché monétaire.

Pour le cas du SENEGAL, on peut dire que R > ^R et B < ^B . C'est donc dire que les banques n'utilisent pas tout leur potentiel de crédit permettant assez de fuite en billet pour assurer l'équilibre: B = ^B et R = ^R; alors la conversion monnaie scripturale et monnaie fiduciaire est insuffisante alors que les réserves sont excessifs.

Alors pour garder le contrôle de la liquidité des banques, donc de l'offre de monnaie, il ne reste plus d'autre solution à la banque centrale que de ponctionner sur les réserves des banques, en vendant des titres d'Etat ce qui réduit R à AR.

Mais ce comportement des banques qui freine le multiplicateur de crédit, donc le volume de crédits et de dépôts pose un problème certain dans cette période de libéralisation économique, qui suppose un engagement constant des banques auprès des agents économiques pour le financement de leurs activités source de croissance et de création d'emploi, et d'accroissement des recettes fiscales.

La faiblesse de la fuites en billet par rapport à la masse monétaire (M2) introduit des éléments d'incertitudes dans la politique monétaire en ce sens que, la banque centrale qui compte sur la maîtrise des réserves pour contrôler le volume de liquidité , est dessaisie au profit des banques primaires. En effet, ces dernières introduisent une fuite supplémentaire en monnaie dont l'importance est telle que ce sont elles qui contrôlent le taux d'évolution de la monnaie qui est ainsi endogène .

B/ Les dépôts

Dans le cadre de sa politique réglementaire et conjoncturelle, la banque centrale intervient par l'application du taux de réserves obligatoires (ro) sur le volume des dépôts bancaires, compte tenu d'un niveau donné du réducteur monétaire, de manière à contrôler l'évolution de la masse monétaire. Elle poursuit deux objectifs qui sont complémentaire, à savoir :

· Eviter que les banques se retrouvent dans une situation d'insolvabilité ;

· Fixer le volume de liquidité de l'économie qui permet d'atteindre la croissance et l'équilibre extérieur désiré sans qu'il ait une inflation ;

Chaque dépôt effectué par la clientèle accroît la quantité de monnaie centrale et donc le pouvoir de création monétaire des banques secondaire.

Cependant, le modèle étudié ici révèle qu'un accroissement de 1% des dépôts entraîne une augmentation de 0,59% des réserves, ce qui est relativement excessif.

18

On peut donc dire que les banques fixent un taux de réserves (obligatoire et de précaution) égale à Ce qui revient à

dire que les banques anticipent un taux de réserves de précaution de 0,58 %4. L'analyse de l'évolution des dépôts et de leur distribution temporelle permettra de comprendre le comportement des banques qui s'apparente à une préférence pour le présent.

Evolution du volume de dépôt

Le volume des dépôts à progressé régulièrement de 1966 à 1995. Il est passé d'abord de 13,46 milliards en 1976, puis de 77,39 milliards en 1976, ensuite de 223,89 milliards en 1986 et enfin, de 344 milliards en 1995 ; ce qui traduit un dynamisme certain. La moyenne annuelle qui est de 127 milliards permet de découper la période en deux sous périodes à partir de 1981 qui est I 'année du PREF5. L'écart type des dépôts qui est de 103 milliards révèle une très grande dispersion. La restructuration du secteur bancaire est marquée par un léger fléchissement des dépôts. A partir de 1993, avec la décision de rachat des francs F.CFA hors de la zone, les dépôts ont été dopés pour se situer au dessus des 300 milliards F.CFA, niveaux qui n'ont jamais été atteints auparavant . La Surliquidité coïncide avec des périodes de dépôts élevés et des taux de croissance géométrique compte tenu de la moyenne. Sur la période 1966-1995 les dépôts à termes ont représenté une moyenne de 30% des dépôts contre 70% pour les dépôts à vue.

° r1= 0,596% - 0,015% = 0,581 %

S Programme de Redressement Economique et Financier.

19

Cf. : Tableau de l'évolution des dépôts.

Les dépôts àvue(DAV).

Ils sont constitués de l'ensemble des dépôts liquides, gérés par les établissements de crédit ou le Trésor, et mobilisables par chèques. Leur rôle est de financer les besoins de trésorerie des entreprise et de consommation des ménages. La transformation bancaire doit se faire avec beaucoup de précaution compte tenu des risques liquidité qui peut entraîner la perte de confiance des déposants envers les banques et même, envers le secteur bancaire ; C'est ainsi que la BCEAO réglemente la transformation en édictant le ratio de liquidité et de couverture des emplois à long termes .

En 1966, ils constituaient environ 95% des dépôts bancaires. Ils ont accusé le taux le plus faible sur la période 1990-1992 où ils sont en déca des 50%.

Les dépôts à terme.

Ils sont une composante de la quasi monnaie en ce sens que leur transformation monnaie entraîne un coût et un certain délai. Ils constituent un moyen de placement pour les agents économiques car ces types de dépôts sont rémunérés. Leur mobilisation avant le délai fixé entraîne un coût. Leur rôle est de financer l'investissement. Ils contribuent à la stabilité de la banque qui n'a pas à constituer des réserves de précaution car elle connaît avec certitude le terme et la préserves aussi des retraits intempestives ; Compte tenu du coût supporté par la banque pour attirer ce type de dépôts, son intérêt est de la prêter le plus rapidement possible pour couvrir le coût et faire un gain financier grâce au différentiel d'intérêt.

Au Sénégal, les DAT ont connu une évolution si remarquable qu'ils dépassent les DAV depuis 1987 ; Ce qui constitue un potentiel de crédit important.

la répartition des dépôts en DAT et DAV .

Ceteris paribus, Si nous reprenons la régression » pas à pas » en déglobalisant les
dépôts en DAV et DAT, on obtient le modèle' selon lequel, la surliquidité est fonction

6 Le taux de couverture des emplois à long terme par les ressources à long terme est fixé par la BCEAO à un seuil plancher de 75% entraînant un taux plafond de transformation de 25%.

7 R = - 0,509 B + 0,633 DAT -- 0,281 AENB + 5,420 Les coefficients sont stables et significatifs

Variables

Coe icients

Ecart type

T de student

Constant

MO

3,419

1,585

B

-0,509

0,126

-4,035

DAT

0,603

0,085

7,414

AENB

-2,81

0,101

-2,772

 

20

du volume de billets détenus par le public, des DAT et des AENB8 . Relativement, l'impact des billets est réduit alors que celui des réserves se renforce .

Les variations négatives des avoirs extérieurs nets sont une fuite en monnaie centrale vers l'extérieurs . baisse de 1% des AENB entraîne une hausse des réserves de 0,2% . De 1966 à 1993, les AENB sont négatifs .

Les DAV sont faiblement corrélés au volume de réserves excédentaires des banques . Donc, on peut dire que la surliquidité des banques est déterminé par une importante quantité de DAT qui n'est pas recycler dans le secteur productif .

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite