Section 2/ LES CRITERES D'OCTROI DES PRETS
BANCAIRES.
Généralement, les banques sont définies
comme étant des institutions financières qui ont pour fonction
principale de recevoir des dépôts et de les mettre à la
disposition des agents économiques qui en ont besoin, moyennant un
coût appelé taux d'intérêt débiteur.
Dans le processus d'octroi du crédit, les banques
respectent souvent trois critères suivants :
· la rentabilité
· la liquidité
· la sécurité
Avant d'aborder les critères d'octroi des
crédits, nous examinerons d'abord la nature des relations entre les
banques et les entreprises.
L'étude des critères d'octroi des
crédits bancaires sera complétée par l'analyse du bilan
des entreprises ainsi que de leur structure financière. On se fondera
sur les données économiques et financières de la DPS ainsi
que les résultats du programme cadre II.
A/ La relation banque-entreprise
La relation banque-entreprise peut être décrite
à l'aide de deux modèles polaires: la banque à l'acte et
la banque de relation.
La banque à l'acte illustre une conception de
partenariat minimaliste avec
l'entreprise. La relation est contractuelle et limitée
dans le temps. Les entreprises sont multibancarisées et font jouer la
concurrence entre les établissements jusqu'à procéder par
appels d'offres; les banques et les entreprises cherchent à minimiser le
coût de construction de l'information. Par exemple, les banques utilisent
des
procédures standardisées d'analyse des risques;
les entreprises limitent la fourniture d'informations à des documents
comptables. Cette relation peut conduire à des rétentions
d'information.
Dans cette approche, les banques sont organisées par
produit et multiplient les filiales spécialisées. leur "pricing"
est fondé sur une comptabilité analytique; la rentabilité
est recherchée par produit. De ce fait, les marchés sont
très concurrents et peu rentables. En matière de gestion de
risque, les banques recherchent la diversification et assortissent leurs
crédits de sûretés réelles.
Le model de la banque à l'acte est dominant dans les
pays Anglo-saxons; la finance désintermédiée est
majoritaire. La concurrence entre banques est forte et se traduit notamment par
la libre rémunération des dépôts à vue, et
par une offre de produits évolués et diversifiés. Les
entreprises sont multibancarisées, et les banques, peu engagés
financièrement sur un même client.
Le schéma opposé s'appuie sur la banque de
relation et sur une conception de partenariat engagé avec l'entreprise.
Ici, la relation banque-entreprise est fondé sur un principe de
coopération à long terme. L'entreprise entretient une relation
privilégiée avec son banquier de référence dont le
rôle est dominant, notamment en matière d'apport de
crédits. Il bénéficie d'un droit d'ingérence dans
la vie de l'entreprise, qui peut notamment prendre la forme de participation au
conseil d'administration. Le banquier est aussi un conseiller pour
l'entreprise. Des dépenses importantes sortit
48
consacrées à la construction de l'information
pour un usage partagé entre les deux partenaires.
La banque est organisée par type de clientèle
d'entreprise. Elle fournit un ensemble intégré de produits et
services, cherchant à globaliser la relation. La rentabilité est
appréciée par client permettant des subventions entre produits.
La concurrence est moins âpre, la profession est cartellisée. La
banque pallie une concentration du risque relativement forte par un
contrôle très poussé et une surveillance du débiteur
rendue possible par les importantes échanges d'informations. L'objectif
poursuivi est d'anticiper les difficultés des entreprises et les aider
à les résoudre. Ce modèle s'applique au Japon et en
Allemagne.
Le cas sénégalais.
La relation banque-entreprise au Sénégal serait
plutôt une variante du modèle de banque à l'acte. L'octroi
de crédits bancaires est sujet à des sûretés
réelles ou personnelles et au versement de l'apport personnel
qui traduit la volonté du banquier de limiter le coût de
l'information et de transférer tout le risque à l'entreprise;
l'asymétrie d'information est très forte et la fourniture
d'informations par l'entreprise se limite à la production de documents
comptables. Les entreprises détiennent souvent des comptes dans des
banques différentes, ce qui ne permet pas à la banque de
gérer efficacement l'information. Mais le financement est ici totalement
intermédiée et la profession bancaire est oligopolistique. Les
banques sont de simples apporteurs de crédits; elles ne procèdent
pas à la mutualisation des risques. Le coût élevé du
crédit fait que les promoteurs ont tendance à enjoliver leur
projet, en réajustant à la hausse leur TRI (taux de
rentabilité interne) (effet d'incitation). De plus, les études de
préfactibilité sont souvent négligées, ou encore,
l'étude du projet est confié à des cabinets informels pour
minimiser les coûts.
Depuis la restructuration du secteur bancaire en 1989, les
banques sont
devenues plus sélectives dans leur offre de
crédit, et subordonnent leur stratégie de développement
sur le marché des entreprises à une stratégie de
maîtrise des risques.
Cette tendance a été appuyée par les
exigences en matière de contrôle prudentiel, et par l'insuffisance
du système de garantie, qui freinent la prise de risque des
établissements bancaires.
1/ LA RENTABILITE DE L'INVESTISSEMENT.
Quand l'investisseur se présente au guichet de la
banque X pour solliciter un crédit, la préoccupation
première du banquier sera de s'assurer de la rentabilité du
projet.
Le concept de taux de rentabilité interne (TRI )
traduit cette préoccupation. Elle est calculée au niveau de la
phase d'évaluation financière de l'étude de
factibilité.
A ce niveau de l'évaluation du projet, le TRI est mis
en relation avec le taux débiteur (rd).
· Si le TRI > rd , alors le projet est dit rentable
· Si le TRI < rd , alors le projet n'est pas
rentable.
Pour le cas où le TRI > rd , il existe un seuil dit
de rentabilité effective que l'on peut définir comme étant
la différence entre le TRI et rd qui fait que
- l'investissement réel est préférable
à l'investissement financier.
49
- le banquier apprécie le caractère bancable du
projet.
Au premier Janvier 1996, les taux de base bancaires
s'établissait comme suit:
banques
|
taux de base
|
CITY BANK
|
8%
|
CLS , CBAO , SGBS
|
9,5%
|
BICIS
|
10,25%
|
|
Le taux de base bancaire est l'élément central
dans la détermination du taux d'intérêt bancaire. S'y
ajouteront différents éléments dont notamment, la taxe sur
les opérations bancaires (TOB ) qui est de 17% de rd.
Pour les crédits à moyen et long terme (qui
nous intéressent plus particulièrement), rd avoisinait les 13% au
FPE (Fonds de Promotion Economique), et 21% au niveau des banques primaires.
D'après les milieux bancaires, un projet est
considéré comme bancable si le TRI> 30 %. Si on ajoute
à cette position bancaire, les exigences de garanties (hypothèque
sur titre foncier, nantissement du matériel, nantissement du fonds de
commerce), on peut apprécier la pertinence au Sénégal du
non financement bancaire de l'investissement. Les banques, dont la majeure
partie ne disposent pas de services d'évaluation des projets autonomes,
rejettent généralement les projets dont le TRI <
35%20; alors que les détenteurs de bons projets vont
préférer se tourner vers d'autres sources de financement ,
notamment , les financement sur fonds propres.
Cependant, les banquiers étant rationnels par
hypothèse, il convient de chercher une explication à leurs
comportement. C'est ainsi que la notion de risque intervient. Il est
défini comme la probabilité pour le créancier de ne pas
recouvrer tout ou partie de sa créance. Il permet d'expliquer pourquoi
les banques sont réticentes à abaisser leur taux débiteur
malgré la volonté affichée des autorités
monétaires de relancer les investissements pour tirer tout le potentiel
de croissance qu'offre la dévaluation du franc f.CFA.
2/ LA LIQUIDITE DES PRETS A
L'INVESTISSEMENT.
La difficulté majeure à laquelle se heurtent
les prêts destinés à l'investissement, notamment les
prêts à long terme est, qu'ils ne sont pas escomptables
auprès de la BCEAO
Le caractère non mobilisable de ces prêts font
que souvent les banques procèdent à de faibles transformations.
Or la transformation joue un grand rôle dans le financement du haut du
bilan. Au niveau de la réglementation prudentielle de la BCEAO, le ratio
de couverture des emplois à moyen et long terme par des ressources
stables est fixé à un minimum de 75%. D'où 25% seulement
de transformation des ressources courtes en emplois longs est permise.
Années
|
Creco à
|
dépôt des
|
dépôt à vue
|
25% des
|
|
|
moyen et
|
particulier
|
des
|
dépôts à vue
|
|
|
long terme
|
s et des
|
particuliers
|
des
|
5=(1) + (4)
|
|
2" A titre de comparaison, la ligne de
crédits APEX exige que le taux de rentabilité financière
additionnelle soit de 12% au moins.
50
(1)
|
entreprise s à terme (2 )
|
et des
entreprises ( 3 )
|
particuliers
et des entreprises (4)
|
|
1988
|
150479,9
|
119584,7
|
117028,6
|
29257
|
148841,7
|
1989
|
142830,8
|
138110,6
|
124482,6
|
31120,6
|
169231,2
|
1990
|
167950,5
|
146977,5
|
104679,6
|
26170
|
173147,5
|
1991
|
165836
|
158392,9
|
112279,9
|
28070
|
186462,9
|
1992
|
177491,3
|
167563,2
|
106626,5
|
26656,6
|
194219,8
|
1993
|
183483
|
138776,7
|
101429,1
|
25357,3
|
164134
|
1994
|
188096,2
|
159908,7
|
141222,4
|
35305,6
|
195214,3
|
|
evolutions comparées des dépôts et des
crédits à terme .
200000 180000 160000 140000 120000 données 100000 80000
60000 40000 20000 0
|
|
|
|
|
|
-- ·--creco à moyen et long terme ( 1)
--III-- dépôt des particuliers et des entreprises
à terme (2 )
|
|
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
années
Si les banques ont octroyé un volume de crédit
à terme supérieur à celui des dépôts à
terme, ceci répond à une certaine prudence dans leur gestion. Les
dépôts à terme étant rémunérés,
les banques sont obligées de les rentabiliser par une marge
rémunératrice qui est le différentiel de taux
d'intérêt.
La véritable contribution des banques à
l'activité de financement doit se mesurer à travers le
degré de transformation des ressources courtes en ressources longues
sous contrainte du seuil plafond de 25% fixé par la
réglementation bancaire.
Si l'on considère le seuil de 25% comme celui au
delà duquel la banque prend des risque compte tenu du caractère
non escomptable des prêts à terme, on constate que les banques
dépassent rarement ce seuil, depuis la restructuration du secteur
bancaire en 1989.
Le potentiel de crédit bancaire ( dépôts
à moyen et long terme augmentés des 25% de transformation
permise) a rarement été entièrement utilisé depuis
1989, hormis l'année 1993 qui est celle où la décision de
non rachat des francs F.CFA hors de la zone a été prise
(arrêt des fuites de capitaux, reflux francs F.CFA qui étaient en
dehors de la zone).
3/ la sécurité des prêts à
l'investissement.
La question de la sécurité des prêts
à l'investissement peut être appréhendée à
travers des critères tels que la personnalité de l'investisseur
(réputation, qualité de gestionnaire, etc.), le secteur
d'activité (l'état et les caractéristiques du
marché) et surtout la structure des capitaux permanents ( dette à
moyen et long terme / capitaux permanents ) où la règle est celle
des "50-50". L'idée de base est que les capitaux propres constituent une
garantie pour les tiers. Le souci du banquier est de partager les risques avec
l'emprunteur car il intervient le plus souvent à ses risques et sur sa
trésorerie, engageant dans la plupart des cas, des fonds de leurs
déposants.
La nécessité de sécuriser les
prêts à moyen et long terme fait qu'ils sont
systématiquement assortis de garanties réelles (hypothèque
sur titre foncier, nantissement du matériel, nantissement du fonds de
commerce). A cela, s'ajoute un apport personnel d'au moins 30% du
prêt.
Elle explique aussi la distribution sectorielle du
crédit qui profite surtout au commerce
gros et détails ; aux restaurants et hôtels ; au
transport et aux particuliers (construction et équipement
ménagers).
La poursuite de l'analyse des critères d'octroi des
crédits que sont la rentabilité des projets, leur
sécurité et leur liquidité nous incite à
déterminer un indice de risque bancaire, et aussi , à nous
intéresser à la structure du bilans des entreprises
sénégalaise et aux, aux relations banques entreprises. Cette
réflexion permettra d'éclairer d'avantage le comportement des
banques qui est à l'origine de la surliquidité.
4/ Détermination d'un indice de risque
bancaire.
Le risque peut être défini comme la
probabilité pour la banque de ne pas recouvrer sa créance. Ici,
on pourrait le mesurer par Rq.
Soit : Crecos, les crédits à
l'économie en souffrance = crédits impayés et
immobilisés; alors
Rq = Crecos /
Creco
Tableau d'évolution du risque.
Années
|
Crecos
|
Creco
|
Rq
|
|
|
25167,6
|
436734,7
|
0,05
|
1989
|
48880,2
|
444161,4
|
0,11
|
1990
|
42389,7
|
412295, 7
|
0,10
|
1991
|
51471
|
397951,1
|
0,129
|
1992
|
51336,9
|
419555,3
|
0.122,
|
1993
|
57787,6
|
425889,7
|
0,13
|
1994
|
61690,2
|
431389,3
|
0,14
|
|
la tendance générale traduit une
évolution à la hausse du risque de crédits bancaires
à l'économie. Ainsi, la probabilité dans
l'économie, pour le banquier de ne pas recouvrer son crédit est
passé de 5% en 1988 à 14% en 1994 ; soit une hausse de 180%.
Années
|
1988
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
dPib21
|
5.1
|
-1.4
|
4.5
|
-0.7
|
2.8
|
-2.1
|
2.0
|
|
Si on fait la relation entre l'évolution du risque et
le taux de croissance de l'économie, on se rend compte que
l'évolution du risque s'améliore avec la croissance du rythme
d'évolution du PIB, d'une année à l'autre.
Les risques les plus faibles correspondent aux
années,1987 et 1988 où les taux de croissance sont relativement
les plus élevés.
Ainsi, le taux de croissance positive de l'économie
est un indicateur de fiabilité des crédits octroyés pour
les banques car elles anticipent un risque de crédit moindre.
|