Appréciation des services et intention de switch dans une institution du système financier décentralisé: application aux membres de la COOPEC AKIBA YETUpar Etienne MUMBERE KASUMBA Université Libre des Pays des Grands-Lacs ULPGL/Goma - Licence 2020 |
INTRODUCTIONProblématiqueL'avenir de l'Afrique réside en partie dans sa capacité à rendre son secteur économique et financier plus inclusif. La Microfinance contribue aujourd'hui de manière directe au développement du secteur financier intermédiaire africain, lui-même corrélé positivement à la croissance économique1(*). Le circuit financier mondial est en pleine évolution, les statistiques montrent qu'en 2005, les IMFs africaines faisant partie de l'échantillon de l'enquête du MIX MARKET2(*) déclaraient 4,5 millions d'emprunteurs actifs pour un portefeuille de crédits de 1,3 milliards et 5,7 millions d'épargnants pour un encours d'épargne de 1,2 milliards de dollars américains. En 2012, selon la même enquête, le nombre d'emprunteurs avait quasiment doublé (soit pour une variation de 62,22%) passant à 7,3 millions d'emprunteurs actifs ; le portefeuille de crédits quintuplé (6,3 milliards de dollars) et le nombre d'épargnants quadruplé (21,6 millions d'épargnants et un volume d'épargne de 5,2 milliards de dollars)3(*). Mais la croissance du secteur en Afrique est plus lente que dans d'autres régions du monde et le taux de bancarisation reste encore l'un des plus bas au monde (24% en Afrique Subsaharienne) après celui de la zone Moyen Orient et Afrique du Nord. Dans quelle mesure la Microfinance peut-elle contribuer à l'amélioration de la situation des personnes exclues des mécanismes bancaires classiques des pays en développement ? C'est aujourd'hui une question qui bien qu'ayant fait l'objet de très nombreux débats extrêmement contrastés n'est cependant pas vraiment tranchée à ce jour4(*). Si la Microfinance est encore perçue par la majorité de la population comme le seul mécanisme financier qui soit aussi une stratégie orientée vers la réduction de la pauvreté ou la création des richesses, c'est certainement parce qu'elle confère une espérance à la masse des exclus du système financier classique5(*). La matière première dans la gestion des banques, COOPEC et IMFs est l'argent. Dans une institution financière le fonds est la source de maux6(*). Comme toute organisation, les IMFs sont amenées à croitre, la gestion de la croissance échappe la vigilance de plusieurs organes de gestion de bien d'institutions, si bien que la clientèle devient immense, l'encours de crédit énorme, la multiplicité des guichets et agences, l'énormité des risques issus des anciens comme de nouveaux contacts7(*). Et à l'issue de leur croissance, elles intègrent aux services financiers des services non financiers ayant pour rôle la gestion efficace des services financiers. Dans ce sens, le crédit seul n'assure pas le développement global d'une institution financière. Le développement vient donc de sa combinaison avec d'appui non financier8(*). De ses analyses, il montre que la combinaison des services financiers et non financiers accorde à l'entreprise une certaine rigidité dans son fonctionnement vis-à-vis de ses concurrents. À présent, le secteur de la Microfinance est de plus en plus exposé à une concurrence énorme et vive. Ce qui conduit directement aux problèmes majeurs d'insatisfaction de la clientèle, manque de profit pour certaines IMFs et même à la faillite pour d'autres9(*). Les IMFs sont hautement concernées par la satisfaction de leurs clients/membres en vue de prévenir le drop out, le départ massif et d'assurer la croissance du secteur. En effet, le niveau de satisfaction élevé, vis-à-vis des services, engendre une rétention accrue des consommateurs10(*). Dans cette optique, la satisfaction et la rétention des clients/membres deviennent donc des actifs intangibles sur lesquels les IMFs doivent s'appuyer pour conserver leurs parts de marché et survivre dans cet environnement concurrentiel. Un client fidèle est un client satisfait. Ce vieil adage résume à lui seul les raisons pour lesquelles toute entreprise qui souhaite se développer recherche, sur le long terme, à assurer la satisfaction de ses clients et au-delà leur fidélisation. Plusieurs auteurs ont appréhendé la satisfaction des clients/membres via l'amélioration de l'offre des services financiers et ont développé plusieurs approches vis-à-vis de la satisfaction des clients. La satisfaction des clients/membres s'appréhende soit comme un état psychologique d'insatisfaction dû au fait que les performances du service n'ont pas rencontré les attentes du client soit comme une opinion que le client se forge à l'issu d'une évaluation cognitive et effectuée après l'achat et où l'usage d'un service spécifique11(*). Les institutions financières ont d'abord adapté avec succès des produits simples, assez standards, d'épargne et de crédit. L'arrivée à maturité du secteur et la volonté de fidéliser des clients/membres souvent plus exigeants pousse aujourd'hui les IMFs à innover davantage et à diversifier leurs services (assurance, transfert de fonds)12(*). Les IMFs jugent ultime de proposer des services non financiers pour trois raisons essentielles13(*), (i) les services sociaux entrent dans la mission globale de lutte contre la pauvreté que partagent une majorité d'IMFs, (ii) peuvent contribuer à satisfaire les clients/membres, et donc à les fidéliser, (iii) réduisent le risque de non-remboursement des microcrédits en diminuant la vulnérabilité des clients/membres, dans le cas des services sociaux, et en renforçant leurs capacités de gestion, dans le cas des services d'appui au management. Couplant les analyses de C. LE PICARD DUCROUX (2003) à celles de R. BINDU BULEBE (2013), il est à retenir qu'une institution de Microfinance choisissantd'étendre sa gamme de produits avec des services non financiers le fera pour diversifier et sécuriser son offre, dans le sens où les services non financiers sont fournis en accompagnant l'offre des services financiers. Au cours d'une décennie, le nombre d'institutions de Microfinance est en décroissance. Il est passé de 26 en 2010 à 11 en 2017 et 201814(*). Un effondrement estimé à 57,69% montre que sur 10 institutions de Microfinance, 7 ont cessé leurs activités et les conséquences drastiques ne sont pas démontrables. En particulier, au sein de la COOPEC AKIBA YETU, le nombre total de membres est de 5.862, desquels 5.602 soit 95,56% sont actifs. La proportion des membres inactifs dans la clientèle totale de l'institution a connu une oscillation ces six dernières années. Elle est passée de 7,84% en 2014 ; 6,63% en 2017 et 4,64% en 201915(*). Pour une tendance décroissante des membres actifs, identifier et mesurer le niveau général de satisfaction des membres et l'intention de quitter l'institution suscite un questionnement. Connaitre des inactivités en moyenne de 232 membres l'année ; devient ainsidonc un problème, à sens duquel ce travail tourne. La décision d'abandonner un fournisseur de services découle d'une intention préalable. Ce qui a conduit à la question principale, formulée comme suit : « quelle est l'influence de l'appréciation des services sur l'intention de switch au sein de la COOPEC AKIBA YETU ? ». Dans le but d'éclater la question principale, les spécifiques suivantes sont reformulées : (1) Existe-il un impact négatif entre la qualité des services et l'intention de switch ? (2) Quelle est l'influence de la qualité des effets/impacts sur l'intention de switch et (3) quel est le sens de l'influence de l'effet modérateur des variables sociodémographiques sur le lien entre l'appréciation des services et l'intention de switch ? * 1 J. ATTALI, « Les nouveaux visages de la Microfinance en Afrique », in Revue d'économie financière, n°116, 2014/4, pp.243-258. * 2 Le MIX MARKET est un organisme sans but lucratif agissant entant que fournisseur d'informations portant sur le secteur de la Microfinance. Créé en juin 2002, en tant qu'organisme privé à but non lucratif, le MIX (Microfinance Information eXchange) vise à promouvoir l'échange d'informations au sein du secteur de la Microfinance. La mission du MIX est d'aider à construire un marché de la Microfinance en offrant des services de collecte de données, des outils de suivi de performance et de comparaisons sectorielles (benchmarking), ainsi que des services d'information spécialisés. Le MIX est le fruit d'un partenariat entre CGAP (Le Groupe Consultatif pour Assister les Pauvres), la Fondation Citigroup, la Fondation Deutsche Bank Americas, l'Open Society Institute (OSI), la Fondation Rockdale, ainsi que d'autres fondations privées. CGAP gère et fournit un soutien stratégique au MIX pendant ses trois premières années. Disponible sur https://www.microfinancegatexay.org consulté le 04/02/2020 à 11.22. * 3 J. ATTALI, Op.Cit., pp243-258. * 4 M. LABIE et T. MONTALIEU, « Introduction, de la Microfinance à l'inclusion financière », in Mondes en développement, n°185, 2019/01, pp.07-12. * 5 G. YITAMBEN, « La Microfinance en Afrique : lutte contre la pauvreté », in Finance et bien commun, n°20, 2004, pp.120-138. * 6 B. KAMBALE MBAKUL'IRAH, Création, organisation et gestion des IMFs, cours inédit, deuxième année de Licence, Microfinance et Banque, FASEG, ULPGL-Goma, 2019-2020. * 7 B. UMBA KONDE, Performance financière des IMF en RDC : cas de l'IMF BUSINA du Bas-Congo, Mémoire inédit, Microfinance et Banque, FASEG, ULPGL-Goma, 2014-2015, p.2. * 8 C. LE PICARD DUCROUX, Combiner les services financiers et non financiers ?, BIM, 2003, pp.1-4. Disponible sur http://www.mip.org/pdfs/mbp/bulding_microfinance and BDS.pdf consulté le 02/02/2020 à 20.45. * 9 R. BINDU BULEBE, Etude comparative du niveau de satisfaction de la clientèle des IMF de la ville de Goma, Mémoire on line, Économie et finance, Institut Supérieur d'Informatique et de Gestion, ISIG-Goma, Microfinance, 2013. * 10 E. BALEMBA KANYURI, Satisfaction des employés, satisfaction et rétention des clients/membres et performance perçue. Études empiriques sur les IMF du Kivu en RDC, Thèse de doctorat, Sciences économiques et gestion, Université de Mons, Belgique, 2014-2015, pp.107-132. * 11 E. AIME II EKONNE, Valeur des services offerts et performance des institutions de Microfinance : une analyse sous le prisme de la stakeholders theory, Thèse de doctorat, Sciences de gestion, Université de Douala, Cameroun, 2018, pp.8-9. * 12 S. BOYÉ et al., Le guide de la Microfinance, microcrédit et épargne pour le développement, 2ème édition, Éditions d'Organisation Groupe EYROLLES, Paris, 2009, p.51. * 13 Idem, p.91. * 14 Rapports Banque Centrale du Congo sur les activités de la Microfinance en République Démocratique du Congo, 2010-2018. * 15 Rapports annuels Coopérative d'Épargne et de Crédit AKIBA YETU, 2014-2019. |
|