La protection du droit de manifester dans l'espace publicpar Charles ODIKO LOKANGAKA Université de Kinshasa - Doctorat 2020 |
A. La diversité des formes de manifestationAux termes de l'article 2 de la proposition de loi fixant les mesures d'application de la liberté de manifestation, il est disposé que : « la manifestation s'entend comme tout rassemblement sur les voies publiques ou en plein air, préalablement déclaré, en vue d'extérioriser une conviction ou une volonté collective affirmant, approuvant ou désapprouvant un fait, un acte ou une mesure quelconque ».136(*)Dans son alinéa deuxième, elle distingue la manifestation mobile de la manifestation stationnaire. Lorsque la manifestation se déplace d'un point à l'autre de la voie publique, elle est mobile. Elle est stationnaire lorsqu'elle ne comporte aucun déplacement.137(*) Celle-ci nous semble complète, car, elle retient trois éléments, qui sont : une action collective, une action publique ainsi que la portée expressive. Cité par Gabriel Babinau, André Jodouin définit, la manifestation comme une « une action collective et publique qui a pour but la communication ».138(*) Cette définition a l'avantage d'englober la manifestation sous toutes ses formes. Elle retient aussi trois éléments essentiels de la manifestation, soit ses aspects collectifs, publics, et expressifs. Fillieule et Tartakowsky considèrent que la manifestation renvoie toujours à quatre éléments : une occupation momentanée d'un lieu physique ouvert, une expressivité, une pluralité de participants et une dimension politique139(*). Le quatrième élément n'est pas toujours évident, du fait que certaines manifestations n'ont rien de politique étant donné qu'elles ont pour finalité la juste satisfaction d'un besoin social. Pour Bernard Stirn,la manifestation est « une réunion qui présente la double particularité d'être organisée sur la voie publique et d'avoir pour projet d'exprimer un sentiment collectif ». Elle peut être fixe ou se combiner avec un déplacement et un cortège. Mais comme on peut vite s'en rendre compte, cette approche s'écarte de celles que propose bon nombre de législations sur la question, qui distinguent les manifestations publiquesdes réunions publiques.140(*) La manifestation peut se dérouler dans ces deux types d'endroits, pourvu qu'il s'agisse d'un lieu ouvert au public. La notion d'occupation momentanée de lieux physiques ouverts exprime bien cette idée. La dimension publique de la manifestation est intimement liée à sa dimension expressive. Pour que la manifestation puisse communiquer son message, il faut nécessairement qu'elle se déroule à la vue des gens, donc dans un lieu physique ouvert au public. Pour Fillieule et Tartakowsky, il s'agit de la dimension première de la manifestation : toute manifestation a pour dimension première l'expressivité, tant pour ses participants que pour les publics, par l'affirmation visible d'un groupe préexistant ou non, par la mise au jour de demandes sociales plus au moins précises. Ce second critère permet d'exclure le rassemblement de foule hétérogène, sans principe unificateur, mais aussi des actions politiques visant la discrétion, voir le secret141(*). Enfin, pour qu'il s'agisse d'une manifestation, celle-ci doit « se traduire par ou déboucher sur l'expression de revendications de nature politique ou sociale »142(*). Ce critère est à la fois central et délicat. Délicat puisque la nature politique de la manifestation ne serait pas toujours évidente. En effet, il peut arriver qu'elle soit dérivée plutôt qu'intentionnelle. Même si celle-ci semble être la plus considérée surtout en raison de la faillite de système de gouvernance des Etats. ·Par exemple : une émeute qui éclate dans un quartier défavorisé peut être le signe d'une crise sociopolitique. Cette dernière dimension touche directement au coeur du débat sur l'importance de la manifestation puisqu'elle sous-entend les liens que la manifestation entretien avec la démocratie. La liberté de manifestation peut être mieux appréhendée dans ses différences avec d'autres expressions qui ne lui sont pas similaires. Il va de soi que la manifestation nécessite une pluralité d'acteurs puisqu'il implique toujours une réunion ou un rassemblement de gens. La manifestation se tient aussi nécessairement en public, mais il ne s'agit pas ici d'une dichotomie entre propriété publique et propriété privée. * 136 Aces propos,lire la proposition de loi en instance de promulgation à la présidence de la République de la RDC depuis plus d'une année en violation flagrante de la Constitution. * 137Aces propos,lire la proposition de loi en instance de promulgation à la présidence de la République de la RDC depuis plus d'une année en violation flagrante de la Constitution. * 138 BABINEAU (G.), La manifestation une forme d'expression collective », in Les cahiers de droit, volume 53, numéro 4, décembre 2012, pp. 761-792. * 139BABINEAU (G.), Op. cit, pp. 761-792. * 140 TERCINET (M.-R.), La liberté de manifestation en France, in RDP, 1979, p. 1009; STIRN (B.), Les libertés en question, Paris, Montchrestien, 6ème édition, 2006, p. 37. * 141 Cités par BABINEAU (G.), La manifestation : une forme d'expression collective, Op. cit., p. 82. * 142 En tout cas le sens qu'accordent bon nombre d'auteurs sur la question. Le sens renforcé par l'article 26 de la Constitution congolaise et l'article 12, alinéa 1 et 2 de la proposition de loi fixant les mesures d'application de la liberté de manifestation. |
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