La protection du droit de manifester dans l'espace publicpar Charles ODIKO LOKANGAKA Université de Kinshasa - Doctorat 2020 |
§2. Le régime juridique de la liberté de manifestation en FranceLa manifestation est en France soumise au régime relativement libéral de la déclaration et non au régime de l'autorisation préalable.374(*) La déclaration sera faite à la mairie de la commune ou aux maires des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus, avant la date de la manifestation. A Paris et pour les communes du département de la Seine, la déclaration est faite à la préfecture de police. Elle est faite au préfet ou au sous-préfet en ce qui concerne les villes où est instituée la police d'État. La déclaration fait connaître les noms, prénoms et domiciles des organisateurs, et est signée par trois d'entre eux, faisant élection de domicile dans le département. Elle indique le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement des groupements invités à y prendre part et, s'il y a lieu, l'itinéraire projeté. L'autorité qui reçoit la déclaration en délivre immédiatement un récépissé375(*). L'autorité publique ainsi informée ne peut interdire sous le contrôle du juge la manifestation que s'il y a une menace grave et précise pour l'ordre public. Le droit et la jurisprudence opèrent ensuite une distinction appuyée entre l'organisateur d'une manifestation et le « simple » manifestant. L'organisateur commet un délit s'il ne déclare pas la manifestation qu'il organise, ou s'il fait une fausse déclaration, par exemple sur la date ou l'itinéraire ou encore s'il poursuit la préparation d'une manifestation interdite. Par contre, il n'y a, pour celui qui n'a pas organisé la manifestation, aucun délit à participer à une manifestation quand bien même celle-ci n'aurait pas été déclarée, voire aurait été interdite (la jurisprudence est constante), et tout du moins tant que la force publique n'enjoint pas à se disperser376(*). Toujours en droit, il est nécessaire également d'opérer une distinction stricte entre la manifestation sur la voie publique ou encore tous cortèges, défilés et rassemblèrent de personnes.377(*)En droit, les textes qui s'appliquent aux manifestations et aux attroupements sont complètement indépendants, ils ne renvoient aucunement l'un à l'autre. Juridiquement, une manifestation interdite ou une manifestation non déclarée, ou encore une manifestation qui ne suit pas l'itinéraire prévu ou qui ne se disperse pas à l'appel de ses organisateurs ne devient pas par cela même un attroupement. Mais faute d'une définition légale de l'attroupement, le rassemblement de manifestants sur la voie publique, dès lors que les conditions du décret-loi de 1935 ne sont plus respectées, est souvent considéré comme constituant un attroupement. Cet artifice juridique, fréquemment employé par l'administration et parfois récusé par la jurisprudence, permet de dissiper par la force l'attroupement, notamment s'il y a risque d'atteinte à la tranquillité publique. En ce cas, il n'y a plus lieu de distinguer entre ceux qui provoquent l'attroupement (on ne parle pas ici « d'organiser » un attroupement) et ceux qui le composent, tous seront également dispersés après les sommations réglementaires décrites avec un grand luxe de détails par le Décret n° 60-898 du 24 août 1960 modifiant le code de procédure pénale. En vertu des normes internationales, la déclaration préalable a pour seul objectif de permettre aux autorités de se préparer afin que le rassemblement en question puisse se dérouler dans les meilleures conditions, tant pour les participants que pour les autres personnes. Elle ne doit donc pas être obligatoire si aucune préparation n'est nécessaire de la part des autorités, par exemple pour les petits rassemblements. Par ailleurs, les procédures administratives pour la déposer ne doivent pas être excessivement lourdes, longues ou coûteuses. * 374 L'article 1er du Décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006071320&dateTexte=20080410, consulté le 23 juillet 2019 à 07 heures 04'. * 375L'article 2 du Décret-loi du 23 octobre 1935, Op. cit. * 376Cette position converge avec le principe du libre accès à l'espace public développé ci-haut. * 377Lire les articles 104 à 108 du Décret-loi de 1935, Op. cit. |
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