La protection du droit de manifester dans l'espace publicpar Charles ODIKO LOKANGAKA Université de Kinshasa - Doctorat 2020 |
2. Les résolutions de la conférence nationale souveraineLa Conférence nationale souveraine tenue au Zaïre de l'époque s'est étalée sur une année et demie, soit du deuxième semestre de 1990 à 1992, et avait réuni les délégués représentant toutes les couches de la population, toutes les régions et la diaspora du Zaïre (Congo-Kinshasa). Ce forum est restée jusqu'à ce jour la conférence la plus longue et la plus réfléchie de l'Afrique, mais dont les résolutions n'ont jamais été sérieusement appliquées. Le but de la CNS était que les citoyens du Zaïre se mettent ensemble afin de discuter sur la situation du pays, et qu'ensemble ils trouvent des solutions sur les maux qui rongeaient le pays. Le but a été bel et bien atteint avec succès et de nouvelles bases avaient alors été jetées à travers les « Résolutions et les acquis de la Conférence nationale souveraine ». A défaut d'une assemblée existante et ayant une assise légale, constitutionnelle et représentative, il a fallu organiser une conférence politique, réclamée par l'ensemble de la société congolaise et largement représentative de toutes les couches, catégories, provinces et tendances politiques, idéologiques, intellectuelles et religieuses de toute notre société. C'est cette présence qui a conféré à la CNS une légitimité de fait résultant de son caractère largement représentatif. Dans une étude réalisée par National Democratic Institute en avril 2001, 60 % des personnes interrogées étaient d'avis qu'on devrait retourner aux acquis de la CNS308(*). La CNS a accouché de plusieurs résolutions, mais aussi d'un texte, l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période transition du 04 août 1992. Ce texte commence par proclamer l'adhésion du peuple zaïrois à la déclaration universelle des droits de l'Homme et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Même si ces textes international et régional ne consacrent pas expressément la liberté de manifestation309(*), cette affirmation constitue un sursaut démocratique de grande envergure, lorsqu'on se représente le climat politique qui a précédé ce texte. L'article 10 de ce texte est ainsi libellé : « La République du Congo garantit l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs, notamment les libertés de circulation, d'entreprise, d'information, d'association, de réunion, de cortège et de manifestation, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs ». Cet article qui ressemble à une disposition fourre-tout parce que comportant plusieurs droits et libertés pourtant des générations différentes, témoigne combien le constituant en était encore balbutiant en matière des droits fondamentaux des citoyens310(*). Quoiqu'il en soit, cette consécration a marqué un pas de géant dans la voie de la démocratie en République Démocratique du Congo. L'article 11 de la loi n° 93-001 du 02 avril 1993 portant Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de la transition311(*) et l'article 10 de l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994312(*) reprennent la même disposition. Cet élan de démocratisation entamée à la Conférence nationale souveraine ne s'est pas seulement limité dans les textes, le vécu quotidien des zaïrois pendant cette période de transition a été marqué par des manifestations intenses. * 308National democratic Institute for International Affairs, Les leçons à tirer de la Conférence nationale souveraine et ses implications pour le dialogue intercongolais, NDI, p. 37. * 309Laquelle est consacrée sous le couvert de la liberté d'expression. * 310Cela tient au fait que la Constitution du 18 février 2006 par exemple, dans la consécration des droits fondamentaux des citoyens, les consacre par générations tout en conférant de l'autonomie à certains qui, au départ étaient engloutis par d'autres. * 311Journal officiel de la République du Zaïre, 34e année, n° spécial, avril 1994. * 312Journal officiel de la République du Zaïre, 35e année, n° spécial, avril 1994. |
|