Section
2. Le Congo-Zaïre : l'exercice de la liberté de manifestation
dans un contexte dictatorial
Si dans son ensemble, le règne de Mobutu a
été régi par la Constitution du 24 juin 1967, celle-ci
avait été, d'une part, précédée par la
Déclaration de prise du pouvoir par le haut commandement militaire du 24
novembre 1965. D'autre part, cette Constitution de la deuxième
République a été révisée plusieurs fois, au
total 17 révisions, mais, dans nos analyses, nous n'allons prendre en
compte que les révisions fondamentales.
A l'invitation du Lieutenant Général
Joseph-Désiré Mobutu, commandant en chef de l'ANC, les
autorités supérieures de l'armée se sont réunies le
24 novembre 1964 en sa résidence. Après avoir fait un tour
d'horizon de la situation politique et militaire dans le pays, leur
étonnant constat faisait état de ce que si la situation militaire
était satisfaisante, la faillite était complète dans le
domaine politique.
En effet, alors que l'armée s'engageait à
rétablir l'ordre et la paix, les dirigeants politiques par contre se
sont positionnés dans une lutte stérile pour accéder au
pouvoir sans aucune considération pour le bien-être des citoyens.
La course au pouvoir des politiciens risquant de faire couler le sang des
congolais continuellement, tous les chefs militaires de l'ANC réunis le
mercredi 24 novembre 1965 autour de leur commandant en chef, ont pris, en
considération de ce qui vient d'être dit. Les droits et
libertés garantis par la Constitution du 1er août 1964
tels que prévu dans ses articles 24 à 28 sont respectés,
il en est notamment ainsi de la liberté de penser, de conscience, de
religion, d'expression, de presse, des réunions et d'association, l'ANC
s'étant tenue en dehors et au-dessus des activités politiques,
tous les détenus politiques seront libérés. Cette
décision ne s'applique pas aux membres des bandes insurrectionnelles
ayant commis une atteinte à la sûreté intérieure de
l'État.
Le président Mobutu, sous la bénédiction
d'un contexte international marqué par la guerre froide, imposera
à son « Zaïre » l'une de plus terribles
dictatures que le monde aura connues.Le grand fossé entre
consécration et jouissance effective qui caractérise le domaine
des droits fondamentaux n'a pas été absent durant cette
période, surtout lorsqu'on a en vue l'incompatibilité criante
entre l'absolutisme et les droits de la personne humaine, l'un étant la
négation des autres.
Le cadre juridique de la liberté de manifestation
n'était épargné des stigmates de la dictature (§1),
même si les tendances de démocratisation ayant sévi au
Congo avec la tenue de la Conférence nationale souveraine ont
été à la base d'un ordre juridique nouveau (§2), qui
s'est affiché comme une rupture avec le passé.
§1.
Un cadre juridique illustrant un contexte dictatorial
Avant d'aborder la période marquée par la
dictature de Mobutu, une brève analyse portant sur la situation du pays
avant 1965 s'impose. Il s'en suivra la période marquée par le
règne du Président Mobutu, lequel a connu deux moments
forts : de la Déclaration de prise de pouvoir du Haut commandement
de l'Armée nationale congolaise jusqu'à la libéralisation
politique du 24 avril 1990.
Il fera élaborer en 1967 la Constitution de la
deuxième République qui connaitra, comme indiqué plus
haut, plusieurs révisions jusqu'à devenir un costume à la
taille du chef de l'État. Il sied donc d'analyser le régime
juridique de la liberté de manifestation sous la Constitution du 24 juin
1967 et toute son évolution.
Cette Constitution est restée en vigueur au-delà
de la libéralisation de la vie politique en 1990, mais sera
remplacée, à l'issu de la Conférence nationale souveraine,
par l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la
période de la transition. Ce texte n'a pas été
promulgué par le Président de la République et sera
remplacé par la loi n° 93-001 du 02 avril 1993 portant acte
constitutionnel harmonisé relatif à la période de la
transition.
|