La protection du droit de manifester dans l'espace publicpar Charles ODIKO LOKANGAKA Université de Kinshasa - Doctorat 2020 |
§2. La fondamentalité est une propriétéL'essence de la fondamentalité n'est pas liée à la valeur juridique de la norme qui porte la liberté. Celle-ci n'est certes pas indifférente (du moins si elle est constitutionnelle) mais elle ne représente pour le juge qu'un indice. « Elle agit comme un révélateur de fondamentalité. Rien de plus. La hiérarchie des normes n'intervient pas en tant que telle dans l'identification de la fondamentalité »170(*). Ce qui caractérise cette propriété, c'est l'importance ou l'essentialité d'une norme. Comme l'affirme Gilles Bachelier, « ce qui compte c'est le caractère éminent de la liberté ou du droit en cause »171(*). Ce qui fait le caractère fondamental d'une liberté, c'est son caractère essentiel. Pour apprécier la fondamentalité d'une liberté, le juge administratif doit mesurer l'attachement que lui vouent les citoyens. Il est aidé, dans cette tâche, par plusieurs critères ou indices qui permettent de limiter la subjectivité inhérente à une telle opération. Le critère principal et presque exclusif est celui de la valeur juridique suprême. Par hypothèse, « les règles de valeur constitutionnelle sont toutes formellement et matériellement fondamentales »172(*). « A l'inverse, les normes infraconstitutionnelles ne sont pas fondatrices d'un ordre juridique, c'est-à-dire formellement fondamentales »173(*). Si certaines d'entre-elles peuvent le cas échéant s'avérer fondamentales, c'est uniquement en raison de leur importance, donc exclusivement d'un point de vue matériel ou substantiel. Ainsi, il ressort de la jurisprudence une opposition, non pas entre les normes « disponibles » (législatives ou infralégislatives) et les normes « indisponibles » (supralégislatives), mais entre les normes constitutionnelles (qui sont toutes et nécessairement fondamentales) et l'ensemble des autres normes (dont certaines seulement sont fondamentales)174(*). La source constitutionnelle prévaut sur toutes les autres sources de découverte des libertés fondamentales. Les autres sources ne jouent qu'un rôle subsidiaire, supplétif. En raison de l'importance que revêt l'activité sportive, la loi régissant l'exercice du sport en République Démocratique du Congo qualifie ledit exercice d'un droit fondamental en raison notamment de son essentialité. La vocation prioritaire de la Constitution dans la détermination de la fondamentalité s'explique par une considération simple : l'attachement des citoyens à un droit ou à une liberté est directement formalisé dans la loi fondamentale. Cela étant, les citoyens peuvent également manifester un attachement à un droit ou à une liberté sans que celle-ci ne figure dans la Constitution. Enoncée simplement par une norme infraconstitutionnelle, elle peut néanmoins être essentielle, c'est-à-dire présenter un caractère matériellement fondamental. Ainsi, source principale des libertés fondamentales, la Constitution n'en représente pas le gisement exclusif. La source constitutionnelle recèle nécessairement la fondamentalité ; les sources infraconstitutionnelles ne sont susceptibles de la révéler que de façon exceptionnelle. Cette place privilégiée de la Constitution. * 170LE BOT (O.), La protection des libertés fondamentales par la procédure du référé-liberté, Op. cit., p. 176. * 171 BACHELIER (G.), Le référé-liberté, RFDA, 2002, p. 263. * 172Idem * 173Ibidem * 174 DE SILVA (I.), concl. sur CE, Sect., 30 octobre 2001, Ministre de l'Intérieur c/Tliba, RFDA, 2002, p. 329. |
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