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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

La recherche d'effectivité maximale des droits fondamentaux, a conduit les états à la création des mécanismes de protection des droits fondamentaux. Parmi lesquels, nous avons d'une part, les mécanismes non juridictionnels ou persuasifs et des mécanismes juridictionnels qualifiés de dissuasifs en raison de leur force coercitive d'autre part. Le primat des droits fondamentaux au sein des démocraties contemporaines conduit le juge à adopter un discours contribuant à leur développement constant. Soucieux d'assurer une protection maximale des individus, le juge, par l'intermédiaire de sa jurisprudence, s'érige, en effet, en promoteur des droits fondamentaux, avec en ligne de mire une recherche d'effectivité toujours plus grande de ces derniers.

Pour ce faire, il importe, en premier lieu, de souligner que le juge confronté à la problématique de la force juridique contraignante des droits fondamentaux, s'efforce de préciser que les droits dont l'effectivité est conditionnée par l'intervention du législateur sont revêtus d'un caractère obligatoire et immédiat.

Sans négliger l'apport combien louable apporté par les mécanismes non juridictionnels à la protection de la liberté de manifester, le juge s'est affirmé dans bien des cas, comme le meilleur protecteur de la liberté de manifestation publique.

Il est donc important que le juge congolais puisse s'inspirer du discours de ses homologues béninois, français et espagnole pour rendre cohérent notre système juridique de protection du droit de manifester. La responsabilité de la carence jurisprudentielle mérite d'être partagée entre les citoyens et le juge. D'où la nécessité d'instaurer une éducation constitutionnelle.


CONCLUSION GÉNÉRALE

Descendre dans la rue pour exprimer une revendication, un refus, une émotion, c'est exercer un droit qui, dans une démocratie, va de soi. S'exprimant dans le contexte du Royaume-Uni, Céline Roynier rappelle que l'élaboration d'un droit positif de la manifestation a été perçue comme la simple consécration d'une liberté qui, dans l'opinion publique, était acquise de longue date : le « constitutionalisme populaire »conçoit le droit de manifester comme inhérent à la qualité de citoyen. De ce fait, il est aujourd'hui largement admis que la manifestation est nécessaire au fonctionnement des régimes démocratiques. C'est ainsi que Jürgen Habermas estime qu'il n'est guère plus possible d'obtenir ou de maintenir l'État de droit sans la démocratie radicale.891(*)

La question de la protection du droit de manifester est au coeur d'un paradoxe qui devrait nécessairement conduire les juristes à s'interroger sur le rôle des pouvoirs publics en tant que premiers débiteurs des droits fondamentaux. Dans le même ordre d'idées, cette question doit les conduire à réfléchir, de même, sur la fonction que remplirait la norme juridique en tant qu'instrument de conduites humaines. Si cette liberté connaît aujourd'hui une forte actualité, et ce partout dans le monde, ellesubit cependant, en même temps, de fortes limitations etde grands revers aussi bien dans les pays en transition démocratique que dans les pays occidentaux, pourtant toujours considérés comme les vieilles démocraties.

D'un système juridique à l'autre, si la définition de la manifestation et le statut de la liberté de manifester connaissent d'importantes variations, il est frappant de constater que les valeurs ou les raisons mobilisées au soutien de cette liberté sont partout du même ordre. Tous les juges [...] admettent que les manifestations sont des formes éminentes d'expression, de participation et de gouvernement démocratique892(*). D'où, peut-être, la difficulté liminaire à laquelle nous nous sommes heurté, au cours de nos recherches, sur l'examen comparé des droits positifs français, espagnol, béninois et congolais. Car il ne suffit pas d'affirmer qu'une liberté est en quelque sorte immanente à l'ordre juridique démocratique pour apprécier la conformité à la Constitution des règles qui, hic et nunc, en organisent l'exercice. Si les manifestants exercent collectivement un droit, il faut pouvoir en identifier les fondements, le contenu et les limites.

Dans les pays de notre comparaison, cette liberté s'analyse beaucoup plus sous l'angle du droit pénal ou sous le signe de l'ordre public. En République Démocratique du Congo, le système de garantie et de protection de la liberté de manifestation a longtemps souffert d'une incohérence caractérisée. Ce vice affecte également d'autres droits fondamentaux dont l'immédiateté n'est devenue qu'une simple incantation. En effet, pour donner corps à leur immédiateté, la jouissance des droits fondamentaux conviendrait avec une obligation de légiférer qui incomberait au législateur pour leur effectivité. La situation de la liberté de manifestation durant cette dernière décennie en est une parfaite illustration.

Si l'on considère comme promulguée à ce jour la « loi Sessanga », on ne peut cependant pas s'empêcher de reconnaitre l'imperfection du mécanisme constitutionnel de promulgation de plein droit prévu à l'article 140 de la Constitution. Nous pensons qu'il faille parfaire ce mécanisme en reconnaissant à la Cour constitutionnelle le pouvoir de constater la promulgation de plein droit d'une loi déjà adoptée au Parlement et d'ordonner au Journal officiel d'en assurer la publication dans un délai précis.

La carence de la jurisprudence face aux ambiguïtés et contradictions caractérisant le système de protection de la liberté de manifester ne permet pas d'avoir des précisions juridiques claires sur cette liberté. La doctrine a ainsi la charge de se saisir de ce débat en vue d'apporter l'éclairage nécessaire sur les contours de cette liberté aux fondements multiples.

Aucun des systèmes juridiques étudiés ne réduit la manifestation à un défilé sur la voie publique. Si le cortège qui traverse la ville avec banderoles, chants et slogans, occupe une place de choix dans la culture politique de certains pays, d'autres privilégient des formes plus statiques. La manifestation n'est pas nécessairement un cortège, même si son caractère mobile ou statique, posé comme un indicateur du degré de perturbation qu'elle risque d'entraîner, justifie, dans certains pays, des variations dans le régime juridique des rassemblements.

Ce qui définit la manifestation n'est pas sa forme, mais son but. Pour qu'un rassemblement relève de la catégorie « manifestation », il faut qu'il ait une visée expressive. Les manifestants se réunissent pour rendre publique l'opinion ou la cause qui leur est commune. Ils exercent donc à la fois leur liberté de réunion (parfois renforcée par la liberté d'association) et leur liberté d'expression (parfois spécifiée en liberté d'expression religieuse, syndicale ou « des minorités »).

La liberté de manifestation ne se laisse pas si aisément appréhender comme une déclinaison de la liberté d'expression, pour deux raisons majeures. La première tient à ce que toute manifestation porte en elle la négation même du discours, qui est la violence. Violence des manifestants, guettés par l'ivresse de l'action collective ; violence des forces de l'ordre, que les démocraties les plus avancées ne parviennent pas toujours à contenir. La manifestation est, par nature, perturbatrice puisqu'elle subvertit la fonction des lieux publics dans lesquels elle se déploie893(*).

Dans tous les pays étudiés, la liberté de manifestation s'est révélée, sans surprise, largement dominée par des considérations de maintien de l'ordre. Celles-ci conduisent partout à imposer un régime de déclaration, ou même d'autorisation préalable, parfaitement dérogatoire au droit commun de la liberté d'expression. Elles orientent le contrôle juridictionnel qui pèse sur l'encadrement administratif des rassemblements sur la voie publique, partout organisé autour de la question de la capacité de l'autorité de police à conserver à la manifestation son caractère pacifique.Elles expliquent, peut-être, les variations du contenu de la catégoriede la manifestation d'un ordre juridique à l'autre: le régime de la manifestation ne s'applique pas ouplus libéralement.

Une seconde raison interdit de rabattre purement et simplement la liberté de manifestation sur la liberté d'expression, combinée à la liberté de réunion. Il est de notoriété publique que celui qui descend dans la rue ne le fait pas pour exposer ses idées, ni pour en débattre avec d'autres. Il n'entend pas discourir, mais agir. Il ne cherche pas à convaincre, mais à s'imposer. On manifeste pour obtenir la démission d'un gouvernement, le retrait d'un projet de loi, la prise en compte de valeurs ou d'intérêts négligés, c'est-à-dire pour amener les représentants du peuple (ou d'autres types de dirigeants) à changer le cours de leur action. La manifestation étant moins l'expression d'une opinion que celle d'une volonté, ce qui compte n'est pas ce que disent les manifestants, mais ce que dit leur simple présence dans la rue : notre présence collective prouve que nous avons la faculté de nous exprimer, même si tout ce que nous disons, c'est que nous existons894(*).

Manifestent ainsi ceux qui sont ou se sentent exclus des mécanismes de représentation politique, mais aussi ceux qui entendent rappeler à leurs représentants que la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ainsi que l'affirment A. Peters et I. Ley, « les manifestants s'expriment en rendant le corps politique présent (par opposition à la représentation) ».895(*)

La concrétisation législative de l'ordre public sur l'exercice et la portée des droits fondamentaux constitutionnels invitent à réfléchir sur l'encadrement normatif de la limitation des droits et libertés en général et de la liberté de manifestation en particulier. En effet, ordre public et libertés sont souvent perçus par le pouvoir politique comme étant antinomiques, en ce sens que la poursuite du premier ne pourrait se concrétiser que par des restrictions apportées à l'exercice des secondes. Or, l'étude du processus de limitation, mais aussi les menaces qui pèsent sur l'exercice du droit de manifester, incitent à dépasser cette dichotomie. Deux voies principales peuvent être envisagées.

Comme nous l'avons dit plus haut, une manifestation ne peut être interdite que si elle constitue une menace pour l'ordre public. Ce motif d'interdiction est le seul admissible, une manifestation ne pouvant pas être interdite pour un motif autre que le risque d'atteinte à l'ordre public. Le juge administratif doit contrôler l'existence de la menace à l'ordre public et, si celle-ci n'est pas avérée, censurer la mesure d'interdiction. Plusieurs critères doivent être pris en compte par le Juge pour apprécier la réalité de la menace qui ne peut être supposée. Parmi ces critères, on peut retenir les circonstances du moment, l'itinéraire ou le lieu de la manifestation, notamment si elle rend difficile l'emploi des forces de police, l'appel des organisateurs à commettre les infractions, le précédent historique d'une organisation896(*).

Comme dans plusieurs pays, l'espace public de la manifestation en RDC est quadrillé par un réseau assez dense d'interdictions, d'autorisations et de contrôles.La pratique est sévère et généralement en contradiction avec les garanties juridiques en vigueur - la manifestation, feu follet du droit des libertés, incarnation sporadique du peuple souverain, échappe toujours peu ou prou à cet encadrement. Tous les pays de notre comparaison l'ont démontré : dans cette matière, la règle est dure, mais la pratique est molle. Prenant acte de cet écart structurel entre le droit et le fait, qui exprime, mieux que de longs discours, « la fonction de soupape assurée par la manifestation, la Cour européenne des droits de l'homme s'oppose même à ce que soient réprimées des manifestations non déclarées, voire interdites, sauf si elles risquent de tourner à l'émeute ».897(*) Car on n'interrompt pas les battements d'un coeur au motif qu'il lui arrive, parfois, de s'emballer898(*).

Pour préserver le libre exercice d'une citoyenneté active et l'intégrité physique de ceux qui la défendent, il est nécessaire d'assurer un contrôle ferme et démocratique de l'action du pouvoir policier qui semble souvent donner libre cours à son interprétation, quelque peu originale, de la législation en vigueur, avec pour effet de museler le droit sous les signes du droit pénal.Ce contrôle multidimensionnel des actions étatiques préventives et répressives est un vivier de la démocratie.

Traditionnellement, dans les systèmes étudiés, le juge administratif était incapable d'assurer une quelconque protection de la liberté de manifestation. Faute d'être doté de procédures d'urgence efficace, il intervenait des mois, voire des années après une mesure d'interdiction prise par l'autorité de police. Si l'interdiction était illégale, l'annulation intervenait après coup, ne produisant ainsi qu'un effet purement platonique. La manifestation aurait dû se tenir ; elle n'avait pu se dérouler faute d'intervention du juge en temps utile.

La situation a radicalement changé avec les réformes ayant introduit les procédures d'urgence. La liberté de manifestation ayant la nature d'une « liberté fondamentale tant du point de vue formel que matériel, le juge des référés peut intervenir dans un délai très rapide, de quelques jours, voire, de quelques heures, pour prononcer une mesure de sauvegarde. Il est ainsi en mesure d'intervenir en temps utile pour, le cas échéant, suspendre une interdiction illégale et permettre, ce faisant, la tenue de la manifestation. Dans certains cas, la seule saisine du juge et la crainte qu'une mesure de sauvegarde soit prononcée, suffit à ce que l'Administration lève d'elle-même l'interdiction899(*) ou s'empêche d'interdire. Si le litige conserve un objet au jour où il statue, le juge apprécie la légalité de la mesure prise en procédant à un double contrôle de nécessité et de proportionnalité.

Cependant, en République Démocratique du Congo, la réforme intervenue en 2016 à l'occasion de l'adoption de la loi organique portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l'ordre administratif n'a pas apporté d'effet positif sur l'amélioration des conditions d'exercice de la liberté de manifestation. Car aucune juridiction administrative ne s'est prononcée sur une affaire relative au droit de manifester. Ce vide jurisprudentiel ne facilite pas la maîtrise de l'application de ces procédures d'urgence en matière de liberté de manifestation. Ainsi, nous souhaitons que la liberté de manifestation soit affranchie de son exil doctrinal et jurisprudentiel permettant ainsi aux tribunaux d'y accorder un poids aussi important qu'aux impératifs de sécurité de la société.

Pour ce faire, un double contrôle sur la nécessité de l'interdiction et la proportionnalité de la restriction devrait être organisé afin d'imposer l'exigence de modération.Il est ainsi évident qu'une obligation d'encadrement et de protection des manifestants et de la liberté de manifestation pèse sur l'autorité publique. Toutefois, il ne pèse pas sur elle une obligation de résultat, mais seulement une obligation de moyens900(*). Concrètement, car c'est sur ce point que semble se jouer l'appréciation, l'autorité de police va être tenue de mettre à disposition un nombre raisonnable de forces de police. Si le danger est trop élevé et nécessite de mettre un policier derrière chaque manifestant pour le prévenir, alors l'interdiction pure et simple n'apparaît pas disproportionnée.

L'effectivité de l'institution du référé-liberté devrait bien permettre de soumettre les restrictions dont cette liberté peut faire l'objet à un contrôle rapide et efficace du juge administratif. En clair, le référé-liberté, en cas de liberté de manifestation, ne comporterait pas l'exigence de l'article 287, point 1 de la loi organique sur les juridictions administratives est ainsi libellé : « Outre les mentions prévues à l'article 135 de la présente loi organique, la requête aux fins des mesures en référé contient la justification de l'urgence des mesures sollicitées ». De lege ferenda, le législateur est censé reconnaitre l'urgence à toute requête en référé-liberté de manifestation au regard de la nature même de la manifestation qui lui confère le caractère urgent, son organisation ne s'étendant que sur une durée relativement courte.

En dehors des hypothèses tout à fait exceptionnelles, l'autorité de police ne peut interdire de façon générale l'organisation des manifestations publiques sur une durée indéterminée. Ainsi, était illégal l'Arrêté du Gouverneur de la ville de Kinshasa différant l'organisation des manifestations publiques sur toute l'étendue de la ville de Kinshasa à un délai indéterminé. De même, l'autorité de police ne peut pas s'opposer, de façon générale, absolue et systématique, à toutes les manifestations publiques projetées par une association.Dans ce cas, le juge administratif doit censurer l'existence d'une disproportion entre l'intensité de la menace et l'étendue de la restriction901(*).

En présence d'une manifestation présentant un risque pour l'ordre public, l'autorité administrative ne dispose pas moins de moyens alternatifs, moins attentatoires aux libertésque l'interdiction. Elle peut procéder, d'une part, par l'interdiction ciblée (limitée à telle ou telle rue) et, d'autre part, par la mobilisation des forces de police pour assurer la sécurité de l'évènement et contenir d'éventuels débordements.

Dans le cas où l'utilisation de la force est considérée comme nécessaire, le droit international exige que celle-ci soit utilisée de manière proportionnelle à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre, de manière à causer le minimum de dommages à l'intégrité physique des personnes. Face à un rassemblement au cours duquel certains individus se livrent à des actes de violence, l'utilisation de la force peut être considérée comme nécessaire lorsqu'elle est inévitable pour assurer la sécurité des personnes et des biens ou à rétablir l'ordre public. Mais, cette utilisation devrait intervenir seulement en dernier recours. Dans de telles situations, le principe de la proportionnalité exige que les dommages pouvant découler de l'utilisation de la force soient justifiables par rapport à l'objectif légitime poursuivi. Par ailleurs, l'usage d'armes à feu pour disperser les rassemblements ponctués d'actes de violence n'est permis que si le recours à des moyens moins dangereux est impossible, dans les limites du minimum nécessaire et dans des cas où leur usage est nécessaire en cas de légitime défense ou pour la défense des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessures graves.902(*)

La violence dans le chef de certains manifestants ne fait pas d'une manifestation toute entière un rassemblement non pacifique. Dès lors, les agents responsables de l'application des lois ne doivent cibler que les individus violents, en les distinguant des manifestants exerçant légitimement leur droit des réunions pacifiques903(*). Les tirs indiscriminés sur la foule ou les manifestants sont contraires à l'interdiction absolue de privation arbitraire du droit à la vie et ne peuvent être justifiés904(*). Le recours aux armes à feu doit uniquement être autorisé face à une menace imminente de mort ou de blessure grave pour soi-même ou pour autrui. Par ailleurs, le matériel ne permettant pas un recours différencié à la force, tel que les gaz lacrymogènes, ne doit être utilisé quede manière exceptionnelle, dans des situations de violence généralisée et uniquement lorsque le niveau de violence a atteint un seuil tel que les menaces ne peuvent être traitées en ciblant uniquement les personnes violentes905(*).

Au regard des atteintes portées contre la liberté de manifestation, certains chercheurs comme Aurélie Duffit et Jacques Djoli estiment que les droits fondamentaux en général et le droit de manifester en particulier sont en train de connaître leur éclipse. Cette affirmation mérite bien d'être tempérée ou de ne pas être généralisée dans la mesure où l'action du juge par les procédures dites d'urgence permet de rêver d'un âge d'orde ces libertés.

C'est ici que trouve toute son utilité la thèse que nous soutenons. En effet, la protection de la liberté de manifestation passe nécessairement par le renforcement des sanctions des entraves à cette liberté. La dérision, l'obsolescence et le caractère non dissuasif des sanctions prévues par la loi Sessanga donnent l'impression d'un droit sans peine.Ceci nous a conduit à imaginer une sanction supplémentaire dont la teneur touche directement à la personne de l'autorité de police et non à l'organe.Ainsi, nous proposons l'institution de la déchéance de l'autorité administrative dans deux situations : la rébellion à la décision du juge et la récidive. Cette dernière renvoie à la situation d'une autorité administrative dont la décision serait annulée deux fois par le juge.

* 891 HABERMAS (J.), Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997, p. 13.

* 892 SALÁT, The Right to Freedom of Assembly: A Comparative Study, Oxford, Hart Publishing, 2015, p. 284.

* 893HABERMAS (J.), Op. cit., p. 13.

* 894 SAJÓ (A.), Constitutional Sentiments, New Haven, Yale University Press, 2011, p. 262.

* 895 PETERS (A.) et LEY (I.), Freedom of Assembly : The Politics of Presence, in PETERS (A.) et LEY (I.) (dir.), The Freedom of Peaceful Assembly in Europe, Baden-Baden/Oxford, Nomos/Hart Publishing, 2016, p. 12.

* 896 LE BOT (O.), La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ?Op.cit., p. 33.

* 897 GWÉNAËLE (C.), « La manifestation, coeur battant de la démocratie », article disponible sur http://juspoliticum.com/article/La-manifestation-coeur-battant-de-la-democratie-1140.html, consulté le 09 août 2019 à 08 heures 35'.

* 898Idem.

* 899 V. par ex. le T. A de Bordeaux, ordonnance du 28 mai 2013, Association L.214, n°1301861, inédit : production, au cours de l'audience, d'un arrêté retirant la mesure d'interdiction.

* 900 La jurisprudence européenne exprime clairement ces principes dans l'arrêt de principe du 21 juin 1988, Plattform « Ärzite fut das Leben », n°10126/82, § 32.

* 901 Cette orientation rejoint la jurisprudence européenne. Au regard de l'article 11 de la convention, une restriction apportée à la liberté de réunion pacifique doit être « nécessaire dans une société démocratique », cette exigence impliquant que l'ingérence corresponde à un besoin social pressant et soit proportionnée à l'objectif poursuivi (CEDH, 19 nov. 2012, Berlardir c/Russie, n°34202, §45).

* 902 Le BCNUDH a observé des actes de violence commis par des individus participant à certaines manifestations et justifiant un certain degré d'intervention par les forces de l'ordre pour rétablir l'ordre public ou assurer la protection des personnes et des biens. Cependant, les services de sécurité et les forces de défense congolaises ont souvent répondu à ces violences en utilisant la force de manière disproportionnée, y compris la force létale, quand d'autres mesures moins radicales auraient pu être envisagées.

* 903 Lire à ce sujet le Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extra-judiciaires, sommaires ou arbitraires, A/HRC/26/36 (le 1er avril 2014), para.75

* 904 COMITE DES DROITS DE L'HOMME, Projet révisé d'observation générale n°36 sur l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, CCPR/GC/R.36/Rev.7 (juillet 2017), paragraphe 18.

* 905 AMNISTIE INTERNATIONALE, Lignes directrices pour la mise en oeuvre des principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois (2015), p. 159.

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