2. Mobilisation de la violence armée dans la
sécurisation des frontières
Les frontières sont les lieux où l'usage de la
violence a atteint son paroxysme à l'Est de la République
Démocratique du Congo. La mobilisation de la violence par les groupes
armés dans les frontières à l'Est constitue un
élément essentiel pour maintenir le contrôle sur les
territoires occupés par les milices rebelles. Dans une récente
étude publiée en avril 2020, François M'munga Assumani
analyse le phénomène de la sécurisation des
foncières par la violence armée au moment de l'éclatement
des conflits fonciers en province du Sud-Kivu. Il réalise cette
étude dans un contexte caractérisé par la «
déliquescence de l'État congolais »99. En se
basant sur deux cas d'études des conflits fonciers, il montre comment
les acteurs locaux recourent souvent aux forces armées nationales, aux
groupes armés locaux et/ou aux autres acteurs armés pour
sécuriser leurs terres. À la différence des groupes
armés rebelles, les stratégies et les logiques d'action des
acteurs attestent que la « violence armée peut être
considérée comme une des normes pratiques dans la
sécurisation des droits fonciers en milieu coutumier
»100 sans distinction. Ce recours à la violence pour
sécuriser les frontières n'est pas l'apanage des congolais de
l'Est du pays. Même si le contexte de la région de l'Est de la RDC
est particulier, la pratique de la violence dans l'optique de défendre
la terre est courante dans toutes les régions du pays, surtout pour un
peuple attaché à la terre natale. Pour le peuple congolais dans
l'ensemble, l'identification à la terre est une question de vie ou de
mort. Les peuples s'identifient généralement à la tribu
qui, elle-même est liée à la terre. C'est dans cette
perspective que le recours à la violence, même si celle-ci parait
inadmissible et contestable, trouve tout son sens.
En effet, la thèse soutenue par François M'munga
Assumani est que la terre n'est pas seulement une cause de conflit et de
violence, mais elle est aussi devenue un facteur de
99 François M'munga Assumani, « Mobilisation de la
violence armée dans la sécurisation foncière. Cas de la
plaine de la Ruzizi au Sud-Kivu en République démocratique du
Congo », Revue internationale des études du
développement, Éditions de la Sorbonne, 2020/4 N° 224 /
pages 55 à 77.
100 Ibi., p. 55.
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perpétuation des conflits. En se focalisant sur la
situation du Kivu, l'on constate que malgré l'immensité de sa
superficie, la terre est un objet de préoccupation dans le sens que 80%
de conflits soumis aux cours et tribunaux se rapportent de manière
directe ou indirecte au problème foncier ou l'immobilier101.
Il importe ainsi de préciser qu'en République Démocratique
du Congo, la gestion foncière, du moins dans les milieux ruraux, est
assurée par des chefs coutumiers et sur la base d'identité
ethnique. Il s'agit souvent d'une gestion qui entre parfois en désaccord
avec la gestion foncière étatique qui donne plus d'importance au
droit national. Ce qui montre la difficulté à établir les
limites entre le droit coutumier congolais et le droit national. Selon Mugangu
Matabaro, la gouvernance foncière étatique semble ne pas
être adaptée aux réalités locales et aux logiques
des acteurs locaux102. Le problème se pose alors sur le fait
que l'attribution et le transfert de la terre relèvent des pratiques
coutumières et d'autres pratiques foncières au niveau local.
Dans un contexte où les tensions sont de plus en plus
exacerbées, la présence des forces armées vient
complexifier cette problématique. En effet, les forces armées
étatiques tout comme non étatiques sont souvent mobilisées
par les acteurs afin d'intervenir dans l'accès et le contrôle de
la terre. D'où l'importance d'établir les normes dans l'optique
de sécuriser les frontières.
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