B/ Les activités de recherche-action de l'APDRA, un
2ème filtre écartant des pratiques innovantes :
L'APDRA accompagne déjà certaines
innovations piscicoles qui sont testées en milieu paysan (la recherche
action). En ce moment, les principales innovations étudiées par
l'ADPRA Côte-Est sont l'élevage de gourami, la ponte multiple de
carpes ou encore le décalage de ponte de carpes. Le faible temps de
terrain disponible a fait qu'il était préférable
d'étudier des pratiques piscicoles peu connues par l'APDRA et donc
d'écarter notre traque de ces innovations déjà
étudiées.
C/ D'une traque qui se veut large à un
échantillon restreint de pisciculteurs étudiés :
1) Une traque qui se veut large :
Phase
méthodologique
2ème partie des enquêtes : les études
de cas
Légende :
Les phases du stage
Phase de télétravail
et début de terrain
1ère partie des enquêtes : Un
panel d'innovations
Personnes ressources : Pisciculteurs,
équipe APDRA, DRAEP Echantillon : ACP/ Pisciculteurs APDRA et
hors APDRA
Personnes ressources : Pisciculteurs,
DRAEP, équipe APDRA, autres acteurs de la pisciculture Echantillon
: Pisciculteurs APDRA et hors APDRA
2) Une traque adaptée au contexte de
l'étude :
3) Une « traque qui a le trac » ?
Personnes ressources : Surtout les ACP Echantillon : Principalement
des pisciculteurs APDRA
4) Les études de cas : Personnes
ressources : Uniquement ACP Echantillon : Pisciculteurs APDRA dont la
moitié étudiée par Marion Mounayar en 2019
Légende :
Difficultés rencontrées
Des études de cas sur un
échantillon connu par l'APDRA
Restrictions COVID 19 ; Temps de
terrain diminué
Faible identification grâce
aux pisciculteurs
Figure 8: L'évolution de la construction de
l'échantillon des pisciculteurs aux pratiques innovantes
1) Une traque qui se veut large :
Pour identifier des pratiques éloignées
de ce que propose l'APDRA, nous avion prévu, lors de la phase de
préparation méthodologique, qu'une part importante de
l'échantillon soit des pisciculteurs non encadrés ou anciennement
encadrés par l'APDRA. Afin d'identifier ces pisciculteurs, nous avions
prévu d'entrer en contact avec des agents du Service de la Pêche
et de l'Aquaculture (SPA) de la Direction Régionale de l'Agriculture, de
l'Elevage et de la Pêche (DRAEP). L'identification de ces pisciculteurs
pouvait se faire également par « effet boule de neige » en
suivant la démarche proposée par Chloé Salembier
(Salembier et al., 2016). Cette démarche consiste à mobiliser le
réseau social d'un
21
pisciculteur en lui demandant s'il connait ou
travaille avec d'autres pisciculteurs ou s'il a vu d'autres pisciculteurs qui
ont adopté les mêmes pratiques innovantes que celles qu'il met en
place.
2) Une traque adaptée au contexte :
Le contexte de la pandémie de COVID 19 a
fortement impacté les champs d'études de cette traque (voir page
15). Le bureau de l'APDRA sur la Côte Est se trouve à Vatomandry,
ville principale du district. 18 des 23 zones où intervient l'APDRA
(voir Tableau 1) sur la Côte Est se situent dans ce district, ce qui
regroupe 65% des pisciculteurs que l'ONG encadre. Les enquêtes se sont
quasi exclusivement passées dans le district de Vatomandry à
cause des temps de transport importants pour aller à la rencontre des
pisciculteurs plus excentrés. Finalement, cette traque s'est
limitée à étudier principalement des pratiques innovantes
mises en place par des pisciculteurs encadrés par l'APDRA dans le
district de Vatomandry.
- Identifier des pisciculteurs aux pratiques
innovantes pendant la phase de télétravail (11 pratiques
innovantes identifiées) :
La première identification de pisciculteurs aux
pratiques innovantes s'est faite à distance lors de la phase de
télétravail. Nous avons demandé aux ACP de la Côte
Est de relever des pratiques qu'ils jugeaient innovantes chez les pisciculteurs
qu'ils encadrent. Ensuite, lors d'entretiens téléphoniques avec
les ACP, nous avons caractérisé ces pratiques (selon le point de
vue des ACP) et nous avons, en réexpliquant la notion d'innovation,
tenté d'identifier d'autres pisciculteurs aux pratiques innovantes. Une
partie de ces pratiques identifiées se sont avérées par la
suite, être déjà étudiées par les
activités de recherche-action de l'APDRA. Ensuite, des discussions
informelles avec le coordinateur national de l'APDRA ont permis d'identifier
d'autres pisciculteurs aux pratiques innovantes.
- Identifier des pisciculteurs aux pratiques
innovantes lors du début de la phase terrain grâce aux ACP et aux
pisciculteurs (10 pratiques innovantes identifiées) :
La première semaine de la phase terrain a
été une semaine de découverte en suivant les ACP dans leur
travail. Les premières discussions informelles avec les ACP et les
pisciculteurs encadrés par l'APDRA ainsi que les observations terrains
ont permis d'enrichir le panorama d'innovations non mentionnées lors de
la phase pré-terrain. La première semaine d'entretien
auprès des pisciculteurs (identifiés grâce aux ACP) a alors
eu pour objectif principal d'identifier de nouvelles innovations et non de
caractériser les innovations repérées en amont de la phase
terrain. Cela s'est fait à travers des entretiens semi directifs en
discutant de l'historique de la pisciculture dans l'exploitation, la gestion
piscicole actuelle et les échanges avec d'autres pisciculteurs. Une des
portes d'entrées pertinente a été d'identifier les
problèmes rencontrés par le pisciculteur et les solutions
(parfois innovantes) développées par celui-ci en
retour.
L'identification d'autres pisciculteurs par «
effet boule de neige » s'est avérée peu efficace sur le
terrain, surtout pour identifier des pisciculteurs en dehors de l'APDRA. En
effet, l'unique réseau mentionné par les pisciculteurs lors des
entretiens était leurs groupements. Ces groupements ont
été formés sous l'impulsion de l'APDRA et sont
constitués uniquement de pisciculteurs encadrés par l'ONG. De
plus, les pisciculteurs enquêtés se sont bien souvent
désignés comme unique « penseur et créateur » de
la pratique innovante identifiée (cet élément sera
discuté dans le chapitre 4).
22
3 ) Une « traque qui a le trac »
?
- Identifier des pisciculteurs aux pratiques
innovantes grâce aux ACP et au responsable du Service de la Pêche
et de l'Aquaculture de Vatomandry (15 pratiques innovantes identifiées)
:
Un deuxième entretien a été
mené auprès de chaque ACP pour détailler les pratiques
innovantes identifiées lors du début de la phase terrain chez
certains pisciculteurs et repérer d'autres pisciculteurs les pratiquant
(uniquement des pisciculteurs encadrés par l'APDRA).
Un entretien a également été
mené auprès du responsable du SPA de Vatomandry. Nous avons
identifié trois pratiques innovantes chez deux pisciculteurs non
encadrés par l'APDRA. Cet entretien a surtout permis de mieux visualiser
la diversité des formes de pisciculture existantes et des acteurs de la
pisciculture présents sur la Côte Est de Madagascar.
Peu d'innovations ont été
identifiées chez des paysans ne faisant que de la rizipisciculture. En
effet, peu d'entre eux ont été rencontrés. Selon le
Responsable Suivi Evaluation (RSE), 73% des rizipisciculteurs ont
commencé après le 1er octobre 2019 et 52% après le 1er
janvier 2020 (voir annexe 1). Nous avons écarté ces pisciculteurs
« nouveaux » car selon les équipes de l'APDRA, ils sont encore
peu expérimentés et se contentent d'adopter les pratiques
recommandées par l'ONG.
4) Les études de cas :
Nous avons approfondi deux innovations à
travers des études de cas. Celles-ci ont permis d'identifier quelques
autres pratiques innovantes mais elles ont surtout permis d'approfondir celles
identifiées en amont. Notre échantillon se compose de 12
pisciculteurs, généralement accompagnés par l'APDRA depuis
plus de 3 ans. Ils ont été sélectionnés au fur et
à mesure car ils présentaient des innovations, plus
systémiques sur leurs exploitations. Nous supposons que leur
ancienneté leur procure un niveau de maîtrise piscicole suffisant
pour innover. On remarque que 6 de ces 12 pisciculteurs avaient
déjà été sélectionnés dans les
études de cas de Marion Mounayar en 2018-20193. Elle
cherchait à étudier l'évolution de la stratégie de
pisciculteurs et avait donc également sélectionné des
pisciculteurs anciens. Cependant, il faut noter que nous nous écartons
des pisciculteurs « inconnus » par l'APDRA recherchés en
début de traque.
Tableau de l'échantillon des pisciculteurs
enquêtés et des zones étudiées :
|
Nombre de pisciculteurs
|
Nombres de zones de l'APDRA
|
Pisciculteurs APDRA-Côte Est
|
211
|
23
|
Pisciculteurs APDRA-district
de Vatomandry
|
137
|
18
|
Exploitations piscicoles visitées au
total
|
35
|
14 (1 zone de Mahanoro)
|
Pisciculteurs enquêtés au
total
|
25 (1 hors APDRA)
|
12
|
Pisciculteurs enquêtés pour
les études de cas
|
12
|
10
|
Tableau 1: Nombres de pisciculteurs encadrés par
l'APDRA sur la Côte Est et pisciculteurs enquêtés
3 Ce rapport se base principalement sur des
études de cas (de pisciculteurs accompagnés par l'ADPRA) pour
décrire l'évolution de la stratégie piscicole et la place
de la pisciculture dans certaines exploitations agricoles sur la Côte Est
de Madagascar.
23
3ème étape : Caractérisation
des innovations piscicoles paysannes
La phase de caractérisation se rapporte
à la collecte des données sur les innovations
étudiées. La porte d'entrée adoptée dans cette
étude pour caractériser les innovations est tout d'abord
zootechnique. Notre démarche combine et confronte un ensemble de
matériaux empiriques issus d'enquêtes qualitatives menées
dans la zone d'étude. En effet, les données brutes
collectées proviennent des dires des pisciculteurs et des observations
terrains récoltées lors des entretiens semi directifs.
L'entretien semi directif est un outil intéressant pour avoir une
discussion autour d'un sujet délimité sans être trop
restrictif dans les réponses attendues : « le questionnaire
provoque une réponse, l'entretien fait construire un discours »
(Ferraton & Touzard, 2009). La quasi-totalité des entretiens ont
été enregistrés et réécoutés pour
obtenir le plus de détails possibles lors des retranscriptions. Cela a
également permis de limiter les erreurs de traduction en faisant
réécouter au traducteur des passages qui semblaient incomplets ou
erronés dans leurs premières interprétations. De plus,
très régulièrement et surtout pour les études de
cas, après avoir visité la parcelle du pisciculteur, une carte
représentant son exploitation et ses surfaces piscicoles était
réalisée pour servir de support de discussion. Cette carte
était parfois vérifiée et complétée par
l'ACP.
En nous appuyant sur le concept de système
d'élevage (voir 2.1.2 Le système d'élevage), les
entretiens avec les pisciculteurs ont consisté à leur faire
expliciter les dimensions suivantes :
- Les caractéristiques de leurs systèmes
d'élevage ou des techniques élémentaires
innovantes
qu'ils mettent en oeuvre (ce qu'ils font et
comment)
- Les raisons / les motivations qui les conduisent
à mettre ces systèmes en oeuvre
- Les mécanismes zootechniques (et parfois
agronomiques) qui permettent, de leurs points de
vue, à l'innovation d'aboutir aux effets qu'ils
attendent
- Les conditions d'émergences et
d'efficacité de l'innovation
- La trajectoire d'évolution de l'innovation
(phase de test, pratique déjà expérimentée
depuis
longtemps, ...)
- Les réseaux mobilisés (groupements de
pisciculteurs, ACP, autres acteurs)
- Les performances de l'innovation du point de vue du
pisciculteur
- L'insertion de l'innovation dans le système
d'élevage voir au-delà (système de production,
territoire).
4 Au cours de l'entretien, d'autres innovations peuvent
alors découler de la première identifiée.
La première phase de collecte de données
a permis de caractériser un panel d'innovations afin de montrer la
diversité des pratiques piscicoles innovantes existantes dans la zone
d'étude. Cette première caractérisation des innovations se
base sur les dimensions citées précédemment. En fonction
de la nature de l'innovation (plus ou moins simple à
caractériser) et du temps d'échange avec le pisciculteur, les
pratiques innovantes ont été plus ou moins
détaillées et caractérisées.
Ensuite, une phase de capitalisation et de restitution
à l'équipe technique et à l'équipe de coordination
a eu lieu. Elle a permis de confronter les premiers résultats
récoltés, de les consolider et de sélectionner les
innovations les plus intéressantes à approfondir à travers
des études de cas. Ces innovations ont été choisies car
elles sont de nature systémique, elles englobent une grande partie du
système d'élevage du pisciculteur et révèlent des
stratégies innovantes mises en place par celui-ci. Elles sont
également jusqu'alors peu connues par l'APDRA.
La deuxième phase de collecte de données
s'est focalisée sur deux innovations : « la combinaison de la
pisciculture en étang barrage et en rizière chez un même
pisciculteur » et « des
24
conduites d'élevages innovantes du tilapia du
Nil ». La moitié des 12 pisciculteurs sélectionnés
pour les études de cas avaient déjà été
enquêtés lors de la première phase et une première
collecte de données avait été réalisée. La
caractérisation de ces deux innovations systémiques s'est faite
sur les 8 dimensions citées à la page précédente.
Plus précisément, nous avons décortiqué avec le
pisciculteur les différentes étapes de son calendrier piscicole
l'année en cours et les années précédentes. Les
étapes clés comme la reproduction, le pré grossissement
des alevins, le grossissement, les pêches, les ventes et les autres
activités agricoles (notamment la riziculture sur les surfaces
empoissonnées) ont été essentielles à comprendre
pour déterminer les choix du paysan dans sa gestion de son
activité piscicole. Cela a permis, in fine, de
mieux comprendre ses stratégies piscicoles et la place de la
pisciculture dans son exploitation.
A la fin de la phase terrain, une restitution a
été faite auprès de toute l'équipe technique de la
Côte Est. Cette restitution portait essentiellement sur les
résultats de la phase d'étude de cas et présentait en
détail les résultats obtenus (calendriers piscicoles, pratiques
innovantes et stratégies développées par les
pisciculteurs). Cela a permis de confronter nos résultats avec les dires
des ACP afin d'enrichir nos données, remettre en question certains
résultats obtenus et en valider d'autres.
4ème étape : Analyse des innovations
piscicoles paysannes
Pour l'ensemble des innovations analysées, nous
présentons dans un premiers temps la pratique conseillée par
l'APDRA dans son référentiel pour ensuite caractériser la
ou les pratique(s) alternative(s) observée(s) chez les pisciculteurs
enquêtés.
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