A/ Première partie : L'analyse de six innovations
parmi toutes les innovations identifiées :
Dans un premier temps, nous avons
sélectionné 6 des 23 innovations repérées et
caractérisées lors de la première phase de collecte de
données pour les analyser dans ce mémoire. Le choix s'est fait en
fonction du nombre important de fois où l'innovation a été
repérée chez les pisciculteurs et en fonction de la
différence des pratiques d'élevage qu'elle entraine par rapport
aux pratiques recommandées dans le référentiel piscicole
de l'ONG. Nous avons également fait le choix de présenter des
innovations de natures différentes (techniques et organisationnelles)
pour montrer la diversité des pratiques piscicoles existante. Nous avons
regroupé les innovations au sein de deux thèmes : « des
innovations techniques au sein de l'étang barrage » et « des
innovations organisationnelles entre les pisciculteurs ».
Le premier grand thème choisi porte sur
l'analyse de quatre innovations techniques (aménagements, outils,
conduites d'élevage ou de culture) observées au sein des
étangs barrages des pisciculteurs enquêtés (22 des 25
pisciculteurs enquêtés possèdent un étang barrage).
Chaque innovation est comparée à la pratique du
référentiel technique de l'APDRA. Quand l'innovation a
été caractérisée chez plusieurs pisciculteurs, elle
fait également l'objet d'une analyse comparée. Cette analyse se
base sur 4 critères principaux :
- Les caractéristiques de l'innovation (quelle est
cette innovation ? à quoi sert-elle ?)
- Les raisons et les motivations d'adoptions de
l'innovation (pourquoi le pisciculteur adopte-t-il cette pratique innovante
?)
- Les conditions de développement de l'innovation
(quelles sont les conditions nécessaires au bon développement de
l'innovation ?)
- L'évaluation de la pratique innovante par le
pisciculteur (est-il satisfait de son innovation ? va-t-il changer sa pratique
?)
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Pour le deuxième thème, nous avons
choisi de présenter deux types d'échanges observés
fréquemment entre les pisciculteurs enquêtés : les
échanges autour de la reproduction de la carpe et ceux autour des
problèmes liés aux aléas climatiques. On parle ici
d'innovations organisationnelles car les pisciculteurs collaborent entre eux
pour répondre aux problèmes qu'ils rencontrent. La nature de ces
échanges ne relève pas d'une analyse approfondie des processus
qui les soutiennent. Nous avons relevé les contraintes
rencontrées par les pisciculteurs (les conditions manquantes sur leurs
exploitations), les solutions collectives qu'ils mettent en oeuvre et les
conditions d'émergences nécessaires pour que l'échange ait
lieu à un instant T (le réseau d'acteur et les termes de
l'échange).
B/ Deuxième partie : Deux innovations
approfondies en étude de cas et une étude des marchés de
vente auxquels ont accès les pisciculteurs enquêtés
Nous avons approfondi deux innovations systémiques
à travers 12 études de cas :
1/ La combinaison de la pisciculture en étang
barrage et en rizière chez un même pisciculteur (4 pisciculteurs)
et 2/ Les conduites d'élevages innovantes du tilapia du Nil (8
pisciculteurs).
1/ Cette innovation a été
étudiée dans un deuxième temps lors de la phase terrain.
Nous la présenterons ici en premier pour donner au lecteur des
clés de compréhension plus globales sur les dynamiques piscicoles
innovantes observées. En effet, cette innovation permet d'observer,
à l'échelle de tout le système d'élevage,
l'évolution des aménagements piscicoles dans le temps et de leurs
utilisations par les pisciculteurs. Cette analyse nous montre
l'évolution des pratiques d'élevages et des stratégies
développées par les 4 pisciculteurs
enquêtés.
2/ La deuxième innovation se concentre
principalement sur les conduites d'élevage innovantes du tilapia du Nil
observées chez les 8 pisciculteurs enquêtés. Ces
pisciculteurs ne pratiquent pas la sélection des individus males et
l'élimination des femelles avant le cycle de grossissement comme le
recommande l'APDRA dans son référentiel. On parle ici d'une
innovation par retrait car cette pratique a été enlevée de
la conduite d'élevage du tilapia par ces pisciculteurs. Nous nous sommes
intéressés aux différentes alternatives qu'ils mettent en
places.
Etape 1 : L'analyse zootechnique des
différentes pratiques liées aux conduites des cycles
d'élevage
Pour analyser les données
récoltées, nous avons d'abord fait une analyse zootechnique des
différentes pratiques liées à la conduite d'élevage
des espèces piscicoles élevées (carpe et tilapia), avec un
focus sur le tilapia pour la deuxième innovation. Les 12 pisciculteurs
ont chacun une manière singulière de conduire leurs
différents cheptels. Pour analyser chaque innovation, nous avons
sélectionné des pratiques permettant de décrire la
diversité des cycles d'élevages présents chez les 12
pisciculteurs enquêtés (voir Tableau 2).
Pratique 1 retenu Pratique 2 retenu
Innovation n° 1 : La Type d'élevage :
Type d'étang de grossissement :
combinaison de la - Monoculture (carpe
ou tilapia) - Etang barrage
pisciculture en étang -
Polyculture (carpe et tilapia) -
Rizière barrage et en rizière
|
Type de reproduction :
- Retrait des géniteurs avant leur 2ème
cycle de reproduction - Reproduction en continue
- Reproduction spontanée
Pratique du sexage des fingerlings de tilapia :
- Oui - Non
Innovation n° 2 : Les conduites innovantes
du tilapia du Nil
Tableau 2: Les pratiques retenues pour comparer les cycles
d'élevage des pisciculteurs dans les innovations approfondies à
travers des études de cas
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Etape 2 : L'analyse des trajectoires des
innovations et plus généralement de l'activité
piscicole
Pour chacun des 12 pisciculteurs, nous avons
analysé l'évolution de la conduite des espèces piscicoles
élevées sur leur exploitation. Pour la première
étude de cas, nous nous sommes intéressés
particulièrement à l'évolution des aménagements
piscicoles et à leurs utilisations au cours du temps. Pour la
deuxième étude de cas, nous nous sommes concentrés
principalement sur l'évolution des pratiques techniques liées
à l'élevage du tilapia.
Dans un premier temps, nous avons
caractérisé l'exploitation du pisciculteur. Pour cela, nous avons
relevé, pendant les entretiens et grâce aux bases de
données de l'APDRA, les étangs utilisés pour les
différentes espèces élevées et leurs surfaces
(étang barrage, trou vidangeable, rizière). De plus, lors des
entretiens, nous avons relevé certaines caractéristiques de
l'exploitation piscicole comme la disponibilité en eau dans les
différents étangs au cours de l'année, les risques de vol
ou encore la localisation de l'exploitation par rapport aux marchés de
vente de poisson.
Dans un deuxième temps, nous avons
analysé l'évolution des techniques piscicoles et des
stratégies adoptées par les pisciculteurs sur leur exploitation.
Pour cela nous sommes partis des discours des pisciculteurs et nous avons
recoupé les informations obtenues avec les dires des ACP (notamment
pendant la restitution finale aux équipes techniques) et avec les
données contenues dans le rapport de Marion Mounayar écrit en
2019 qui contient des études de cas sur la moitié des
pisciculteurs de notre échantillon (Mounayar, 2019).
Etape 3 : L'analyse des marchés de vente de
poisson auxquelles ont accès les 12 pisciculteurs
enquêtés
L'analyse des deux innovations approfondies a
progressivement révélé que les pratiques des pisciculteurs
enquêtés dépendent grandement de leurs accès aux
différents marchés de vente. Nous avons donc fait une
étude des différents débouchés de vente auxquels
ont accès les 12 pisciculteurs étudiés. Pour cela, une
partie des résultats provient des entretiens avec les pisciculteurs.
Nous avons également fait quelques enquêtes auprès des
revendeurs et des revendeuses de poissons dans les différents
marchés des grandes villes de notre zone d'étude (Tsarasambo,
Vatomandry et Ilaka Est). L'entretien avec un cagiste et avec le Responsable du
SPA de Vatomandry nous ont apporté des informations précieuses
sur les différents marchés de ventes. Nous avons également
recoupé ces informations avec les dires des équipes techniques de
l'APDRA, notamment pour situer la place de notre échantillon dans
l'ensemble des pisciculteurs encadrés par l'APDRA. Nous avons abouti
à une typologie des marchés de vente de poissons. Cette typologie
se base sur deux critères principaux :
- Les différents débouchés
: Vente à des particuliers, sur les grands marchés locaux,
sur les petits marchés en zones isolées, autoconsommation ou
dons.
- Le type de poissons vendus : alevins, poissons
de petites tailles ou poissons de grosses tailles
Les 12 pisciculteurs sont également
présentés en annexe à travers des études de cas.
Pour chaque pisciculteur, nous avons mené une analyse transversale
portant sur 4 grands volets :
(1) Les pratiques d'élevages des espèces
empoissonnées (focus sur le tilapia pour l'étude de cas
n°2)
(2) La production et les
débouchés
(3) L'évolution des pratiques piscicoles chez le
pisciculteur
(4) L'évaluation de la satisfaction du
pisciculteur par rapport à son activité piscicole
Les 3 premiers volets ont été
principalement analysés à partir des dires des pisciculteurs
collectés lors des entretiens semi directifs. La restitution finale
auprès des ACP a permis de confronter les données semi
analysées obtenues sur le terrain (notamment sur les cycles
d'élevages, les pêches, les
stratégies ...) avec les avis des ACP. De plus,
les bases de données remplies par le Responsable du Suivi-Evaluation
(RSE) ont été utilisées pour confronter les cycles, les
rendements et les ventes mentionnés par les pisciculteurs. Pour
l'évolution de la pratique innovante (3), les avis des ACP ont
apporté des éléments complémentaires
précieux sur les pratiques des pisciculteurs lors des années
précédentes. Le volet 4 est entièrement analysé
à partir des dires des pisciculteurs puisqu'il s'agit de leur
satisfaction par rapport à leurs activités
piscicoles.
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