1.2 L'APDRA, actrice du développement de la
pisciculture à Madagascar
1.2.1 L'historique de l'intervention de l'APDRA
à Madagascar
L'intégration de la pisciculture à
l'agriculture à Madagascar remonterait au règne
d'Andrianampoinimerina à la fin du XVIIIème siècle (Bentz
& Oswald, 2010). Par la suite, des espèces ont été
introduites sur la grande île comme la carpe miroir
(Cyprinus carpio) en 1912 (Kiener & Therezien,
1958) ou encore le tilapia du Nil (Oreochromis
niloticus) en 1956 (Kiener, 1963). A partir de 1985, l'Etat a
décidé de relancer la filière dans un objectif
d'autosuffisance alimentaire et d'augmentation de la disponibilité en
protéines avec l'appui du PNUD (Programme des Nations Unies pour le
Développement) et de la FAO. Entre 1985 et 1989, plusieurs projets de
vulgarisation du grossissement de la carpe en rizières se sont
succédés (Oswald et al., 2016). La FAO a promu la mise en place
de Producteurs Privés d'Alevins (PPA) pour remplacer les stations
piscicoles étatiques dans le but de fournir les pisciculteurs en alevins
de carpe.
En 2004, L'APDRA a constaté que des paysans
maîtrisaient la reproduction de carpe dans la zone de Betafo dans la
région du Vakinankaratra à Madagascar. Ces pisciculteurs
produisaient des alevins de carpes dans des rizières ou des tout petits
étangs sans l'apport d'intrants, contrairement aux PPA. Cela permettait
d'assurer l'autonomie de chacun pour son approvisionnement en alevins de carpe
(Oswald et al., 2016). L'APDRA s'est alors inspirée de ces pratiques
innovantes observées, qu'on appelle les Ecloseries Paysannes (EP), pour
concevoir un référentiel technique qu'elle a ensuite promu et
diffusé auprès d'autres paysans malgaches à partir de
2007.
L'APDRA intervient aujourd'hui dans 5 régions
de Madagascar et propose deux référentiels techniques (qui font
partie du référentiel piscicole de l'ONG). Sur 4 régions
des Hautes Terres de la grande île, elle propose la rizipisciculture et
sur la région de la Côte Est, elle propose la pisciculture en
étang barrage et la rizipisciculture. Elle intervient aujourd'hui
à travers deux projets sur la grande île : la composante A du
Projet d'Aquaculture Durable à Madagascar (PADM) financé par la
GIZ (German Agency for International Cooperation) et le Projet d'Appui au
Développement de la Pisciculture Paysanne-Phase 3 (PADPP3)
financé principalement par l'Agence Française de
Développement (AFD). Les objectifs principaux de l'APDRA à
travers ces deux projets sont d'augmenter et de diversifier les ressources des
exploitations familiales, de renforcer la sécurité alimentaire et
d'appuyer les organisations professionnelles représentatives du monde
rural. Pour cela, elle travaille en partenariat avec des organismes de
recherche (CIRAD, FOFIFA), avec le Ministère de l'Agriculture, de
l'Elevage et de la Pêche (MAEP) et avec des groupes de paysans
pisciculteurs dans le but de proposer des pistes de développement de la
pisciculture paysanne à Madagascar. L'APDRA dispose d'un panorama
d'outils pour produire des références et enrichir ses conseils.
L'innovation paysanne, encore peu valorisée, est un des outils que
l'APDRA souhaite développer pour enrichir sa compréhension de la
pisciculture paysanne à Madagascar.
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1.2.2 L'innovation paysanne, une des clés du
développement de la pisciculture à Madagascar
Différents travaux ont montré que
l'innovation paysanne peut enrichir la Recherche et le Développement
(R&D). L'exemple de l'étude de l'usage des légumineuses en
culture pluviale dans le Moyen-Ouest de Madagascar portée par le CIRAD
en 2017 a permis d'étudier les pratiques innovantes
développées par les agriculteurs et de mieux comprendre les
freins à l'adoption de pratiques agroécologiques proposées
par les organismes de développement, tant du point de vue technique que
cognitif (Audouin et al., 2017). Cette étude mobilise plusieurs outils,
dont la « traque à l'innovation » pour identifier et
décrire les pratiques des agriculteurs. L'étude des Ecloserie
Paysannes observées dans la zone de Betafo en 2004 par l'APDRA est
également un exemple probant qui montre l'intérêt
d'étudier les pratiques des agriculteurs. Celles-ci ont permis à
l'APDRA de s'inspirer et de construire un référentiel technique
qu'elle propose jusqu'à aujourd'hui aux pisciculteurs qu'elle accompagne
à Madagascar.
1.2.3 La problématique de recherche de
l'étude
L'APDRA cherche à enrichir ses connaissances
sur la pisciculture paysanne en étudiant les pratiques des
pisciculteurs. Ainsi, elle pourra ensuite diffuser les pratiques piscicoles
paysannes qu'elle juge pertinentes et adaptées aux contextes
socioéconomiques des pisciculteurs et des piscicultrices qu'elle
accompagne. Pour cela, l'APDRA met en place depuis quelques années des
méthodes d'accompagnements de l'innovation piscicole en milieu paysan
comme la recherche-action ou encore la recherche coactive de solution. En 2020,
l'APDRA a souhaité définir un cadre méthodologique pour
identifier des pratiques piscicoles innovantes et, par la suite, valider et
stimuler le développement de celles qui paraissent les plus pertinentes.
Pour cela, elle a commandité à deux stagiaires, une étude
externe sur les innovations piscicoles paysannes présentes dans ses
zones d'interventions à Madagascar. Le deuxième stagiaire a
travaillé sur les régions d'interventions des Hautes Terres de
l'île et la présente étude a été menée
sur la Côte Est de Madagascar, en particulier dans le district de
Vatomandry.
Cela nous amène à notre
problématique de recherche : Quelles sont les pratiques piscicoles
innovantes qui pourraient enrichir le référentiel piscicole de
l'APDRA sur la Côte Est de Madagascar ?
Nous déclinons cette problématique en
plusieurs sous-questions :
- Quelles sont les référentiels techniques
proposés par l'APDRA sur la Côte Est de Madagascar ? - Quelles
sont les pratiques piscicoles paysannes différentes du
référentiel piscicole par l'APDRA sur la Côte Est de
Madagascar ?
- Comment les pisciculteurs et les piscicultrices
encadrés par l'APDRA sur la Côte Est de Madagascar ont-ils
adopté et adapté les conseils proposés par l'ONG
?
- Quelles sont les pratiques piscicoles paysannes
susceptibles d'enrichir les connaissances de l'ONG et les
référentiels techniques qu'elle propose ?
Nous partons de l'hypothèse qu'il existe une
diversité de pratiques piscicoles innovantes (pour l'APDRA) dans les 5
zones d'interventions de l'ONG à Madagascar. La compréhension de
ces pratiques permettra d'enrichir le référentiel de l'ONG et
pourra alimenter le processus de Recherche et Développement (R&D) en
pisciculture à Madagascar.
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