Partie 1 : L'histoire du manga
munication4. » Sa place est étroitement
liée au développement de l'imprimerie au Japon car la technique
à caractères mobiles ne s'est jamais démocratisée
du fait de la multitudes de signes présents dans l'alphabet
japonais5. De ce fait, ces derniers ont continué d'imprimer
le texte et l'image d'un même bloc, contrairement aux européens
qui les séparaient afin de pouvoir utiliser ce procédé.
Cependant, les imprimés japonais étaient plus rares car toujours
aussi longs à réaliser, alors que l'Europe a nettement
gagné en productivité grâce à ce lui6. En
effet, comme son nom l'indique, l'imprimerie à caractères mobiles
ne facilite que l'impression des caractères typographiques ; les images
nécessitent toujours un long traitement et ne peuvent
généralement être utilisées que pour un seul projet.
En raison de cette spécificité technique, il était donc
plus rare de trouver des images dans des imprimés européens,
à l'inverse du Japon.
1.1.2. Les premiers mangas
Figure 3. Couverture d'un numéro de The Japan
Punch.
La situation change complètement en 1853 lorsque le Japon
est contraint d'ouvrir ses frontières. Les japonais découvrent
alors les procédés de l'offset et de la lithographie qui
permettent à l'illustration de devenir un média de
masse7. L'ouverture des frontières amène
également de nombreux artistes expatriés à s'installer
dans l'Archipel. Deux d'entre eux ont particulièrement influencé
les japonais grâce à leur style graphique très
différent de ce qui se faisait à l'époque dans le pays. Le
premier est l'anglais Charles Wirgman qui lance en 1862 le mensuel satirique
The Japan Punch, et le second est un français nommé
Georges Ferdinand Bigot qui publie lui aussi son magazine satirique
nommé Tobae, à partir de 1887. En 1902, Rakuten Kitazawa
publie la première bande dessinée japonaise dans le
supplément du dimanche du journal Jiji Shimpo avant de lancer
le premier magazine de dessinateur japonais Tokyo Puck en 1905. Ce
dernier
4. Bouissou Jean-Marie. Manga : Histoire et univers de la
bande dessinée japonaise. Nouvelle édition mise à
jour et complétée. Arles : Picquier poche, 2014, p. 19.
5. Ibidem, p. 33.
6. Bessard-Banquy Olivier. Bibliologie. Cours à l'IUT
Bordeaux Montaigne, 1ère année, 2019.
7. Bouissou Jean-Marie. Manga : Histoire et univers de la
bande dessinée japonaise. Nouvelle édition mise à
jour et complétée. Arles : Picquier poche, 2014, p. 47.
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1.1. Les origines du manga
est tiré à plusieurs milliers d'exemplaires et
légendé en trois langues : japonais, anglais et
chinois8. À partir de là, le manga se développe
avec l'apparition des premiers magazines de prépublication tels que
Shônen Club (1914) et Shôjo Club (1923) de
l'éditeur Kodansha. Rapidement, le marché prend la forme
d'industrie qu'on connaît aujourd'hui avec l'exploi-tation de mix
média en apposant les séries à succès sur divers
supports. Dès 1902, des cartes à jouer et des poupées
à l'effigie de Chame et Dekobô, deux héros de Kitazawa,
sont commercialisées9. La dimension commerciale du manga est
pleinement assumée, ce qui lui permet de jouir d'une grande force de
pénétration à l'international grâce aux produits
dérivés10. Cependant, son évolution est
brutalement stoppée durant les années de conflits attenant
à la seconde mondiale.
Figure 4. Couverture de La Nouvelle Île au
trésor, Osamu Tezuka, 1947.
Après la guerre, le manga connaît sa plus grande
amélioration avec la publication de La Nouvelle île au
trésor d'Osamu Tezuka en 1947. L'ouvrage s'écoule à
400 000 exemplaires selon les estimations et révolutionne la BD
japonaise grâce à l'influence des comics américains et des
techniques cinématographiques. Avec son oeuvre, Tezuka a inventé
le manga moderne ou story manga que nous lisons encore
aujourd'hui11. Par la suite, Yoshihiro Tatsumi crée le
gekiga, un genre de BD plus sombre et en phase avec les
réalités sociales de l'époque qui aboutira d'une certaine
manière au seinen.
Suite au conflit, « les Japonais étaient avides de
distractions bon marché susceptible de leur faire oublier les
difficultés d'une vie quotidienne marquée par la
pauvreté12 ». À ce moment-là, la demande
surpasse nettement l'offre, les éditeurs s'enrichissent
énormément mais, étonnamment, ce sont les circuits
parallèles qui répondent le mieux aux attentes du public.
8. Nishimura-Poupée Karyn. Histoire du manga.
Édition actualisée. Paris : Tallandier, 2016, pp. 63-64.
9. Bouissou Jean-Marie. op. cit., p. 53.
10. Ibidem, p. 54.
11. Pinon Matthieu, Lefebvre Laurent. Histoire(s) du manga
moderne (1952-2020). 3ème éd. Paris : Ynnis éditions,
2019, pp. 16-19.
12. Gravett Paul. Manga: soixante ans de bande
dessinée japonaise. Monaco : Éditions du rocher, 2005, p.
38.
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