Section 2 : Du détournement de la lutte
antiterroriste à d'autres fins
La lutte antiterroriste ces dernières décennies
constitue un alibi utilisé par les États à travers le
monde pour justifier des actions répréhensibles en temps normal.
A l'instar des autres régions d'Afrique, force est de constater
l'utilisation de ce label antiterroriste en Afrique de l'Ouest comme un moyen
anti-démocratique pour mater les contestations sociales
(I) et bafouer certains droits fondamentaux reconnus à
tout être humain (II).
I- Un moyen anti démocratique contre le mouvement
social
Dans toute société dite «
démocratique », le pouvoir appartient au
peuple. Celui-ci doit pouvoir librement s'exprimer, contester
les décisions lorsqu'il s'estime lésé. Il est clair qu'un
ou plusieurs manifestations peuvent intervenir au cours de manifestations
populaires et jeter l'opprobre sur les autorités. Mais il incombe aux
dites autorités de garantir la sécurité de leurs
citoyens. Or, l'appareil répressif dans la plupart des pays
ouest-africains s'est érigé en organe ayant pour but de «
museler » l'opposition (A) et par
conséquent de légaliser l'illégalité
(B).
A-Un moyen pour « museler » l'opposition
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Tout d'abord, la définition de l'acte terroriste est
très large dans la Convention de l'OUA sur la prévention et la
lutte contre le terrorisme. En effet, les dispositions relatives au
contrôle et à la collecte de données sur les
éléments et les groupes terroristes, comme par exemple l'article
article 4 (b) et (e), peuvent porter atteintes en droit au respect de la vie
privée si les États en profitent pour étendre ce
contrôle aux groupes d'oppositions158.
D'ailleurs il faut rappeler que la tendance, dans un certain
nombre de pays africains, est à l'adoption de législations
comportant une définition de l'acte terroriste particulièrement
vague. Ces définitions ambiguës permettraient de criminaliser des
formes légitimes d'exercice de libertés fondamentales si
chères aux organismes de la société civile comme le droit
à la liberté d'association et d'expression, d'opposition
politique ou sociale pacifique , ainsi que d'autres actes licites.
En côte d'ivoire par exemple, ce texte donne en effet
beaucoup plus de pouvoir aux forces de l'ordre, et avec très peu de
contrôle159. Impossible, par exemple, de savoir qui est
écouté et si ces écoutes sont fondées sur de bonnes
raisons. De surcroît, tout cela n'est évidemment pas rendu public,
ni ordonné par un juge. A contrario, dans le cas où le juge
aurait donné l'aval d'effectuer une telle procédure, l'on peut
douter de l'indépendance du système judiciaire fortement à
la solde des entités dirigeantes.
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