L'autopartage constitue-t-il une solution viable pour amorcer un changement durable des pratiques de mobilités ? L'exemple de Montpellier( Télécharger le fichier original )par Charly Muziotti Université du Maine - Master Politiques Territoriales et Developpement Urbain 2018 |
Master Gestion des Territoires et Développement Local Parcours POLITER (Politiques territoriales de développement durable) Mémoire Mémoire de recherche - 1ère année Charly MUZIOTTI Tuteur de mémoire : Mathieu Durand
I. Montpellier Métropole, un territoire favorable à l'autopartage 3 1. Un territoire attractif avec une urbanisation forte qui oblige à repenser les mobilités de demain 3 2. L'autopartage dans la Métropole Montpelliéraine, un aspect significatif des mobilités de demain, en interaction avec différents aspects du développement urbain 6 II. De la possession nécessaire d'un véhicule au développement d'alternatives, la mobilité a subi de profonds changements en quelques décennies 12 1. La voiture individuelle, un moyen de déplacement mis en concurrence avec de nombreuses alternatives 12 2. La genèse de l'autopartage et son essor progressif sur le territoire français 14 III. L'autopartage à Montpellier, entre offre sur voirie et offre résidentielle, présente des perspectives encourageantes à l'échelle métropolitaine 20 1. Autopartage à Montpellier, des débuts balbutiants mais une offre de plus en plus intégrée dans la Métropole 20 2. Analyse de l'enquête et des pratiques 24 3. L'autopartage : un développement privilégié dans l'habitat participatif. 36 Table des figures Figure 1 - Territoire de la Métropole de Montpellier 7 Figure 2 - Evolution des espaces aménagés dans l'agglomération de Montpellier 8 Figure 3 - Principaux axes routiers de la Métropole de Montpellier 9 Figure 4 - Illustration d'une Simca 1000 du service d'autopartage ProcoTip 17 Figure 5 - Zones de chalandise (rayon de 300 mètres) des stations MODULAUTO 25 Figure 6 - Feuille de route sur la qualité de l'air, DREAL, 2018 26 Figure 7 - Répartition des lieux de vie selon l'éloignement au centre 28 Figure 8 - Carte des projets d'habitats participatifs dans la région de Montpellier 41 Table des graphiques Graphique 1 - Evolution du mode de transport principal pour les déplacements locaux 15 Graphique 2 - Répartition des âges des utilisateurs de l'autopartage à Montpellier 27 Graphique 3 - Répartition des utilisateurs de l'autopartage selon leurs catégories socio-professionnelles 27 Graphique 4 - Lieu de résidence des utilisateurs de l'autopartage montpelliérain 29 Graphique 5 - Autres modes de transports utilisés 30 Graphique 6 - Raison du passage à l'autopartage 31 Graphique 7 - Motifs d'utilisation de l'autopartage 32 Graphique 8 - Moyen de transport pour se rendre sur son lieu de travail 33 Graphique 9 - Critères pratiques de l'autopartage 34 Graphique 10 - Points négatifs de l'autopartage 36 Table des tableaux Tableau 1 - Déplacements locaux en semaine selon le mode de transport principal (en %) 14 Tableau 2 - Modes de transports utilisés en complément de l'autopartage 30 Tableau 3 - Evaluation de l'importance de certains critères en fonction des catégories socio-professionnelles (de 1 à 5, 5 équivalent à un critère très déterminant) 37 Tableau 4 - Kilométrage annuel moyen parcouru par les véhicules des ménages en 2008 38 La mobilité est un aspect primordial des interactions humaines. Cette mobilité s'exprime au travers de nombreux modes de transports, souvent combinés, et permet aux usagers d'appréhender la ville, leur travail et leurs activités. Si la place prépondérante du véhicule personnel n'est pas contestable, il existe de nos jours des considérations qui remettent en cause cette hégémonie. L'engorgement, le coût, le stationnement et plus que tout, les considérations écologiques, sont aujourd'hui des aspects mettant à mal notre modèle de déplacement et nous obligent, progressivement, à reconsidérer nos habitudes pour les faire évoluer. Les initiatives sont multiples et émanent de plusieurs sources, autant individuelles, associatives que publiques. Si les transports en commun restent la solution alternative la plus courante, les mobilités douces sont aussi remises à l'honneur par le réagencement des villes afin de les rendre plus fonctionnelles, plus polycentriques. Des innovations telles que le vélo à assistance électrique ou les trottinettes et autres appareils permettant de se déplacer dans les centres villes ont un caractère incitatif, surtout sur les personnes hésitantes à changer leurs habitudes de déplacement. D'autres solutions prennent progressivement de l'ampleur et s'installent dans le pack de mobilité alternative des grandes villes. L'autopartage est une de ses solutions, et elle possède de nombreux avantages afin de repenser les transports et les adapter au contexte urbain actuel. Free-floating, en boucle, en trace directe, il peut prendre plusieurs formes et répondre à différents besoins en fonction des objectifs. Si le free-floating est plus de nature à se substituer aux transports en commun, les autres formes, notamment l'autopartage en boucle, répondent à une logique globale de démotorisation, ou du moins de non possession d'un véhicule personnel. Cela incite à réorganiser la manière dont sont abordés les transports en reléguant ainsi l'utilisation de la voiture à la stricte nécessité. Ceci a des répercussions bénéfiques sur les autres modes en obligeant les utilisateurs à penser leur mobilité de manière globale en prenant en compte tous les modes de transport à leur disposition. L'autopartage présente donc une solution d'avenir viable, entre la démotorisation totale et la logique de «l'autosolisme». Cette solution mutualisée intéresse les pouvoirs publics qui voient en elle un moyen de libérer des espaces sur voiries et de décongestionner la ville. Elle s'intègre dans les documents d'urbanisme car sa généralisation est en mesure de modifier l'aspect de la ville. Cette relation étroite avec l'urbanisme explique pourquoi des projets d'habitats s'intéressent à cette solution pour leurs futurs immeubles. Des promoteurs se rapprochent ainsi des sociétés d'autopartage afin de proposer cette solution aux futurs habitants, libérant ainsi des places de stationnement pour les allouer à d'autres fonctionnalités. Mais il n'y a pas que les promoteurs qui s'intéressent à cela. L'habitat participatif, une forme d'habitat mutualisée dans laquelle les habitants prennent part au processus de construction de leur habitat, s'intéressent fortement à ces solutions comme compromis entre voiture personnelle et mobilité douce. Ces deux aspects alternatifs de la ville présentent des similitudes dans les valeurs qu'ils véhiculent, à savoir la mutualisation des biens durables, la ville comme incubateur d'alternatives et l'écologie comme maître mot de la ville de demain. Comment la Métropole de Montpellier prépare-t-elle sa transition vers les mobilités alternatives ? L'autopartage constitue-t-il une solution viable pour amorcer un changement durable des pratiques de mobilités ? Dans quelles mesures ce service s'intègre-t-il dans les projets d'urbanisme et notamment dans l'habitat ? La première partie s'attardera sur la Métropole de Montpellier, sa géographie, son urbanisation et ses pratiques de mobilité. La deuxième partie analysera l'autopartage en tant que pratique hybride permettant la démotorisation. Enfin, la troisième partie fera le point sur l'autopartage montpelliérain et son intégration dans les projets d'habitats participatifs. I. Montpellier Métropole, un territoire favorable à l'autopartage1. Un territoire attractif avec une urbanisation forte qui oblige à repenser les mobilités de demainLes années 1970 ont été marquées par une restructuration des villes autour de la voiture individuelle. L'accessibilité à cette dernière augmentant, il a fallu revoir le modèle urbain pour intégrer cette nouvelle composante au sein de la ville. Cela s'est traduit par un étalement urbain progressif menant ainsi à la création de banlieues résidentielles. Cette spécialisation de la ville en secteurs a notamment été déterminée par le développement d'infrastructures lourdes liées à cette nouvelle mobilité, limitant la place donnée aux logements afin de coupler le résidentiel avec les routes, parkings et autres infrastructures lourdes. L'interdépendance marquée entre l'urbanisation et l'essor de la voiture personnelle Contexte (Urbanisation, congestion) Les dernières décennies ont vu la population urbaine mondiale augmenter fortement pour devenir progressivement majoritaire comparée à la population rurale. Dans son rapport «World Urbanization prospects» publié en 2014, l'ONU affirme que 54% de la population vit désormais dans les villes. En 1950, ce chiffre était de 30%, tandis que l'organisation prévoit 66% d'urbains d'ici à 2050. Ces chiffres sont fortement influencés par les villes des pays émergents (Inde, Chine, Nigéria), qui sont celles ayant les perspectives d'urbanisation les plus importantes. Les mégalopoles des pays occidentaux devraient se stabiliser, voire diminuer, tandis que les villes moyennes connaîtront une urbanisation progressive. Cette urbanisation se vérifie aussi en France, depuis la révolution industrielle et plus récemment avec l'essor du secteur tertiaire. De plus, le fort potentiel de consommateurs des villes les rendent attractives pour les entreprises qui sont plus enclines à s'installer en milieu urbain. Pour autant cette urbanisation pose de plus en plus de difficultés liées à la généralisation d'une mobilité pour l'essentielle carbonée. Construction des villes autour de la voiture En 1971, George Pompidou déclarait : «Il faut adapter la ville à la voiture»1(*). Ce postulat a longtemps été le fil conducteur de l'organisation des villes. Les politiques extensives, la création de banlieues résidentielles, le stationnement omniprésent ont été des critères déterminants à l'élaboration de la ville dans les années 1970. Résultat : Le nombre de voitures individuelles a fortement augmenté, comme en témoigne la multiplication par 3 du nombre de voitures entre 1995 et 2005. Conséquence directe de cette augmentation, les distances moyennes parcourues quotidiennement se sont allongées et, paradoxalement, le temps de transport aussi. Les habitants ont opté pour des résidences éloignées de leur lieu de travail du fait de la segmentation des fonctions urbaines. Les pratiques sociales ont été elles aussi organisées au travers de la vitesse et la fréquence des déplacements(MASSOT, 2004). Cela a contribué à l'étalement de la sphère de vie, entre les loisirs, le travail et l'habitat, le rayon d'actions de chaque individu s'est progressivement élargi. Si cela s'est avéré fonctionnel par le passé, nous commençons à prendre la réelle mesure des dysfonctionnements d'un système axé autour de la voiture. Une croissance significative qui génère des effets négatifs Congestion, hausse des coûts, perte significative de temps, incertitudes, telles sont les conséquences négatives de l'augmentation de la part modale de la voiture. Les villes densément peuplées sont celles dans lesquelles la voiture est la plus menacée, tandis que la part modale de la voiture reste stable dans les zones peu denses. · Nuisances urbaines La multiplication des pics de pollution dans les grandes villes est fortement corrélée à l'usage de la voiture. Des études épidémiologiques aussi nombreuses que variées ont souligné le lien entre la pollution liée à la voiture et les problèmes de santé croissants de la population urbaine. 48 000 décès sont imputables aux particules fines (LEMOINE, LE FLOC'H, 2016) tandis que le secteur des transports est responsable de 14% à 17% de ces émissions en 2012 (MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE, 2014), soit une part de décès imputables aux transports qui se situe entre 6720 et 8160 individus par an en France. Cette pollution est d'autant plus importante que la France s'est faite une spécialité du diésel, carburant rejetant une quantité importante de particules fines, plus à mêmes de pénétrer les alvéoles des poumons (PM10, PM2,5). Ces particules provenant d'une combustion incomplète sont hautement cancérigènes.2(*) Les pollutions sont générées tout au long de la vie de la voiture. De sa fabrication, au moteur, la climatisation, l'usure (freins notamment) ainsi que son recyclage. Enfin, comme le souligne Frédéric Héran dans les Cahiers Scientifiques du Transport (2011), les nuisances sonores liées à l'utilisation urbaine de la voiture sont à prendre en compte. Cette pollution sonore est générée par les vibrations au-dessous de 50 km/h (en milieu urbain) et par le roulement au-delà. Cela génère du stress et perturbe le sommeil, ce qui peut modifier la perception que les habitants ont de leur ville, contribuant ainsi à des externalités négatives en cascade (non-respect de la ville, etc.) De plus, le bruit peut dissuader les riverains d'utiliser des modes de transports alternatifs tels que le vélo ou la marche. · Congestion Les villes sont de plus en plus congestionnés. En cause, la multiplication des axes routiers et l'explosion du nombre de voitures individuelles. Le taux de motorisation des ménages est passé de 76,5% en 1990 à 82,9% en 2015 (CCFA, 2018). Notons cependant que ce taux de motorisation augmente peu depuis les années 2000 et régresse même entre 2010 et 2015. L'augmentation du parc automobile français génère une congestion sur les routes et plus particulièrement en ville. Montpellier ne fait pas exception et fait même partie des villes les plus congestionnées de France. Elle se classe 4ème derrière dans l'ordre, Marseille, Paris et Bordeaux. (TOMTOM, 2016). En moyenne, le trajet d'un montpelliérain est rallongé de 31 minutes par jour (119 heures par an) en 2016 à cause des bouchons, soit une augmentation de 3% par rapport à 2015. (TOMTOM, 2016) Les secteurs les plus embouteillés sont l'avenue de la Liberté, l'avenue de Toulouse et l'avenue des Moulins. (TOMTOM, 2016) · Responsabilité dans le changement climatique Au-delà d'une pollution locale amplifiée par l'utilisation des transports individuels et des conséquences négatives que cela génère, l'automobile participe au réchauffement climatique global. Outre la dépendance au pétrole, le secteur des transports est responsable, en 2007, de 23% des émissions de CO23(*)à l'échelle mondiale. En France, ces proportions sont de 34% pour le CO2 et de 28% pour les GES.4(*) Ces externalités négatives contribuent au réchauffement climatique à long terme en augmentant la part des GES dans l'atmosphère. A ce titre, les pouvoirs publics incitent à réduire la part modale de la mobilité carbonée et plus particulièrement de la mauvaise utilisation de cette dernière. En effet, nous pouvons remarquer un manque évident d'efficience (Un voiture individuelle par personne, trajets très courts et soumis à une congestion importante). · Coût La voiture individuelle, bien que pratique dans certaines circonstances (trajets vers des lieux peu denses, peu équipés en transports en commun, trajets de nuit)(MASSOT, 2004), reste inutilisée près de 95% du temps. Cela engendre des coûts incompressibles considérés comme inutiles tels que l'assurance ou l'entretien du véhicule. A cela s'ajoute la volatilité du prix du pétrole qui place le consommateur dans une incertitude permanente quant au coût futur de son véhicule. Cette aversion au risque (COLLET, 2012) rend moins attractive la voiture individuelle car il est difficile de faire des prévisions sur un futur proche. Cela est d'autant plus vrai que la hausse du prix du carburant n'est plus entièrement compensée par l'amélioration technologique des performances des moteurs thermiques (GRIMAL, 2015) Cela peut être un facteur déterminant dans le choix d'un report modal vers d'autres modes de transport, même si le coût réel d'une voiture individuelle reste fortement sous-évalué par les ménages (AGUILERA, CONTI, LE NECHET, 2017) · Budget-temps
L'incertitude et l'augmentation des coûts, des facteurs déclenchants · Volatilité du prix du pétrole · Assurance, entretien en constante augmentation · Sentiment d'incertitude et d'inconfort de la part des usagers L'évolution des comportements et la valorisation du temps · Avec l'avènement des NTIC, volonté des usagers de mettre à profit leur temps · Désir de contrôle du temps passé en transport, la voiture, notamment à cause de la congestion et de la difficulté de stationnement, ne permet pas un calcul précis de ce temps La perception de la voiture et du désir de possession en général subissent de profonds changements Si l'usage voiture persiste encore, c'est en partie à cause de la perception que les individus s'en font. La voiture a longtemps été privilégiée aux transports en commun à cause d'un manque de fluidité de l'information qui empêchait de passer à une mobilité multimodale. Tout l'enjeu pédagogique est d'orienter les usagers vers les bons modes de transport en fonction de leur situation. Pour cela, il est important de faire prendre conscience des coûts liés à la possession d'une voiture (KAUFMANN et al., 2010). * 1ANE Claire. « Un siècle de transports en commun ». Le Monde. 26/08/2002. https://www.lemonde.fr/societe/article/2002/08/26/un-siecle-de-transports-en-commun_288257_3224.html * 2 GARRIC Audrey. « Tout comprendre à la pollution de l'air aux particules fines ». Le Monde. 12/12/2013. https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/12/12/tout-comprendre-a-la-pollution-de-l-air-aux-particules-fines_3529330_3244.html * 3 « Transport et CO2 : quelle part des émissions ? ». Futura Sciences https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/automobile-transport-co2-part-emissions-1017/ * 4 « Observations et statistiques ». Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/361/1228/emissions-gaz-effet-serre-transports.html |
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