II. De la possession
nécessaire d'un véhicule au développement d'alternatives,
la mobilité a subi de profonds changements en quelques
décennies
L'urbanisation galopante du territoire métropolitain
(mais aussi national), a obligé les pouvoirs publics et les usagers
à revoir leur modèle de mobilité. Des alternatives se sont
développées ou redéveloppées afin de
répondre aux nouveaux besoins en matière de
déplacements.
1. La voiture individuelle, un moyen de
déplacement mis en concurrence avec de nombreuses alternatives
Le tramway, un moyen de transport oublié, qui
revient sur le devant de la scène
Le Tram est un moyen de transport utilisé depuis 1830
dans les villes. D'abord tiré par des animaux, il passe à
l'électricité au début de XXème
siècle (GONZALEZ, OTON, WOLFF. 2016). Nous observons cependant un
tournant marquant durant la crise de 1929. Le coût de la main d'oeuvre
augmentant, le tramway laisse progressivement sa place à l'automobile et
aux autobus. Ce déclin durera plusieurs décennies et de
nombreuses villes évoquent la possibilité de démonter les
installations à la fin de la deuxième guerre mondiale. Les
années 1980/1990 verront le tramway reprendre du service. La
nécessité d'une mobilité durable, fiable et
économique a provoqué un changement de paradigme.
C'est un bon exemple de transport doux en milieu urbain. Sa
fiabilité permet de planifier efficacement le budget temps. De plus, il
n'est pas corrélé à l'incertitude liée au prix du
pétrole, ce qui permet de proposer un prix relativement constant et
stable. (GRIMAL, 2015). Son utilisation entre aussi dans une logique durable,
au-delà des énergies fossiles. Le tramway favorise nettement
l'interconnexion, permettant ainsi de relier les points historiques de la ville
ainsi que les échangeurs multimodaux (gares ferroviaires, gares
routières, aéroports). Il endosse le rôle d'une gare
intermodale urbaine et sa distribution au sein de la ville permet à de
nombreux résidents de rejoindre ces pôles de manière
efficiente (GONZALEZ, OTON, WOLFF. 2016)
Son installation possède des externalités
positives du point des vues des autres modes alternatifs de transport. Ainsi,
la construction d'un tram s'accompagne d'un élargissement de l'espace
réservé aux piétons et aux vélos, en supprimant
généralement l'accès au trafic routier. (CERASI, 1990)
Le vélo, entre aménagements
d'infrastructures et distance de déplacements
Le vélo, et tous les autres modes alternatifs
légers (trottinette, marche, etc.) sont des moyens de transport doux
pouvant bénéficier aux individus dont le rayon d'actions se situe
intra-muros. Il est généralement adopté dans une
démarche d'amélioration de la qualité intrinsèque
du quotidien, en privilégiant un certain ralentissement couplé
à l'exercice physique. S'il ne représente encore que 3% des
déplacements en France, son utilisation est croissante et
témoigne d'une volonté de réappropriation de l'espace
urbain par les usagers. Sa part modale a augmenté de 10% par an au cours
des 40 dernières années.
La raison principale de l'utilisation du vélo semble
être écologique, ce qui n'est pas le cas pour les transports en
commun (GABORIAU, 1991) tandis que Frédéric Héran estime
lui que l'argument principal est celui «de la santé
publique».
A cela s'ajoute le bas coût lié au transport
à vélo ainsi que la liberté que ce dernier procure en
matière de déplacement urbain. S'il faut accepter de ralentir le
rythme pour se déplacer à vélo, l'incertitude liée
au transport est fortement en deçà de celle de la voiture.
Les pouvoirs publics oeuvrent aussi en faveur du vélo
avec la mise en place de vélos en libre-service dans les grandes villes
françaises. Cette logique peut dynamiser les activités intra
urbaines en favorisant les circuits courts. De plus, la loi sur la transition
énergétique de 2015 introduit l'indemnité
kilométrique vélo (IKV). Sur la base du volontariat, les
entreprises peuvent ainsi rémunérer au kilomètre les
employés qui se rendent à vélo au travail. A cela s'ajoute
la nécessité de proposer aux employés des douches et la
possibilité de stationner son véhicule. Force est de constater
que cette initiative ne porte pas encore ses fruits, seulement 85 entreprises
l'ont mis en place et des négociations existent entre différents
acteurs afin de rendre cette indemnité obligatoire, incitant plus
fortement les employés à effectuer un report modal sur le
vélo.
La marche comme initiative citoyenne
La marche possède une place particulière dans le
détail des différentes mobilités urbaines. En effet, elle
possède la caractéristique de s'associer très
régulièrement à un autre mode de transport, qu'il soit
doux ou pas. Que ce soit pour rejoindre un autre mode de transport ou effectuer
le dernier kilomètre, la marche est très présente
(MAMOGHLI, 2009). Cependant, elle n'est pas comptabilisée en tant que
telle dans le panel des mobilités urbaines.
Le fait est que l'étalement urbain a progressivement eu
raison de la marche comme moyen de transport, la part modale de cette
dernière a, de ce fait, fortement chutée, notamment entre
1982 et 1994 avant de se stabiliser aux alentours de 22.3% des
déplacements en semaine
Tableau 1 -
Déplacements locaux en semaine selon le mode de transport principal (en
%)
Graphique 1 - Evolution
du mode de transport principal pour les déplacements
locaux
SoeS - Insee - Inrets, enquêtes nationales transport 1982,
1994, 2008
(PAPON, 2010). Cela est dû à la pertinence des
transferts en fonction de la distance à parcourir. Concernant la marche,
on estime que 2 kilomètres est la distance maximale que l'on peut
pertinemment parcourir à pied (MASSOT et al., 2004).
Aujourd'hui, la marche renvoie à un mode de transport
écologique et bon pour la santé. A cela s'ajoute le fait que les
pouvoirs publics essaient de reporter les usagers vers des modes doux lorsque
cela est possible. Cela passe principalement par une meilleure
accessibilité et exhaustivité de l'information concernant le
temps de trajet (AGUILERA, RALLET, 2016). Souvent, les à priori
font que les usagers ont tendance à percevoir les modes doux comme des
modes lents, ce qui n'est pas forcément le cas.
Le dévoiturage, une pratique radicale,
motivée par une utilisation optimale des possibilités de
mobilités existantes
Le dévoiturage est une pratique fortement sous-tendue
par des croyances et une remise en question importante du mode de vie actuel.
Bien entendu, il est à associer avec les différents modes de
transports alternatifs existant vers lesquels vont se diriger les usagers une
fois la décision de se séparer de la voiture prise.
Il témoigne d'une réelle volonté de
repenser le rapport à la ville, en réduisant les distances
journalières et en mettant à profit le temps de transport qui
jusque-là n'avait pas d'utilité propre excepté se rendre
à un endroit précis. Ce phénomène permet ainsi de
se débarrasser complètement des inconvénients liés
à la voiture tels que le stationnement, le coût, la pollution et
le stress (DELEUIL, BARBEY, SINTES, 2017) (BOUDON, 1995). La maîtrise du
budget-temps est un facteur très important dans une logique de
dévoiturage. Ainsi nous acceptons que notre temps de transport soit
relativement plus long s'il est aussi plus stable. Cela entraîne une
logique de relocalisation des activités au sein du tissu urbain, les
transports en commun ayant le maximum d'efficacité intra-muros
(VINCENT-GESLIN, 2010).
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