SECTION II : L'ETAT DE NECESSITE
1. Notion
Il peut arriver qu'une personne se trouve dans la
nécessité de commettre volontairement une infraction
préjudiciable à autrui pour échapper à un danger
qui la menace ou pour sauver une tierce personne d'un danger imminent. C'est le
cas par exemple de la mère de famille qui, démunie de ressources,
vole des aliments pour se nourrir et pour nourrir ses enfants
affamés.
2. Définition
L'état de nécessité peut être
défini comme la situation de crise dans laquelle se trouve une personne
qui, pour échapper à un danger qui la menace ou pour sauver un
tiers d'un péril imminent, n'a d'autre ressource que de commettre une
infraction.19
Seront par conséquent justifiés par exemple :
· L'automobiliste qui détourne son
véhicule sur un animal ou sur un autre véhicule en stationnement
régulier, afin d'éviter d'écraser un piéton
imprudent ;20
· Le pompier qui détruit la clôture d'un
immeuble en feu afin de sauver les personnes qui s'y trouvent
enfermées.
19 BABU YENGA (Y) op cit, p. 137
20 Idem
21
3. Conditions d'existence
Pour que l'état de nécessité soit retenu
au bénéfice de l'agent, trois conditions doivent être
remplies :
v L'intérêt à sauvegarder doit être
de valeur supérieure ou au moins égale à
l'intérêt sacrifié ;
v L'intérêt à sauvegarder doit être
menacé d'un péril grave imminent ;
v La commission de l'infraction doit être le seul moyen
de sauvegarder l'intérêt menacé.
v L'intérêt à sauvegarder doit
être de valeur supérieure ou au moins égale à
l'intérêt sacrifié
Dans l'exemple du pompier qui détruit la clôture
d'un immeuble en feu afin de sauver les personnes qui s'y trouvent
enfermées, il apparait clairement que l'intérêt à
sauvegarder qui est la vie humaine des personnes enfermées est de valeur
supérieure à l'intérêt sacrifié,
c'est-à-dire la clôture de l'immeuble. Dans cette logique, le fait
de sacrifier la vie d'une personne afin de sauvegarder le droit de
propriété ne peut être justifié.21
D'autre part, l'agent qui, de par la loi, a l'obligation de
se soumettre à un danger même très grave, ne peut pas
invoquer ce danger pour être justifié de l'infraction de
désertion.
v L'intérêt à sauvegarder doit
être menacé d'un péril grave, actuel ou imminent
L'état de nécessité exige, pour
être accepté et justifié, que le danger qui menace l'agent
ou le tiers soit réel, certain, actuel ou imminent. Par
conséquent, des simples craintes ou présomptions du danger ne
sauraient être justificatives.
21 BABU YENGA (Y), op cit,
p. 138
22
v La commission de l'infraction doit être le seul moyen
de sauvegarder l'intérêt menacé
L'état nécessité n'existe pas lorsque
l'intérêt en péril peut être sauvegardé par
d'autres moyens. 22
4. Conditions d'exercice
Pour que l'état de nécessité soit
justificatif, il faut qu'il soit accompli
par :
Ø Des actes efficaces, c'est-à-dire aptes
à sauvegarder l'intérêt menacé, inversement du
moment que ces actes ne peuvent produire l'effet recherché, ils
deviennent inutiles et gratuits et l'infraction doit être
constatée ;
Ø Des actes strictement nécessaires, ce qui
exclut l'usage des actes délictueux superflus, c'est-à-dire ceux
qui excèdent le strict nécessaire pour sauvegarder le droit
menacé.
5. La faute antérieure ou la culpa
praecedens
Il se pose le problème de savoir quelle incidence peut
avoir la faute antérieure de l'agent sur l'effet justificatif de
l'état de nécessité. Certains auteurs estiment que l'agent
qui, par sa propre faute s'est placé dans l'état de
nécessité, ne peut bénéficier d'aucune
justification et doit donc être puni pour l'infraction commise.
D'autres auteurs estiment par contre que dès le moment
où toutes les conditions d'ouverture et d'exercice de l'état de
nécessité sont réunies, celui-ci
22 FORIERS (P),
l'état de nécessité en droit pénal,
Bruxelles - Paris, 1951, p. 335
23
doit être une justification au bénéfice de
l'agent, quand bien même ce dernier se serait placé dans
l'état de nécessité par sa faute antérieure, mais
celle-ci pourra être sanctionnée à part, si elle constitue
une infraction. Cette solution est la meilleure et doit être
adoptée.
6. L'état de nécessité et la
responsabilité civile de l'agent
Contrairement à l'ordre de la loi ou le commandement de
l'autorité légitime, l'état de nécessité
n'exclut pas la responsabilité civile de l'agent. La victime de l'acte
nécessaire doit être dans son droit puisqu'elle n'a pris aucune
part dans la réalisation du préjudice qu'elle a subi. Mais le
réparateur du préjudice n'est pas nécessairement l'auteur
de l'acte nécessaire. Ainsi, l'affamé qui vole devra
réparer le préjudice commis en indemnisant la victime quand il
reviendra à meilleure fortune ; et le tiers que l'agent aura
sauvé du feu, devra réparer la clôture du mur du voisin
saccagé par l'agent. Il convient enfin de signaler que la preuve des
causes d'exonérations ou de justification incombe à celui qui les
allègue.23
SECTION III : L'AVORTEMENT MEDICALIS? D'UNE FEMME EN
CAS D'AGRESSION SEXUELLE, DE VIOL OU D'INCESTE
En Afrique, les violences sexuelles contre les femmes font
légion dans presque tous les pays africains, y compris le viol,
l'inceste, la violence exercée par un partenaire dans l'espace intime
notamment le viol conjugal et les premières expériences sexuelles
exercées sous la contrainte. Ces violences constituent certaines des
causes de mortalité et de morbidité, y compris la transmission du
VIH et d'autres infections sexuellement transmissibles. Elles engendrent
également des grossesses non désirées et le recours par
les victimes, à
23 BABU YENGA (Y), op cit, p.
139
24
l'avortement dans des conditions non sécurisées,
avec des conséquences comme les traumatismes psychologiques.
Le Protocole à la Charte Africaine des Droits de
l'homme et des peuples aux Droits de la Femme en Afrique (Protocole de Maputo)
est le principal instrument juridique de protection des droits des femmes et
des filles. Il garantit de façon spécifique, le droit à la
santé et au contrôle des fonctions de
reproduction.24
L'Afrique affiche un taux élevé de grossesses
non désirées. La violence sexuelle, l'opposition des partenaires
ou des parents/tuteurs à l'usage de contraceptifs, l'échec des
politiques en matière de planification familiale/contraception et le non
accès aux moyens contraceptifs en raison des systèmes de
santé précaires, la pauvreté et l'existence de services
adaptés aux besoins des femmes et des filles, figurent au nombre des
facteurs qui contribuent au faible taux de recours aux contraceptifs et aux
grossesses non désirées. En outre, certaines adolescentes
deviennent très tôt sexuellement actives ou y sont contrainte.
L'Afrique subsaharienne détient toujours l'un des taux les plus
élevés de mariage précoce ; certaines filles étant
données en mariage à l'âge de 7 à 10 ans, ce qui les
expose à des grossesses précoces avant d'atteindre leur pleine
maturité physique.
C'est ainsi que le Protocole de Maputo met à la charge
des Etats parties l'obligation de protéger les droits reproductifs des
femmes, particulièrement en autorisant l'avortement
médicalisé dans les cas énumérés à
l'article 14. 2. C qui stipule : « Les Etats prennent toutes les
mesures appropriées pour protéger les droits reproductifs des
femmes, particulièrement en autorisant l'avortement
médicalisé, en cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste et
lorsque la grossesse
24 Article 14 du Protocole à la Charte
Africaine des Droits de l'homme et des peuples relatifs aux droits de la femme
en Afrique ou Protocole de Maputo
25
met en danger la santé mentale et physique de la
mère ou la vie de la mère ou du foetus ».
Il est important de relever que le Protocole de Maputo est le
tout premier traité à reconnaitre l'avortement, dans certaines
conditions, comme un droit humain des femmes dont elles devraient jouir,
sans restrictions ni crainte de poursuites judiciaires. En outre, le plan
d'action de Maputo engage les gouvernements à adopter des politiques et
cadres juridiques, en vue de réduire les cas d'avortement dans des
conditions insalubres, ainsi qu'à élaborer et mettre en oeuvre
des plans d'action nationaux pour atténuer la prévalence des
grossesses non désirées et des avortements pratiqués dans
des conditions insalubres.
Le Code Pénal Congolais réprime les avortements
et tous les moyens qu'ont les femmes à accéder aux
méthodes contraceptives.25
Mais les dispositions du Protocole à la Charte
Africaine aux droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme
en Afrique auquel le chef de l'Etat a régulièrement signé
l'acte d'adhésion, autorisent à toutes les femmes à
recourir à la contraception, aux avortements médicalisés
dans les cas spécifiques de viols, d'agressions sexuelles, d'incestes et
lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la
mère ou la vie de la mère ou encore du foetus. Il s'en suit une
contradiction entre le code pénal congolais et ledit protocole,
nécessitant des mesures immédiates de modification.
En attendant la révision des dispositions du code
pénal congolais relatives à l'avortement, l'article 14 dudit
protocole doit être d'application immédiate aux juridictions et
offices des parquets Civils et Militaires.26
25 Articles 165, 166 et 178 du Code Pénal
Congolais
26 Circulaire no 04/SPCSM/CFLS/EER/2018
RELATIVE A LA MISE EN EXECUTION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 14 DU PROTOCCOLE
DE MAPUTO.
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