B. L'excès de zèle dans l'exécution de
l'ordre légal
Les prescriptions légales justificatives sont d'un
maniement dangereux de telle sorte que les actes qu'elles légitiment
à titre exceptionnel sont en d'autres
13 BABU YENGA (Y), cours de droit pénal
général, G2 droit, Ulk, 2018, p. 127
15
circonstances considérés comme néfaste et
délictueux. On conçoit donc mal que tout excès de
zèle manifesté par l'agent d'exécution soit susceptible
d'exclure la justification. La question se pose lorsque l'ordre de la loi a
été appliqué spontanément sans l'intervention d'un
commandement de l'autorité et lorsque les impératifs
légaux ont été outrepassés par
l'exécutant.
a. L'exécution de l'ordre légal sans le
commandement de l'autorité
En règle générale, les prescriptions
légales (l'ordre légal) requièrent expressément ou
implicitement un commandement de l'autorité. Ce sont notamment celles
qui mettent en péril la vie humaine ou la liberté individuelle.
En effet, les mesures à appliquer sont tellement graves dans ce cas
qu'il convient d'interposer un filtre humain entre les ordres abstraits du
législateur et l'activité concrète de
l'exécutant.
Ainsi, il est inadmissible que le bourreau exécute un
assassin sans que celui-ci ait été condamné à mort
par un tribunal de grande instance, ni même sans que l'exécution
ait été commandée par le ministère public. Il en
est de même en matière d'arrestations, d'incarcérations, de
perquisitions, de fouilles corporelles, etc. dans toutes ces opérations,
la légalité est subordonnée à des mandats
réguliers des magistrats ou des juridictions compétentes.
Dès lors, toute application spontanée de la loi sans commandement
de l'autorité échappe dans ce cas à la
justification.14
Toutefois, dans des circonstances moins graves, le
législateur adresse directement ses ordres aux agents d'exécution
sans passer par l'intermédiaire d'une autorité de contrôle.
Par exemple, les textes qui obligent les médecins à
révéler certaines maladies contagieuses à l'administration
de santé se suffisent à
14 BABU YENGA (Y), op cit, p.
128
L'autorité visée ici est celle qui
détient légalement le pouvoir de commander l'exécution des
lois. Il s'agit donc d'une autorité publique, civile ou
16
eux-mêmes et doivent être appliqués
spontanément par (les médecins concernés). Dans ce cas,
l'ordre de la loi justifie alors l'infraction (la révélation du
secret professionnel notamment) sans le recours du commandement de
l'autorité. Mais même dans ces circonstances, il faut encore que
l'agent n'ait pas dépassé cet ordre et l'ait
exécuté avec mesure.
b. Le dépassement de l'ordre
légal
L'exécutant n'est plus justifié lorsqu'il commet
un dépassement dans l'exécution de l'ordre. Le dépassement
constitue une exécution abusive du commandement légal de
l'autorité légitime et doit être sanctionné
pénalement.
Autrement dit, les infractions que la loi prescrit de
commettre et qu'elle justifie en principe, peuvent reprendre vigueur ou
d'autres infractions peuvent naitre, quand l'exécutant a
outrepassé son devoir.
§ 2. Le commandement de l'autorité
légitime (2e forme de l'accomplissement d'un
devoir)
La justification des infractions par commandement de
l'autorité légitime nécessite des précisions sur la
notion même de l'autorité légitime et pose des
problèmes délicats lorsque le commandement exécuté
par le délinquant était illégal.
1. Notion d'autorité légitime
a. Les autorités compétentes et
légitimes
17
militaire, mais qui doit être légitime au regard
du droit constitutionnel en vigueur, agissant dans l'exercice de ses fonctions
ou dans le cadre de sa compétence ; enfin, il faut qu'il existe un lien
de subordination hiérarchique entre cette autorité et le citoyen
qui a obéi à ses ordres.15
Par conséquent, l'infraction n'est pas justifiée
lorsqu'elle a été commandée par une autorité
privée tels que le chef de famille commandant à ses enfants, le
mari commandant à sa femme, le patron commandant à son
employé ou préposé, même si l'ordre donné par
cette autorité privée est conforme à une prescription
légale.
Par ailleurs, l'infraction ne serait pas davantage
justifiée, si le commandement, quoique légal, n'émanait
pas d'une autorité légitime ou compétente : ainsi, on ne
concevrait pas qu'un mandat d'arrêt provisoire soit valablement
délivré à un officier de police judiciaire par un juge du
tribunal de grande instance qui n'a reçu aucune délégation
particulière à cet effet.
Dans toutes ces hypothèses, l'infraction sera
constituée et ne sera pas justifiée par le commandement de
l'autorité puisque cette dernière n'est pas compétente ou
légitime.
b. Le cas de contrainte morale et de bonne
foi
Il peut arriver qu'un agent, s'étant trouvé du
fait de son devoir d'obéissance, dans une situation de contrainte morale
incompatible avec sa liberté d'action, obéisse au commandement
d'une autorité privée. Ici, il s'agit d'une question
d'appréciation individuelle à faire par le tribunal dans chaque
cas. Par contre, est justifié, l'agent qui a exécuté de
bonne foi les ordres d'une autorité
15 BABU YENGA (Y), op cit, p.
129
18
incompétente qui présentait toutes les
apparences de la compétence ou de légitimité.
16
2. Le commandement illégal d'une autorité
légitime a. Position du problème du commandement
illégal
Le commandement illégal d'une autorité
légitime ne peut, par lui-même, justifier l'infraction commise par
un subordonné docile : car, aucune autorité publique, si
élevée soit-elle dans la hiérarchie, n'a le pouvoir de
rendre conforme au droit par sa seule volonté ce qui lui est
contraire.17
Par contre, si l'on se place au niveau de l'exécutant,
la justification peut être écartée d'emblée, car,
par hypothèse, l'agent d'exécution est tenu légalement
d'obéir aux ordres de son supérieur hiérarchique et la
question est de savoir si ce devoir d'obéissance, imposé par la
loi, n'est pas de nature à légitimer l'infraction. Mais il
faudrait supposer pour cela que le législateur n'a assigné aucune
limite au devoir d'obéissance, sacrifiant ainsi la
légalité à la discipline de telle manière qu'il a
accepté le risque de toutes les infractions pénales imputables
à l'obéissance passive des agents publics, fonctionnaires ou
militaires.
L'absurdité de toutes ces hypothèses conduit
à affirmer qu'en aucune façon, dans la rigueur des principes, le
commandement illégal de l'autorité légitime ne peut
constituer un fait justificatif. Toutefois, le problème n'est pas
résolu pour autant lorsqu'on arrive à cette conclusion car, il ne
peut être question de féliciter tous les agents d'exécution
qui auront refusé d'obéir sous prétexte que l'ordre
donné leur avait paru illégal, ni condamner
systématiquement ceux qui, par faiblesse ou par ignorance, auront
obéi à un commandement illégal.
16 BABU YENGA (Y), op cit, p.
130
17 MERLE (R) et VITU (A), op
cit, p. 505
19
b. Les solutions positives au problème du
commandement illégal
L'opinion doctrinale largement majoritaire, propose de s'en
tenir au critère suivant :
Ø Si l'illégalité du commandement
était manifeste, éclatante, l'agent qui a obéi et
exécuté l'ordre de l'autorité légitime, est
pénalement responsable, sauf s'il a été victime d'une
contrainte morale ;
Ø Si, au contraire, l'illégalité du
commandement n'était pas évidente, c'est-à-dire si elle
était difficile à saisir par l'exécutant, celui-ci ne sera
pas sanctionné pénalement.
3. L'ordre de la loi ou le commandement de
l'autorité légitime et la responsabilité
civile
Le principe est que, celui qui est justifié par la loi
ou par le commandement de l'autorité n'est pas civilement responsable de
son acte. En effet, l'ordre de la loi et le commandement de l'autorité
sont exclusifs de la faute civile. Aucune faute ne peut être logiquement
imputée à celui qui a exécuté, sans excès,
son devoir d'obéissance. Par contre, le donneur d'ordre illégal
répondra pénalement et civilement des conséquences de
l'exécution de son ordre. La preuve de l'illégalité du
commandement d'une autorité légitime incombe à celui qui
invoque ce fait justificatif devant le juge en vertu de l'adage « onus
probandi incumbit et qui dicit non qui negat ».18
18 BABU YENGA (Y), op cit, p.131
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