Analyse de l'impact des activités de l'association nationale pour le bien etre de la population (ANBEP) dans la dynamique du développement local au Sénégalpar Aliou WANE Université de Franche Comté (France) - Master 2 Aménagement et Gouvernance dans les Pays des Suds 2012 |
CHAPITRE II : IMPACT DES ACTEURS ET DES ACTIVITES DANS LES SECTEURS STRATEGIQUES DU DEVELOPPEMENT LOCALMal lotis, les quartiers irréguliers font l'objet de nombreux projets d'aménagements et d'équipements. Traduction d'une reconnaissance par l'Etat, ces travaux participent aussi à l'intégration des quartiers à la ville par la mise en niveau des équipements et la régularisation foncière. Ces projets de développement économique et social s'inscrivent dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Les activités menées par l'ANBEP entrent dans la ligne droite des axes du document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP). Elles visent à améliorer les conditions de vie des populations quantitativement et qualitativement. Son objectif se définit comme un projet mobilisant un certain nombre d'acteurs et visant à la fois à l'assainissement, l'accès à l'eau potable et la promotion d'activités génératrices de revenus. ANBEP a joué un rôle important dans l'accès des services sociaux de base à Yeumbeul dans la banlieue Dakaroise. L'influence de ces réalisations sur le développement local peut être analysée autour des axes comme : l'accès à l'eau potable, l'assainissement, la santé et l'éducation. Yeumbeul malgré son existence quasi séculaire souffre de carence réelle en service urbain essentiel. Cette zone périurbaine disposait d'un faible réseau d'adduction d'eau. La proportion de ménages ayant une installation d'eau à domicile était de 26% dans la commune de Yeumbeul en 1988. Dans certains quartiers comme Houdalaye et Al puular (zone où l'association a connu son essor), dépourvus de toutes infrastructures hydrauliques, il est probable que cette proportion soit bien inférieure à la moyenne. En outre, selon le diagnostic des communes d'arrondissement en 1990, il y'avait au total 28 bornes fontaine à Yeumbeul (58 000 habitants) c'est-à-dire 1 borne fontaine pour 2000 habitants. Les puits constituaient un important moyen d'accès à l'eau potable. Mais, la qualité de l'eau y était souvent menacée à cause de la nappe phréatique souillée avec comme corollaire un risque de contamination par des matières organiques (d'origine humaine) et inorganiques. Cela a été constaté par l'étude réalisée dans le cadre de l'initiative CSI de l'UNESCO. Cette dernière établi un taux moyen de pollution par les nitrates de 200mg/l, largement au-dessus des normes OMS de potabilité (NO3 50mg/l)20(*). L'ANBEP, après avoir amassé une certaine somme d'argent (cotisations et donations des gens du quartier) s'est rapproché des responsables nationaux de la SONEES chargés de fournir cette denrée précieuse et a négocié l'installation de branchements sociaux. Elle sera d'ailleurs rejointe par d'autres associations de Yeumbeul lorsque ce projet était appuyé par Enda Tiers-Monde, l'UNESCO et la Coopération Française. Les différents acteurs ayant participé à cette accessibilité de l'eau potable se dessinent comme suit (figure 5) : Figure 5 : Le rôle de l'ANBEP dans la fourniture de l'eau à YeumbeulBanque Mondiale et Agence Française du Développement ETAT DU SENEGAL Projet Sectoriel Eau Directeur de l'Urbanisme Commune d'Arrondissement UNESCO SONEES ANBEP Quartiers mal lotis L'intervention de l'ANBEP s'inscrit dans la réforme du secteur de l'eau potable et l'assainissement engagée par l'Etat du Sénégal avec l'appui de la Banque Mondiale et de l'Agence Française de Développement à travers le projet sectoriel eau au début des années 1990. Ce projet présente trois composantes : le renforcement des capacités institutionnelles, l'approvisionnement en eau potable de la région de Dakar et l'assainissement urbain. L'Etat a procédé à une réorganisation de la société publique responsable du secteur de l'eau. Depuis 1995, la SONEES (Société Nationale d'Exploitation des Eaux du Sénégal) est scindée en deux sociétés : l'une SONES (Société Nationale des Eaux du Sénégal) est chargée depuis Avril 1995 de la gestion du patrimoine de l'hydraulique urbain, l'autre SDE (Sénégalaise des Eaux) est responsable depuis 1996 de l'exploitation du réseau de distribution. La SONES subventionne ainsi les demandes de branchements sociaux collectées par ANBEP. Le directeur de l'urbanisme est consulté puisque le quartier est irrégulier (mais avec le poids démographique, il donne le feu vert après l'entretien avec l'association). ANBEP reçoit également l'appui de l'UNESCO par la réalisation de l'étude sur l'eau et le financement des travaux par la sous structure Enda Ecopop. La commune d'arrondissement intervient en respectant les exigences de la SONES (large diffusion) et en mettant un visa sur les demandes de branchement. La population participe financièrement et matériellement en creusant les tranchées. Alors qu'ANBEP joue un rôle de médiation avec l'administration et avec la SONES, par la collecte de la participation financière nécessaire pour l'exécution du projet auprès des familles. Elle négocie les conditions financières et physiques des habitants avec la direction de la SONES, ce qui dessine une mobilisation horizontale autour du projet. Cet équipement permet à ANBEP de marquer son territoire d'action et ses grandes capacités de mobilisation verticale (aide à l'aide internationale). Par ce jeu des acteurs, l'accès à l'eau potable fut effectif à Yeumbeul par l'extension du réseau d'adduction d'eau sur 12 000 mètres linéaires et l'accès aux branchements sociaux (en eau potable) à plus de 1 000 concessions. 98% de la population de Houdalaye ont bénéficié de cette action entre 1992 et1998. Photo 1 : Accès public à l'eau potable Photo 2 : Borne fontaine à deux robinets Afin d'atteindre le plus grand nombre de personnes, le mode d'accès à l'eau potable choisi a été l'installation de bornes-fontaines, celles-ci étant placées sur la voie publique. Ces installations, dotées de 1 à 2 robinets (photo 1 et 2), permettent l'accès à l'eau de toutes les familles avoisinantes. Le nombre de bénéficiaires est estimé à 10.000, selon un ratio de 12 membres par concession. L'inauguration de ces bornes fontaines laisse deviner les acteurs ayant intervenus dans ce projet : les représentants de l'Etat (Maire et sous préfet), les responsables politiques locaux, ANBEP et la population reconnaissante. L'inscription du nom du bailleur (UNESCO) est une manière de médiatiser la pertinence de l'approche du développement local préconisée par l'UNESCO. Pour la gestion de ce dispositif, chaque borne fontaine est administrée par un fontainier qui reçoit la facture occasionnée et qui, à son tour, reçoit une petite somme pour chaque seau d'eau vendu. En théorie, les tarifs sont établis officiellement en fixant la marge de profit des fontainiers. Sous l'égide des chefs de quartier, un comité de gestion centralise toutes les bornes-fontaines afin de faire bénéficier l'ensemble de la population des retombées de l'activité de vente d'eau21(*). Bref, l'organisation sociale s'est consolidée autour des bornes-fontaines qui ont permis de surmonter les rivalités entre délégués de quartier. On note également une amélioration importante de la qualité de vie des populations et notamment des conditions de salubrité (contamination de la nappe phréatique). ANBEP a surgi au moment où la banlieue est minée par l'insalubrité vecteur de plusieurs maladies telle que le péril fécal, la peste, le choléra, les parasitoses... De même, la question des eaux usées à Yeumbeul, notamment la forme de leur traitement posait un certain nombre de problèmes concernant à la fois l'environnement et les conditions d'hygiène de la population. Un important travail a été réalisé dans ce domaine et les résultats peuvent s'apprécier à travers l'approche utilisée, les moyens mis en oeuvre et l'impact sur la zone cible. La situation qui prévalait dans la banlieue dans les années 1990 s'illustrait par un système de gestion des déchets solides et liquides très rudimentaire. La population se servait des latrines d'usage collectif ou des édicules publics qu'il faut vider une fois leurs capacités remplies en pleine rue, non loin des concessions. L'évacuation des eaux de toilette, cuisine, linge et autres se faisait directement dans la rue entraînant également une importante dégradation environnementale. De même, la collecte des ordures ménagères était inexistante suite à la fermeture de la SIAS22(*) à cette période de crise économique. Sur le plan de l'assainissement, la zone de Yeumbeul ne faisait pas partie des cibles de l'ONAS. Le système le plus répandu était l'enfouissement des déchets sur le sol et quand la pluie tombait, les risques de péril fécal étaient réels avec l'émergence des détritus. Au-delà de l'habitat non structuré, le manque d'infrastructures hygiéniques et sanitaires encourageaient une détérioration du cadre de vie par la reproduction de moustiques et de microbes occasionnant beaucoup de cas de paludisme et de diarrhées. Pour répondre à ces difficultés, ANBEP a pu attirer des bailleurs de fond et activer les ressources locales pour réaliser un important programme d'assainissement. Les principaux partenaires qui ont mis à contribution leur savoir faire sont : le collectif des associations de la communauté urbaine de Dakar (CAMCUD), qui s'occupe de la collecte des ordures après la disparition de la SIAS, le programme life du PNUD qui s'occupe de l'environnement, l'AGETIP, ENDA Ecopop, l'ONG AJED et le service d'hygiène de Pikine. (Figure 6) Banque Mondiale UNESCO * 20CSI/UNESCO, 1997 « Qualité de l'eau de la nappe phréatique à Yeumbeul, Sénégal. Étude sur le terrain» UNESCO, L'étude à été réalisé en partenariat du Projet Villes : gestion des transformations sociales et de l'environnement. Environnement and Development in Coastal Regions and in Small Islands (CSI). * 21 Ces bénéfices ont permis de donner un crédit de 15.000F CFA à une cinquantaine de femmes intégrées dans des groupes de promotion féminine. * 22Société Industrielle d'Aménagement du Sénégal (SIAS) crée en 1986 pour s'occuper du ramassage des ordures ménagères mais la paralysie du système de nettoiement qui a persisté, conduit à sa liquidation en septembre 1995. |
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