I.3.4 LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE UN VARIABLEPARMIS TANT
D'AUTRES
Si les théories néo-malthusiennes et
boserupiennes peuvent paraître concurrentes, elles ont en tout cas le
point commun de ne pas être nuancées dans leurs conclusions.
(Picouet et al.2004) les rangent dans la catégorie des théories
« déterministes ». Il faut cependant remarquer que
leur portée d'origine est extrêmement large, que ce soit dans le
temps ou dans l'espace, et que le véritable problème, d'un point
de vue scientifique, est celui de leur transposition à des
échelles plus fines. Car, à partir de la fin des années
1980, lorsque les chercheurs se sont penchés de manière plus
précise sur des études de cas, il s'est avéré que
les relations entre la démographie et l'environnement ne pouvaient pas
se contenter d'être appréhendées en simples termes
malthusiens ou boserupiens. Le concept de « développement
durable » proposé en 1987 par le rapport Brundtland et
vulgarisé par le Sommet de la Terre de Rio en 1992 intégrait ce
changement de paradigme. Issu de ces réflexions, le chapitre V de
l'Agenda 21 intitulé « Dynamique démographique et
durabilité », reflète assez bien les
préoccupations d'une nouvelle communauté scientifique dont les
recherches se sont multipliées depuis les années 1990. Plus
diffus que les courants néo-malthusiens ou boserupiens, ces travaux, que
nous regrouperons sous la bannière du « paradigme de la
complexité », intègrent quelques principes dont on peut
lister les principaux :
· premièrement, ils refusent d'accabler la seule
croissance démographique comme facteur de dégradation de
l'environnement ;
· deuxièmement, pour expliquer l'impact
anthropique sur l'environnement, ils prennent en compte une série de
variables autre que la croissance démographique, comme par exemple la
technologie, les modèles de consommation, les politiques publiques, la
culture, la répartition des terres et des richesses, ou encore les modes
d'organisation ;
· troisièmement, ils affinent les échelles,
les questions de recherche, les concepts ;
· quatrièmement, ils essaient de
réfléchir sur une méthodologie de
l'interdisciplinarité, indispensable pour aborder la thématique
population-environnement.
Après ce bref rappel sur les courants scientifiques
faisant le lien entre démographie et environnement, voyons comment cette
relation a été étudiée à Madagascar. Dans
l'histoire de l'Afrique précoloniale, les écrits prêtent
souvent aux populations des pratiques agricoles traditionnelles et une sorte de
sagesse qui leur permettaient de gérer harmonieusement leur
environnement et de conserver un certain équilibre
population-ressources. La population dans ce schéma est
contrôlée selon un schéma malthusien. La colonisation est
alors présentée dans ce système comme une double rupture
de l'équilibre ancien. D'une part, elle désorganise les
systèmes de production agricole traditionnels, d'autre part, en
introduisant la médecine moderne et en limitant les fléaux, elle
va à l'encontre des « freins naturels » de la
croissance de la population. À Madagascar, cette thèse est
défendue notamment « Si l'équilibre ancien entre les
ressources et les populations risque de se trouver compromis d'ici quelques
décades, par l'intervention puissante des techniques occidentales
appliquées à la lutte contre la mortalité, du moins les
progrès récents effectués par ces mêmes techniques,
dans d'autres domaines de la recherche et de l'action, permettent-ils
d'envisager, grâce à une meilleure connaissance des ressources et
de leur utilisation, l'établissement progressif d'un nouvel
équilibre ». (Par : Chevalier
1952)
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