I-1-2-2. Place des représentations sociales dans
l'enseignement
1)Représentations sociales et compréhension
de certaines « erreurs » des élèves
L'étude des représentations sociales
apparaît tout d'abord nécessaire pour comprendre les erreurs des
élèves. Les élèves dans leur façon de
traiter certains problèmes ou de répondre à certaines
questions peuvent être amenés à commettre un certain nombre
d'erreurs. Et de fait, lorsque des élèves ne produisent pas
exactement le discours attendu par leur professeur, celui-ci a tendance
à raisonner en termes d'erreur : « non tu t'es
trompé, ce n'est pas la bonne réponse ».
Certes, cet ensemble de connaissances est plus souvent
éloigné voire opposé à la connaissance
scientifique. Mais pourtant, ces modèles construits par les
élèves sont « efficaces dans une certaine
mesure » (Johsua et Dupin, 1989), ils sont pertinents au regard de la
vie courante. C'est d'ailleurs cela qui en fait parfois de véritables
obstacles à l'apprentissage.
En somme comme on a pu le remarquer,non seulement que les
élèves ne sont pas des « pages blanches » ou
des verres vides qu'il faudrait remplir de connaissances, mais aussi que leurs
représentations sociales sont organisées, dotées d'une
certaine logique et d'un noyau dur relativement résistant. Dès
lors, tout dispositif d'apprentissage qui ne prend pas en compte les
représentations risque de manquer son objectif (Anadon, 2002). Les
apprentissages scolaires risquent ainsi d'acquérir (et de façon
souvent éphémère) le caractère de savoir
décoratif.
Fabre (1999) précise cependant que toutes les
représentations ne constituent pas nécessairement des obstacles,
d'où la nécessité de bien les repérer. Il note en
effet que c'est notamment lorsque les élèves sont aux prises avec
un problème, pas nécessairement dans le contexte scolaire, et
même le plus souvent en dehors de l'école, qu'ils vont mettre en
oeuvre des représentations dans la situation. Mais s'il y a
problème, c'est bien parce que ces représentations sont
insuffisantes, erronées ou inadéquates.
Fabre dresse donc une typologie des différents types de
représentation, pour préciser la notion d'obstacle :
- les conceptions sont insuffisantes si le sujet manque tout
à fait de connaissances dans le domaine. Ce manque de connaissances ne
fait du tout obstacle à l'apprentissage, surtout si le sujet en est
conscient ;
- les conceptions peuvent également se
révéler inadéquates « si elles se trouvent en
excès ou en défaut par rapport à l'interprétation
canonique du problème. Le sujet peut en effet se donner des contraintes
surnuméraires ou au contraire en ignorer certaines » (Fabre,
1999) ;
- Fabre toujours, reprenant les propos de Brousseau (1996),
résume les caractéristiques de l'obstacle : « un
obstacle est une connaissance positive qui, dans un certain contexte, produit
des réponses adaptées, mais conduit à des erreurs hors de
ce contexte. Cette connaissance résiste aux contradictions et continue
à se manifester même après la prise de conscience de ses
imperfections » (Fabre, 1999).
La question qui se pose alors est bien celle du franchissement
de l'obstacle.
De Vecchi (1992) propose alors une démarche simple pour
faire évoluer une conception d'élève :
· Analyse de la production des
élèves :
- recherche de ce qui semble vrai (même si c'est
maladroit) et de ce qui est à remettre en cause.
· Définition d'un objectif -
obstacle :
- un obstacle décelé chez les
élèves et qu'on se donne comme objectif de dépasser.
· Mise en place d'une situation de
rupture :
- élèves placés dans une situation-
impasse (devant un ou plusieurs faits qui contredisent leur modèle
explicatif) : il s'agit de créer un conflit socio-cognitif.
· Aide à la réorganisation du
savoir :
- mise en place de situations pédagogiques, apport
d'informations complémentaires, éventuellement réponses
à d'autres questions tournant autour du sujet ;
· Retour sur la conception
fausse :
- analyse avec les élèves du pourquoi de leur
erreur.
· Stabilisation du nouveau
savoir :
- utilisation de ce nouveau savoir dans les situations
nouvelles.
· Stratégies que l'on peut utiliser quand
les élèves sont placés dans une situation-impasse
:
- confrontation de conceptions différentes (provenant
de divers élèves) ;
- argumentations ;
- observations ;
- expérimentations ;
- recherches documentaires ;
- interrogations de spécialistes...
Comme on le voit, toute la stratégie de
dépassement des représentations « fausses »
consiste alors à placer les élèves dans des situations qui
les obligent à mobiliser leurs connaissances pour donner du sens aux
obstacles. Ces situations-impasses sont évidemment telles que le
modèle explicatif généralement utilisé par
l' élève n'est pas pertinent : il est
justement dans une impasse. Il doit alors « déconstruire ce
qu'il sait pour pouvoir reconstruire un autre savoir plus
adapté » De Vecchi et Carmona-Magnaldi, 1996).
Pratiquement, l'enseignant doit, avant tout, être
à l'affût des contradictions des élèves :
contradictions entre élèves 12, contradictions avec
des faits ou des évènements rencontrés, contradiction avec
leurs connaissances « spontanées » ou
« naturelles » : « la didactique insiste sur
le fait qu'il faut créer chez les apprenants des conflits cognitifs ou
socio-cognitifs en plaçant des obstacles sur la route des
élèves, de telle manière qu'ils vivent une
contradiction » (De Vecchi et Carmona-Magnaldi, op. cit.).
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