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L'ethos dans les discours du premier ministre Manuel Valls.

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par GALIN GANEV
Université Paris-Est Créteil  - Master 2 Littératures, Discours, Francophonies 2016
  

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3.2 Les subjectivèmes

C. Kerbrat-Orecchioni déclare que toute unité lexicale est subjective, puisque les mots de la langue ne sont jamais que des symboles substitutifs et interprétatifs des choses. Premièrement tous les mots de la langue fonctionnent comme des « praxèmes », cela veut dire qu'ils connotent à des degrés divers les différentes « praxis » caractéristiques de la société qui les manipule. Deuxièmement ils charrient toutes sortes de jugements interprétatifs « subjectifs » inscrits dans l'inconscient linguistique de la communauté. Dans son article Signifiance du praxème nominal, paru en 1998 et publié dans la revue L'information grammaticale, Paul Siblot définit le praxème comme outil linguistique de catégorisation et de nomination. Le praxème concerne en principe toutes les parties du discours dites des « mots pleins » : nom, verbe, adjectif, adverbe. Quant au terme de « praxis », dans son article Praxis, production de sens/d'identité, récit, Jacques Bres classe les praxis en 3 catégories : praxis manipulative-transformatrice qui assure la production des moyens de subsistance par l'appropriation du réel ; praxis socio-culturel qui règle cette appropriation ; praxis linguistique qui transforme le réel en réalité saisie par le langage, la maille en logosphère.

« C'est dans et par le langage que l'homme se constitue comme sujet; parce que le langage seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l'être, le concept d'ego. La subjectivité est la capacité du locuteur à se poser comme « sujet ». Elle se définit, non par le sentiment que chacun éprouve d'être lui-même, mais comme l'unité psychique qui transcende la totalité des expériences vécues qu'elle assemble, et qui assure la permanence de la conscience. Or nous tenons que cette subjectivité n'est que l'émergence dans l'être d'une propriété fondamentale du langage. Est « ego » qui dit « ego ». Nous trouvons

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là le fondement de la subjectivité, qui se détermine par le statut linguistique de la personne ». (Benveniste 1966 : 258-266).

Benveniste met l'accent sur l'ego et la place centrale du sujet dans le discours. Donc nous pouvons considérer qu'il est question d'une subjectivité égocentrique. Et nous ne pourrions pas nier le fait que notre sujet d'étude entretient son image de responsable politique, et par le bais de ses discours il montre sa détermination et sa volonté d'utiliser tous les moyens pour réformer le pays. En ce qui concerne la loi Travail par exemple, certains disaient qu'il s'agit plutôt d'une guerre d'ego entre Philippe Martinez et Manuel Valls. Tout au long des années et en tant que responsable politique, ce dernier s'est forgé un moi fort et dominant. Dès que l'occasion se présente il n'oublie jamais de remettre les députés de l'opposition à leurs places. Donc la théorie de Benveniste s'appuie entièrement sur la personnalité du sujet parlant et sa manière d'être. En l'occurence notre locuteur fait preuve d'une forte personnalité affirmative et d'un sens des responsabilités. Son niveau d'exigence envers lui-même et envers son peuple le met sous tension permanente.

A l'opposé de Benveniste, C. Kerbrat-Orecchioni souligne l'importance du côté sentimental du locuteur lors de son discours. Dans ce cas-là, il s'agit d'une subjectivité émotionnelle. Et si nous allons dans ce sens, nous constatons que sous l'effet de l'émotion l'orateur pourrait sans doute tenir des propos subjectifs reflétant sa conception de la vie. Suite à des nombreux attentats ayant lieu dans toute la France, notre sujet d'étude a déclaré que les Français devraient changer leurs raisonnements à l'égard des terroristes mais également leurs attentes vis-à-vis de la sécurité. En sachant qu'il s'agit d'une guerre intérieure de longue haleine, toute forme de manifestation sans la présence des forces de l'ordre pourrait s'avérer une cible d'une attaque terroriste. Par ailleurs il ne faut surtout pas oublier que la démocratie en tant que régime politique tolère des

actions comme : être en grève et manifester. Donc neutraliser les terroristes ne voudrait pas dire en soi que le gouvernement devrait limiter la liberté du peuple.

C. Kerbrat-Orecchioni nous propose une exploration des unités signifiantes dont le signifié comporte le trait subjectif, et dont la définition sémantique exige la mention de leur utilisateur. Pour ce faire il est préférable de séparer les différentes parties du discours.

3.2.1 Les substantifs

Il s'avère que la plupart des substantifs affectifs et évaluatifs sont dérivés de verbes ou d'adjectifs. Un certain nombre d'unités intrinsèquement substantives peuvent nous être utiles concernant le problème de termes péjoratifs (dévalorisants) / mélioratifs (valorisants) appelés axiologiques. (Orecchioni 2006 : 83). Et en suivant la théorie de C. Kerbrat-Orecchioni, nous prenons comme exemple: 1) « C'est un député » : le terme énonce une propriété objective du dénoté ; 2) « C'est un adversaire » : ces substantifs cumulent deux types d'informations d'ailleurs indissociables :

· une description du dénoté ;

· un jugement évaluatif, d'appréciation ou de dépréciation, porté sur ce dénoté par le sujet d'énonciation.

Ces termes, dans la mesure où ils font intervenir une évaluation de x, laquelle est solidaire des systèmes d'appréciation du locuteur ; dans la mesure où leur usage, x restant invariant, pourra varier d'une énonciation à l'autre ; dans la

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mesure où ils sont à éliminer d'un discours à prétention d'objectivité, dans lequel le locuteur refuse de prendre position par rapport au dénoté évoqué, peuvent être considérés comme comportant d'un trait sémantique (subjectif). Le signifié et le dénoté étant au contraire étroitement solidaires l'un de l'autre, nous pouvons constater que le signifié n'est que l'image linguistique abstraite du dénoté, et les sèmes qui le constituent, l'mage des propriétés pertinentes du dénoté. Entre le signifié et le dénoté, il existe une solidarité générale des systèmes de (dé)valorisation, compensée par une tendance partielle à l'autonomie. Nous pouvons affirmer que les axiologiques sont prédestinés à se voir ironiquement - l'ironie consiste à exprimer sous les dehors de la valorisation un jugement de dévalorisation, et que les indices de l'inversion sémantique qui la caractérise ne sont pas toujours aisément repérables.

En nous appuyant sur la théorie de C. Kerbrat-Orecchioni, nous constatons que les axiologiques, flatteurs ou injurieux, font donc figure de détonateurs illocutoires à effets immédiats et parfois violents. C'est pourquoi ils ne sont maniés qu'avec d'infinies précautions. A la différence d'autres types d'unités subjectives (déictiques, verbes modalisateurs), les axiologiques sont implicitement énonciatifs. Nous pouvons estimer que les axiologiques mériteraient, dans un modèle prétendant quantifier le taux de subjectivité à l'oeuvre dans un énoncé donné, d'être affublés d'un indice variable (car la charge axiologique varie d'une unité à l'autre et d'une occurrence à l'autre) mais généralement fort. Il est question d'opérateurs de subjectivité particulièrement voyants et efficaces, qui permettent au locuteur de se situer clairement par rapport aux contenus assertés, et qu'il convient à ce titre d'éviter dans certains types de discours. Il est prouvé qu'en dehors du cas des discours à prétentions d'objectivité, la plupart des énoncés produits en langue naturelle se caractérisent par la présence plus ou moins massive des axiologiques, et les

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comportements langagiers, par le souci constant de dresser entre le bien et le mal une barrière terminologique.

Exemple 24 « Des débats qui, en fin de compte, ont répondu à cette question : qu'est-ce pour nous, dans notre héritage, dans notre tradition, une nation ? La réponse, ce n'est pas seulement le droit du sang ou du sol ; c'est d'abord une exigence permanente qui vaut pour chacun d'entre nous. Être français, appartenir à la communauté nationale, ce n'est pas seulement partager une langue même si c'est beaucoup ou un territoire : c'est avoir une histoire et un destin communs ; c'est partager un même amour de la patrie ; c'est un serment sans cesse renouvelé au pacte républicain, aux valeurs qui le fondent Liberté, Égalité, Fraternité, qui doivent bien sûr s'incarner dans les faits et dans les politiques publiques »24

Le sujet parlant pose une question rhétorique à laquelle propose une réponse argumentée. Il s'agit d'un jugement évaluatif de sa part, et en l'occurence d'une appréciation car il se sert de termes mélioratifs. Suite à des débats au sein de l'Assemblée nationale, le locuteur résume l'essentiel en définissant le mot « nation ». Nous avons d'abord souligné le substantif exigence car l'orateur affirme que chacun des ses compatriotes doit être exigent envers sa propre nation. Cela veut dire que l'exigence commence par le respect vis-à-vis des valeurs et des symboles de la République et se termine par la volonté d'aider autrui. Donc ce substantif est subjectif parce que le locuteur exprime son point de vue personnel concernant la nation. Deuxièmement nous avons souligné le substantif amour parce qu'il est question d'une subjectivité émotionnelle. Et ce

24Discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au Sénat le 16 mars 2016

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ne peut être le contraire car le sujet parlant exprime un sentiment de fierté en parlant de sa patrie. Nous remarquons une volonté de se dévouer et de se sacrifier pour défendre la patrie. Ce substantif caractérise un attachement passionné à la nation. Et enfin nous avons relevé le substantif serment parce que celui-ci exprime un sentiment de devoir vis-à-vis de la nation. C'est une promesse de fidélité ayant un caractère sacré et indéfectible. Autrement dit c'est un engagement à vie étant en pleine harmonie et cohésion avec les valeurs de la République.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery