3.1.3.2 Adverbes et locutions adverbiales
Les adverbes et locutions adverbiales qui spécifient la
localisation temporelle du procès présentent un double jeu de
formes, déictiques et contextuelles.
19Discussion et vote de la motion de censure
déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la
Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de
l'Assemblée, à l'Assemblée nationale le 12 mai 2016
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Déictiques
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Relatifs au contexte
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Simultanéité
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en ce moment ; maintenant
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à ce moment-là ; alors
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Antériorité
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hier ; l'autre jour ;
la semaine passée (dernière) ; il y a quelques
heures ; récemment
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la veille ;
la semaine précédente ; quelques heures plus
tôt ; peu avant
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Postériorité
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demain ;
l'année prochaine ; dans deux jours ; dorénavant
;
bientôt ; prochainement
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le lendemain ; l'année suivante ; deux jours plus tard ;
peu après ;
dès lors
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Neutres
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aujourd'hui ;
lundi = le lundi le plus proche, antérieur ou
postérieur ;
ce matin, cet été ; tout à l'heure
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un autre jour
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C. Kerbrat-Orecchioni déclare que les expressions
qualifiées de « neutres » sont indifférentes à
l'opposition simultanéité / antériorité /
postériorité. Nous pouvons les rencontrer principalement en
emploi déictique, car dans ce cas la forme verbale fournit
aisément l'information complémentaire. (Orecchioni 2006 : 53). Il
faut noter que certain nombre de ces expressions sont constituées
à l'aide des démonstratifs. Il est question de la forme simple
qui entre dans la
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composition des locutions déictiques, et la forme
particulière en -là dans celle des locutions relationnelles.
Exemple 20 « C'est ce que je lui
demande de faire une nouvelle fois. Le pays a besoin de son action, de ses
valeurs, de ses résultats ; plus que jamais, il a besoin qu'elle se
confonde avec la nation et la République. Dans le moment
présent, elle représente le chemin nécessaire.
Face à ceux qui n'ont pas compris comment le monde avait
évolué et à ceux qui nous proposent la violence, il y a un
chemin : c'est celui que je vous propose. »20
Dans cet exemple nous avons repéré la locution
adverbiale « dans le moment présent ». Celle-ci fait partie
des adverbes représentant la simultanéité et donc le
présent. Cet extrait est sorti du contexte donc il faut noter que le
locuteur parle de la gauche. L'orateur annonce que le pays ressent la
nécessité d'action, de dynamisme et de rigueur et selon lui la
gauche est capable de lui proposer ce dont il a besoin à l'heure
actuelle. L'énonciateur déclare qu'en ce moment la gauche
s'avère le seul chemin pouvant sortir le pays de cette situation
délicate afin de lui rendre l'espoir, le courage et la joie de vivre. Le
locuteur est convaincu que ce chemin est le bon et ainsi il sollicite la
confiance des députés dans l'intention de faire un grand pas vers
un avenir radieux.
20Discussion et vote de la motion de censure
déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la
Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de
l'Assemblée, à l'Assemblée nationale le 12 mai 2016
Exemple 21 « Notre pays a
été frappé, mais c'est toute l'Europe qui vit sous la
menace. L'intervention, hier, des forces de l'ordre belges et
la traque en cours, liées directement aux attentats de Paris, nous le
rappellent. »21
Ce qui nous intéresse particulièrement dans cet
exemple est l'adverbe « hier ». Celui-ci caractérise la
deuxième sphère donc l'antériorité. Ce court
extrait nous propose comme information que les terroristes se sont
attaqués à la France et ses valeurs, un pays ayant une place
essentielle au sein de l'Union européenne. Le locuteur souligne le fait
que le « Vieux Continent » se sent en danger parce que le
péril n'est pas complètement neutralisé.
L'énonciateur se sert des faits réels pour nous expliquer que
l'opération militaire belge a été menée dans
l'intention de chasser l'ennemi de leur sol, et ces actions sont
étroitement liées aux attaques terroristes auxquelles la capitale
française a dû faire face. L'adverbe « hier » nous
informe que les événements dont le sujet d'énonciation
nous fait part, se sont produits dernièrement donc nous sommes dans le
cas d'adverbes déictiques- antériorité-passé
récent.
Exemple 22 « Monsieur Jacob, soyez
plus modeste et plus respectueux des Français qui voteront dans
un an. Censurer est une chose ; caricaturer, c'est la facilité
des faibles. Proposer, réformer, messieurs les présidents Vigier
et Jacob, en est une autre. Et au fond, pendant que vous hurlez, ce
débat que nous avons, aujourd'hui, anticipe le grand débat
nécessaire, attendu, démocratique, que nous allons
bientôt avoir devant les Français.
»22
21Discussion du projet de loi constitutionnelle,
adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au
Sénat le 16 mars 2016
22Discussion et vote de la motion de censure
déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la
Constitution, par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 190 membres de
l'Assemblée, à
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Dans cet exemple deux adverbes/locutions adverbiales attirent
notre attention : « dans un an » et « bientôt ». Ils
font partie de la sphère nommée « postériorité
», autrement dit ces adverbes sont utilisés lorsque le sujet
parlant se projète dans l'avenir. Dans la première phrase le
locuteur s'adresse à M. Jacob en lui rappelant que l'élection
présidentielle aura lieu les 23 avril et 7 mai 2017. Et en partant de ce
constat, l'énonciateur signale que le destin du futur président
de la République est entre les mains des électeurs.
C'est-à-dire que le peuple aura le dernier mot et choisira son favori.
Par le biais de ces propos nous pouvons constater que l'orateur essaie
d'être raisonnable quant aux mots qu'il emploie. Ce dernier est bien
conscient qu'ils seront jugés, lui et son gouvernement, à la fin
du quinquennat. Le deuxième adverbe est moins précis que le
premier. Nous pouvons néanmoins supposer que le sujet
d'énonciation parle des jours ou les semaines qui viennent. Il s'agit
d'un futur proche donc cette discussion vive et musclée d'aujourd'hui
est le début d'un débat ayant lieu dans peu de temps.
Exemple 23 « Mais, mesdames et
messieurs les députés, aujourd'hui, au fond,
deux formes de contestation, nous l'avons vu tout à
l'heure, une sorte d'alliance des contraires et du conservatisme, se
rejoignent. »23
Dans cet exemple nous avons souligné deux adverbes :
« aujourd'hui » et « tout à l'heure ». Le premier
adverbe caractérise la simultanéité. Le sujet parlant
s'adresse aux députés en affirmant qu'à l'heure actuelle
deux formes de
l'Assemblée nationale le 12 mai 2016
23Engagement de la responsabilité du
gouvernement, en application de l'article 49.3 de la Constitution, sur le vote
du projet de loi "Travail : nouvelles libertés et protections pour les
entreprises et les actifs", à l'Assemblée nationale le 10 mai
2016
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contestation se rejoignent. La première phrase commence
par la conjonction « mais » qui permet d'indiquer une
différence par rapport à la situation ancienne. Le
deuxième adverbe pourrait signifier selon le contexte « dans un
instant » ou « il y a peu ». Dans notre exemple cette locution
adverbiale est précédée par le verbe « voir »
conjugué au passé composé. Cela veut dire qu'il est
question d'un adverbe qui représente la sphère nommée
antériorité.
En suivant la théorie de C. Kerbrat-Orecchioni, nous
pouvons finalement affirmer que le système de repérage
déictique n'est pas le seul auquel puissent recourir les langues
naturelles, mais sans doute le plus important, car ce repérage a la
particularité de s'effectuer non par rapport à d'autres
unités internes au discours, mais par rapport à quelque chose qui
lui est extérieur et hétérogène : les
données concrètes de la situation de communication. Permettant au
locuteur de se constituer en sujet (identique à lui-même d'un acte
de parole à l'autre, puisque toujours désignable par le
même signifiant « je »), et de structurer l'environnement
spatio-temporel, les déictiques peuvent être
considérés non seulement comme des unités de langue et de
discours mais également comme un élément rendant possible
l'activité discursive.
Benveniste, cité par C. Kerbrat Orecchioni (2006 : 63),
déclare que : « C'est dans l'instance de discours où «
je » désigne le locuteur que celui-ci s'énonce comme
sujet. Il est donc vrai à la lettre que le fondement de la
subjectivité est dans l'exercice de la langue. Si l'on veut bien y
réfléchir, on verra qu'il n'y a pas d'autre témoignage
objectif de l'identité du sujet que celui qu'il donne ainsi
lui-même sur lui-même. »
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