I.2. Création de la Force multinationale
Centrafrique (FOMUC)
En 1999, Patassé a remporté les
élections présidentielles, mais une tentative de coup en mai 2001
a déclenché de nouveaux affrontements, sur fond ethnique, avec
les forces de sécurité à Bangui. Le président en a
imputé la responsabilité au chef d'état-major des
armées, le général François Bozizé, qui a
alors pris la fuite au Tchad pour former son propre groupe rebelle avec le
soutien du voisin tchadien. Craignant pour sa sécurité,
Patassé a fait appel à la Communauté des Etats
sahélo-sahariens (CEN-SAD)67, une initiative de l'ancien
président libyen Mouammar Kadhafi, qui a déployé environ
300 soldats de Libye, du Soudan et de Djibouti en décembre 2001 pour
sécuriser Bangui. En octobre 2002, les chefs d'Etat des six membres de
la CEMAC ont décidé d'envoyer une force régionale de
maintien de la paix à Bangui pour remplacer celle de la CEN-SAD. La paix
et la sécurité ne font alors pas partie du mandat
strictement
66 Voir le Rapport Afrique de Crisis Group N°136,
République centrafricaine : anatomie d'un Etat
fantôme, 13 décembre 2007, p. 9-11.
67 La CEN-SAD a été créée en
1998.
46
économique de la CEMAC, mais la CEEAC, alors en
construction pour devenir la structure régionale de promotion de la paix
et de la sécurité, n'est ni politiquement ni institutionnellement
prête à assumer ce rôle. Omar Bongo a pris la tête de
cette initiative, désireux d'investir des ressources politiques et
financières dans une mission en RCA afin de renforcer son statut de chef
de file régional et de réaffirmer son influence en RCA face
à celle de Kadhafi. Pour Patassé assiégé, cette
force mandatée par les dirigeants de la CEMAC pour protéger les
institutions étatiques était une reconnaissance bienvenue de sa
légitimité. Trois semaines plus tard, les soldats loyaux à
Bozizé ont tenté un autre coup à Bangui. Ils ont
été repoussés par les combattants étrangers
défendant Patassé, mais la détérioration de la
situation sécuritaire a motivé à juste titre l'envoi d'une
force de maintien de la paix68.
En décembre 2002, la Force multinationale en
Centrafrique (FOMUC) s'est déployée à Bangui, pour y
rester jusqu'en juillet 2008. Au plus fort de sa présence, la mission
militaire a atteint 380 soldats du Gabon, de la République du Congo, du
Tchad et du Cameroun. Affirmant son leadership politique, Omar Bongo s'est
assuré que les deux commandants à la tête de la force
pendant ses six années de mission étaient gabonais. La France, de
nouveau, a fourni un soutien financier et logistique conséquent, mais
l'Union européenne a porté la majorité du fardeau
financier à partir de 2004. L'Allemagne a aussi financé
l'équipement. Le mandat de la FOMUC était de protéger
Patassé et de sécuriser Bangui69. Cependant, le fait
qu'elle n'ait pas tenté de prévenir le second coup réussi
de Bozizé le 15 mars 2003 démontre clairement que le mandat
approuvé par une institution régionale pèse moins lourd
que la volonté des présidents de la région. Les relations
entre Patassé et Idriss Déby, le président tchadien,
s'étaient en effet sérieusement détériorées
après qu'ils s'étaient accusés mutuellement de soutenir
leurs opposants réciproques. Déby, Joseph Kabila,
président de la RDC, Denis Sassou Nguesso, président de la
République du Congo et Omar Bongo, doyen régional, avaient tous
donné à Bozizé leur aval et avaient dit à la FOMUC
de ne pas intervenir.43 Le 3 juin, les chefs d'Etat de la CEMAC ont reconnu
collectivement le nouveau gouvernement de Bozizé.
En réponse à cette nouvelle donne, la
CEMAC a chargé la FOMUC de superviser le processus de transition et de
réconciliation et d'assister la préparation des élections
de mai 2005. Quand les rébellions ont éclaté dans le Nord
en 2005- 2006, des troupes furent déployées
68 En plus des troupes de la CEN-SAD, Kadhafi avait
envoyé des troupes libyennes, dans un cadre bilatéral, afin de
protéger Patassé. A la demande de ce dernier, Jean-Pierre Bemba,
le chef du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), un groupe
rebelle en RDC opposé à Laurent-Désiré Kabila,
avait également envoyé ses hommes en RCA afin de se battre pour
Patassé.
69 Les chefs d'Etat approuvent le statut de la force
multinationale en RCA », Agence France-Presse, 15 février
2003.
47
dans les villes provinciales de Bozoum et Paoua dans
le Nord-Ouest pour sécuriser la frontière tchadienne et Bria
à l'Est. Le principal mandat de la force est demeuré la
défense des institutions de l'Etat et son domaine d'action est
resté limité aux questions militaires. Les résultats
à long terme de la mission dans le pays restent, en conséquence,
limités. La présence anodine de la FOMUC en RCA a aplani le
terrain pour une coopération sécuritaire plus approfondie en
démontrant aux bailleurs qu'une force multinationale africaine peut
être déployée à un coût
considérablement moins élevé que celui d'une mission
internationale, et sans menacer les civils, comme cela a été le
cas avec la MISAB. La non-interférence de la mission dans le
renversement de Patassé a également rassuré les dirigeants
d'Afrique centrale sur le fait que le déploiement d'une force
régionale ne les empêcherait pas de réaliser leurs
objectifs politiques dans d'autres pays. A l'opposé, la présence
de la force a conféré à cette transition non
démocratique une plus grande légitimité régionale.
C'est donc avec un enthousiasme prudent que la poursuite d'une
coopération sécuritaire régionale plus approfondie a
été envisagée en Afrique centrale.
L'expérience de cette coopération
sécuritaire en RCA, a conduit les chefs d'Etats de cette partie du
continent à mettre progressivement en place tout un système
sous-régional de sécurité et de défense dont le
maître d'oeuvre sera la CEEAC. Celle-ci a été choisie par
l'Union Africaine pour traduire en actes dans la sous-région le projet
continental de paix et de sécurité.
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