Chapitre II : Les logiques et les acteurs de
l'irénisme en Afrique centrale
En dépit ou plutôt à cause des
conflits, le rôle de la CEMAC et de la CEEAC dans leur gestion s'est
précisé au fil des années. Le 25 octobre 2002 a
été lancée la première mission régionale de
maintien de la paix avec la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC) et la
CEEAC a progressivement mis sur pied son dispositif institutionnel de paix et
de sécurité dans le cadre de l'architecture continentale
dessinée par l'Union africaine (UA). Ce chapitre a donc pour objectif de
nous montrer les origines de la coopération sous régionale en
matière de paix et de sécurité partant de la CEMAC,
jusqu'à nos jour ce qui nous permettra de comprendre comment on est
arrivé à la mise en place de nos deux instruments qui sont au
coeur de nos préoccupation.
I. La recherche de la paix et la sécurité
sous-régionale
L'instabilité persistante de la RCA a
été le leitmotiv de la coopération sous-régionale
en matière de paix et de sécurité. Cela s'est
matérialisé d'abord par la création de la Mission
interafricaine de surveillance des accords de Bangui (MISAB), puis par
création de la Force multinationale Centrafrique (FOMUC), qui prit le
relais pour maintenir la paix dans ce pays.
I.1. La création de la Mission interafricaine de
surveillance des accords de Bangui (MISAB)
Les pays d'Afrique centrale ont joint pour la
première fois leurs efforts multilatéraux de maintien de la paix
au milieu des années 1990 et une nouvelle fois au début des
années 2000, lors de l'envoi de deux missions multinationales de
maintien de la paix en RCA. Les crises récurrentes et la faiblesse
étatique chronique du pays en avaient fait un terrain d'essai
idéal pour la coopération sécuritaire. Suite à son
élection à la tête de la RCA en 1993, le président
centrafricain Ange-Félix Patassé a très vite
commencé à se servir de l'appareil d'Etat à son profit,
s'aliénant ceux qui n'appartenaient pas à son ethnie. En avril
1996, les doléances sociales généralisées ont
donné lieu à des violences, quand l'armée,
réclamant le paiement de trois mois d'arriérés de salaire,
a affronté la garde présidentielle. Deux autres mutineries en mai
et en novembre ont causé des dizaines de morts et conduit à la
création d'un gouvernement d'unité nationale. En novembre,
l'armée française, déployée pour prévenir
une escalade, a perdu deux soldats. Les représailles contre les mutins
ont valu à la France d'être clouée au
45
pilori médiatique, ce qui l'a incité par
la suite à rechercher des moyens de maintien de la paix politiquement
moins coûteux dans son ancienne colonie66.
En décembre 1996, la France a convié un
sommet franco-africain à Ouagadougou, au Burkina Faso, où six
pays (Gabon, Tchad, Burkina Faso, Mali, Sénégal et Togo) se sont
mis d'accord pour mettre des troupes à disposition de la Mission
interafricaine de surveillance des accords de Bangui (MISAB),
créée à l'occasion. Bénéficiant du soutien
financier et logistique de la France, et ultérieurement d'un mandat des
Nations unies, la force de 750 hommes a été rapidement
déployée après le sommet afin de veiller au respect de
l'accord de paix entre le gouvernement et les rebelles et de superviser le
processus de désarmement. Suite à la mort de certains de leurs
soldats, les troupes de la MISAB se sont livrées à des
représailles, dont la violence a de loin surpassé celle des
troupes françaises. En juin 1997 ils ont pilonné les banlieues
sud de Bangui à l'arme lourde. La mort d'innocentes victimes et les
dommages matériels ont fait perdre à la MISAB son image de
neutralité aux yeux des civils. Ses troupes se sont retirées en
avril 1998, le gouvernement français n'étant plus disposé
à financer cet instrument trop imprévisible. Cette
première mission multilatérale a constitué un essai ayant
clairement besoin d'être repensé, mais également un
précédent pour les pays africains participant à des
opérations de maintien de la paix et au déploiement de telles
missions en Afrique centrale.
|