2.
Des visions complémentaires
Au moment où la plupart des chercheurs se
focalisent sur les différends existants entre l'approche
Institutionnaliste et l'approche Welfariste, il nous semble important de
soulever les points de convergence entre ces deux visions. En effet, l'approche
Institutionnaliste et l'approche Welfariste relèvent de deux
manières d'aborder une même réalité en vue
d'atteindre un objectif identique à savoir la réduction de la
pauvreté et par ricochet l'amélioration du bien-être social
des populations les plus démunies.
Selon la vision Welfariste, les IMF peuvent donc se
concentrer sur les populations les plus pauvres qui présentent
également le risque de non remboursement le plus élevé. En
se focalisant sur ces agents économiques les plus démunis,
l'activité des IMF permettra ainsi de soulager d'une manière
immédiate l'extrême pauvreté et d'enclencher un processus
de réduction de la pauvreté. Les fonds prêtés
à ces populations démunies leur permettent non seulement
d'améliorer leur niveau de vie, mais également pour certains
d'entre eux d'épargner ou de financer leurs propres activités.
Dans l'approche Institutionnaliste, les IMF doivent
financer en priorité les actifs (clients) les moins pauvres. Ceux-ci
pourront créer leurs entreprises ; ce qui leur permettra non seulement
d'assurer leurs propres activités mais également de
générer des emplois, favorisant ainsi la croissance
économique et le bien-être général (Ayayi,
2007). Par contre, cette approche considère également la
rentabilité financière comme un facteur de pérennisation
de la microfinance. Elle permet à la fois de garantir la
viabilité des IMF contre les effets de mode ou les changements de
politiques économiques et d'élargir les sources de financement et
donc le volume des programmes d'actions financées. En obtenant de
nouvelles sources de financement auprès des investisseurs classiques,
les institutions de microfinance pourront développer leurs
activités et ainsi toucher une fraction plus importante de la
population. En outre, la nécessité d'assurer aux investisseurs
une rentabilité financière minimale doit conduire les IMF
à revoir leurs modes de sélection des projets financés et
à se rapprocher des modes de management des banques commerciales. Les
plus pauvres pourraient ainsi être exclus des programmes de microfinance,
alors même que la microfinance leur est destinée
(Cornée, 2007).
En guise de synthèse, Brau et Woller
(2002) soulignent que l'approche Welfariste et l'approche
Institutionnaliste ne représentent pas deux modèles de
structuration de la microfinance parmi lesquels il faudrait choisir mais
plutôt deux étapes de développement de la microfinance. En
effet, selon eux, si l'approche Welfariste permet d'enclencher un processus en
soulageant immédiatement les plus pauvres, seul un élargissement
des sources de financement rendu possible par l'approche Institutionnaliste
permet la pérennisation des IMF et une réelle amélioration
du bien-être général.
A cet égard, Guérin (2002)
estime que les institutions de microfinance sont en train de passer de la phase
de l'expérimentation à celle de la pérennisation. Cette
phase suppose de trouver des mécanismes juridiques et financiers propres
à favoriser un équilibre entre les approches
évoquées et d'éviter deux écueils :
· le premier conduit les institutions de microfinance
à oublier leur marché cible pour rechercher des profits
immédiats susceptibles de satisfaire leurs nouveaux investisseurs ;
· le second pousse à négliger les principes
fondamentaux de la finance, ce qui peut conduire à l'échec des
programmes de microfinance.
Ainsi, le débat entre Institutionnalistes et
Welfaristes nous renseigne que la microfinance se trouve à la
croisée des chemins. En réalité, les acteurs de la
microfinance, par leur diversité, se situent sur un continuum allant de
la pratique bancaire traditionnelle répondant à une logique
purement financière aux services sociaux traditionnels répondant
à une logique purement sociale (Cornée, 2006).
C'est dans cette perspective que s'inscrit notre problématique de
recherche.
Conclusion de la première partie
La première partie du
travail était consacrée essentiellement à l'exposé
du cadre conceptuel dans lequel, nous avons essayé de délimiter
les contours du thème à travers l'analyse conceptuelle des
notions de performance sociale et de viabilité financière mais
aussi à travers une revue de la littérature axée sur le
lien ou l'arbitrage entre performance sociale et performance financière
de manière générale et viabilité financière
en particulier. La performance sociale se heurtait à ses débuts
à un problème d'échantillonnage dû à son
caractère multidimensionnel (Waddock et Graves,
1997).
Selon ces auteurs, une mesure peut être pertinente
pour certains secteurs spécifiques, mais s'avère inapplicable
pour d'autres. Et pour Ullmann (1985), la
corrélation entre la performance sociale et les déclaratifs des
entreprises n'était pas évidente. C'est ainsi que le
réseau CERISE a pris la relève en 2002 en élaborant quatre
dimensions permettant de mesurer la performance sociale dont les trois sont
prises en compte dans le cadre de ce travail. Concernant la viabilité
financière, nous nous sommes inspirés des travaux d'un certain
nombre d'auteurs notamment celui de Wonou (2006) insistant sur
le fait que la viabilité financière constitue ce que la fondation
est pour une maison. En d'autres termes, la viabilité financière
est définie comme la capacité pour une IMF à couvrir par
ses produits l'ensemble des charges et constituer des réserves pouvant
servir d'amortisseurs systémiques. Une définition soulevée
également par Sène M. (2006) dans son article
intitulé les déterminants de la viabilité
financière. C'est cette définition précitée qui est
retenue dans le cadre de cette étude.
Concernant la revue de littérature, nous nous
sommes attardés sur le phénomène d'exclusion bancaire
explicité ici à travers un certain nombre de théories en
l'occurrence les théories contractualistes avant d'en venir à la
mise en place des modes de financement alternatifs dans les pays en
développement. Ceci nous a permis de faire la situation actuelle du
secteur de la microfinance au Sénégal avec les instructions de la
BCEAO et de la loi PARMEC.
Dans cette revue de la
littérature, un point saillant semble être intéressant
à noter. Il s'agit de ce que Morduch (2000)
appelle le schisme de la microfinance. Ce phénomène
oppose donc le courant Welfariste et le courant Institutionnaliste.
Le premier courant est
préoccupé par l'altruisme des apporteurs de fonds constituant
ainsi le moteur d'une activité basée sur la recherche du profit
mais aussi sur la recherche de l'utilité sociale. Quant au second, la
rentabilité financière est considérée comme un
facteur de pérennisation de la microfinance.
Après l'exposé du cadre théorique de
la recherche, nous nous acheminons directement vers l'étude empirique.
Elle a pour objectif, compte tenue de la revue de littérature, de
répondre à la problématique suivante : Les
IMF peuvent- elles combiner à la fois une prise en compte de la
dimension sociale avec la recherche d'une viabilité financière
?
En outre, il s'agira, dans une certaine mesure,
d'analyser le lien pouvant exister entre la performance sociale et la
viabilité financière des certaines institutions de microfinance
au Sénégal, tout en faisant abstraction de leurs tailles. Ce
dernier point nous mène à l'étude de la seconde partie.
DEUXIEME
PARTIE : CADRE CONTEXTUEL ET PRATIQUE DE LA RECHERCHE
La première partie du
travail était consacrée essentiellement à l'exposé
du cadre conceptuel de la recherche dans laquelle nous avons tenté de
délimiter le thème par une revue conceptuelle, mais
également un cadre théorique de la recherche composé du
soubassement théorique de la microfinance et les théories y
afférentes notamment celles contractualistes.
L'objet de cette
deuxième partie consiste donc à expliquer la méthodologie
générale de la recherche (Chapitre III) et à donner une
présentation des résultats, une analyse descriptive des
différentes variables de la recherche et des tests d'hypothèses
liant ces variables sans oublier également les différentes
contributions, limites et perspectives de recherches futures (Chapitre VI).
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