2.2.1.1.3. Les débats entre deux approches en
microfinance
Morduch (1998) distingue deux principaux
approches en microfinance qui sont : l'approche welfariste et l'approche
institutionnaliste. Les tenants de ces deux approches s'entendent sur
l'objectif général de la microfinance, à savoir la
réduction de la pauvreté à travers l'apport des services
financiers à une clientèle pauvre, mais s'opposent
néanmoins sur un nombre important d'enjeux s'y rattachant.
2.2.1.1.3.1. L'approche institutionnaliste
Cette approche vise la création d'institutions
financières vouées à servir des clients qui ne sont pas
servis ou qui le sont insuffisamment par le système financier formel.
Elle vise la création d'un système parallèle
d'intermédiation financière viable qui servirait les pauvres. La
thèse des institutionnalistes repose sur l'idée que le
microcrédit, aussi efficace soit-il, ne fera jamais de véritable
différence sur le niveau général de pauvreté dans
le monde si ses opérations dépendent du financement des donneurs.
Pour les partisans de cette approche, et afin d'assurer une autonomie
financière des IMF, et couvrir les coûts, l'approche commerciale
est inévitable. Ils estiment aussi que si une IMF augmente sa
clientèle et enregistre des taux de remboursement, elle couvre ses
coûts et ne dépend plus de subventions.
Selon les institutionnalistes, d'une part, la priorité
doit être l'atteinte du plus grand nombre de pauvres possible et non pas
l'atteinte des populations les plus pauvres : les IMF ne pourront aspirer
à l'autosuffisance financière que dans la mesure où
l'étendue de leurs opérations permettra certaines
économies d'échelles. D'autre part, le ciblage des populations
très pauvres est coûteux tout comme les opérations de
prêts à cette clientèle qui nécessitent l'octroi
d'un plus grand nombre de plus petits prêts.
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2.2.1.1.3.2. L'approche welfariste
C'est vers 1998 que la réplique de ceux qui
s'appelleront dorénavant les welfaristes s'organise. Leur position
s'articule autour des écrits de Jonathan Morduch (1998;
1999; 2000) et de Gary Woller, Christopher Dunford
et Warner Woodworth (1999), plus tard suivi par
d'autres tel John Hatch, fondateur de FINCA International
ou Anton Simanowitz (2002) directeur de Imp-Act, un consortium
visant la promotion de la performance sociale des IMF (Dugas-Iregui.S.
S, 2007)21. La démarche entreprise est que ces
welfaristes mettent l'accent sur le niveau de pauvreté des populations
ciblées et concentrent leurs efforts sur l'amélioration à
court terme des conditions de vie de leurs clients si ceux-ci demandent un
recours supplémentaire de subventions. Ainsi, les tenants de cette
approche se réfèrent à la qualité des donateurs,
pour ainsi argumenter leur position, en considérant que ces
investisseurs sociaux qui contribuent aux subventions des IMF ne sont pas
nécessairement attirés par les profits, mais plutôt sont
motivés par l'objectif de réduire la pauvreté.
Dans le même ordre d'idée, la vision de cette
approche dite de « bien être » ou en justifiant leur position
vis-à-vis des subventions : « moins intéressé par
l'activité bancaire en soi que par l'utilisation de services financiers
comme moyen d'alléger directement les pires effets de la pauvreté
profonde chez les participants et la communauté, même si certains
de ces services requièrent des subventions. Leur objectif tend à
être l'auto-emploi des plus pauvres économiquement actifs, en
particulier les femmes (...) le centre d'attention de la famille ».
(Woller et al, 1999)22.
Parmi les spécificités, une microfinance
subventionnée est d'aller en profondeur en termes de (budget et de
technique) dans le but d'évaluer régulièrement l'impact du
microcrédit sur ses clients. De toute évidence, cette
évaluation permet d'analyser les contraintes des clients et leurs
raisons de succès, éventuellement l'échec ou les cas
d'abandons de certains d'entre eux concernés par le programme de
microfinance.
En accordant un intérêt à la profondeur et
au degré de la portée de la microfinance (depth of outreach),
cette approche maximaliste opère d'un point de vue
d'équité sociale ayant pour objectif de soulager le fardeau de la
pauvreté, et l'efficacité économique n'est pas
visée proprement dit, tout en s'interrogeant non pas sur la question du
nombre de
21 Dugas-Iregui.S:«Débat entre institutionnalistes et
welfaristes en microfinance», collaboration spéciale, Nov. 2007.
22 Dugas-Iregui.S., 2007, op cité.
clients atteints, mais sur le type de clients ciblés et
tous les éléments relatifs à l'inadéquation entre
les besoins exprimés et les services offerts.
Le défit actuel des programmes de microcrédit,
d'où la microfinance au sens élargi, consiste à trouver un
juste équilibre ou arbitrage entre une rentabilité
financière satisfaisante et le maintien de la mission sociale. Il serait
juger souhaitable de relever que l'avenir de la microfinance se situe justement
à l'intersection de ces deux approches qu'il est utile de mettre
ensemble. Cette combinaison des bénéfices financiers et impact
social est projetée du fait que les donateurs sont avant tout soucieux
d'un engagement social et les investisseurs privés sont principalement
motivés par les avantages financiers issus de leurs placements.
Toutefois, il serait possible de mettre en relief ces deux
approches et leurs implications à travers la figure 2 ci-dessous.
Figure 2: Fonctionnement des approches
Welfariste et Institutionnaliste
Source : Ayayi et Noel, 2007
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