L'abà¢à¢, corps de garde et espace de communication chez les Fang d'Afrique centrale. Une préfiguration des réseaux sociaux modernes.( Télécharger le fichier original )par Gérard Paul ONJI'I ESONO Université de Yaoundé II Cameroun - Master 2015 |
2. RAISONS DU CHOIX DU SUJETNous avons grandi dans la tradition Fang. Depuis le bas âge, nous avons bénéficié d'un encadrement qui permettait de séjourner régulièrement au village pendant les vacances. L'on s'entendait répéter régulièrement que les hommes ne restent pas dans les cuisines, mais plutôt à l'Abââ. L'organisation des espaces au village a prévu, comme c'est le cas dans les autres communautés, ce cadre-là pour les hommes. Nous avons remarqué que c'est systématiquement que, après les travaux champêtres, nous nous retrouvions au corps de garde du village avec les autres frères et les aînés. Au fil du temps, nous avons observé que cette case abrite nombre d'activités relatives à la vie du village. Toutes les cérémonies impliquant la communauté villageoise et beaucoup d'échanges se déroulent à l'Abââ, sous la férule d'un aîné qui coordonne le tout, agissant autant comme modérateur que président des séances. Le constat se poursuit lorsque, nous avons remarqué que dans tout village fang, il existe un Abââ et que dans d'autres communautés culturellement et linguistiquement voisines comme chez les Bulu, les Ewondo, les Etôn et les Manguissa par exemple, cet élément n'existe presque pas. D'où la curiosité qui nous anime à vouloir comprendre pourquoi la présence de l'Abââ. A l'observation, ce système d'organisation met en action différents acteurs, chacun ayant ses affinités personnelles avec d'autres personnes dans le groupe. De plus, le fait que cette case soit un lieu de convergence dans le quotidien des peuples fang de l'Afrique Centrale, position qui l'apparente à une plateforme ou plaque tournante du village, suscite beaucoup de curiosité. En réalité, l'Abââ est devenu notre objet de recherche davantage lorsque, en transposant cet organe dans le domaine du fonctionnement des organisations de la société moderne, il nous a semblé possible d'envisager son analyse dans une perspective de réseaux de communication dans ce contexte rural ou traditionnel, à l'image du rôle que jouent présentement les réseaux sociaux moderne. Enfin, nous nous intéressons au champ de l'anthropologie de la communication dans les communautés africaines. L'Abââ est donc un phénomène qui peut être étudié dans cette perspective. 3. DELIMITATION DU SUJETCe travail n'est pas strictement du ressort de l'anthropologie, ni exclusivement du domaine des sciences de l'information et de la communication. Mais à travers la jonction qui s'établit dans l'analyse de l'Abââ comme réseau social de communication, cette recherche est scientifiquement éclairée par les deux disciplines. En tenant compte de ces deux disciplines, la présente étude rentre tout de même dans le champdel'organisation sociale. Il s'avère que dans leursrapports relationnels, les groupes sociaux génèrent des actes de communication interpersonnelle relevant de la vie en communauté. Cette étude aborde un phénomène social, lieu d'interactions diverses, en l'occurrence l'Abââ dans l'aire culturelle fang d'Afrique Centrale. Sur le plan géographique, certes l'on retrouve ce peuple au Gabon, en Guinée Equatoriale, au Cameroun, au Congo et à Sao Tomé Y Principe, mais cette étude s'est beaucoup plus circonscrite au Gabon (Bitam, Oyem et la région de Libreville), en Guinée Equatoriale (région de Kyè Ntem, Ebibeyin) et au Cameroun (département de la Vallée du Ntem). En effet, la concentration de la population dans ceszones permet de retrouver une représentation significative de toutes les tribus fang qui sont : les Ntumu, les Mvae, les Okak et les Zaman.5(*) La préoccupation qui nous anime est d'essayer de démontrer que dans la relation indéfectible qui unit le village Fang à l'Abââ, cette institution traditionnelle à multifonctions est un réseau social traditionnel ou communautaire de communication et d'interaction qui évolue dans un contexte culturel où les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) ne sont pas utilisées, parce qu'inexistantes. Au moment où le monde moderne connait une montée certaine des réseaux sociaux sous forme d'interfaces numériques, ce dispositif traditionnel d'interaction dans la société fang qu'est l'Abââ peut également intéresser la recherche. Il s'agit d'une structure qui met en place un système de communication et assure la cohésion sociale, le tout dénotant d'une organisationcertaine. * 5Fang, Ntumu et Mvae, représentent 20 % de la population au Cameroun, 40% de la population au Gabon, 80 % en Guinée équatoriale et quelques milliers de personnes au Congo, en République centrafricaine et à São Tomé, Lire l'article sur Jeuneafrique.com : Afrique centrale : bienvenue chez les Fangs www.jeuneafrique.com. |
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