Section II : Analyse critique de
l'intermédiation financière de l'UEMOA
1. Les spécificités du système
financier de l'UEMOA
Les pays de l'UEMOA ont entamé les politiques de
libéralisation financière à partir de1989.
Elles se caractérisent par : le retrait du
contrôle quantitatif du crédit, la privatisation des institutions
financières publiques, l'introduction de mécanismes de
marchés dans la gestion de
2 Ahmed Abdelkéfi: «L'économie
d'endettement n'a pas d'avenir en Afrique», 2008
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Licence 3 Finance - Comptabilité Année
académique 2013 - 2014
La finance islamique : Réglementation et financement des
PME dans l'espace UEMOA
SOUMANA ILLIASSOU Mounkaila
la politique de crédit (instauration de la
concurrence), la création d'un organisme de surveillance et la
libéralisation des taux d'intérêt. Ces réformes de
libéralisation du système financier visaient à augmenter
l'efficacité dans la mobilisation et l'allocation des ressources
financières. Cependant, malgré toutes ces mesures, le
système financier de la zone demeure « inefficace ». Dans
cette section, il convient donc de présenter les éléments
qui montrent l'inefficacité du système financier de l'UEMOA et
les échecs relatifs aux réformes financières de la
zone.
1.1. L'inefficacité du système financier
Selon la littérature un système financier est
efficace lorsqu'il dispose des instruments de financement de l'investissement
diversifiés. L'inefficacité du système financier se
traduit par la prédominance des institutions financières
bancaires qui n'offrent pas de services de qualité alors qu'elles
perçoivent de leurs clients des commissions, agios et
intérêts excessifs. Elles ne ressemblent même pas à
des caisses d'épargne car elles n'assurent pas bien leur rôle de
gardiennes des épargnes des populations surtout les plus
vulnérables. Ces banques sont l'expression et le lieu où se
manifeste la discrimination entre les riches et les pauvres dont l'accès
est interdit à ces derniers. Bref, elles ne contribuent pas à la
croissance économique des pays de la zone UEMOA. En plus de cela on a la
mauvaise allocation des ressources bancaires et le poids important du secteur
public et le développement du système financier informel.
1.2. Un système financier qualifié de «
réprimé »
Malgré la libéralisation financière
entamée depuis les années 1990, le système financier de
l'UEMOA peut être toujours qualifié de réprimé: par
sa faible mobilisation des ressources, de fortes pertes de crédits, des
coûts d'intermédiation élevés et d'excessives
ingérences politiques. Les institutions financières de la zone
sont très peu exposées à la concurrence et évoluent
dans un climat d'oligopole, ce qui n'incite pas ces dernières à
rechercher l'efficacité financière. Par exemple le spread du taux
d'intérêt moyen annuel est passé de 3,11% en 2008 à
3,18% en 2010. Somme toute, les banques financent peu l'investissement des
entreprises et collectent faiblement l'épargne. Elles ont un rôle
négligeable dans la promotion du développement et constituent un
frein à la croissance
En plus de cela, on peut ajouter les différentes
barrières à l'entrée sur le marché bancaire qui
constituent aussi un phénomène non négligeable. Les
conditions d'ouvertures de banque dans l'espace UEMOA ont continuées
à s'alourdir malgré la libéralisation entamée
depuis 1989. A titre illustratif, en 1989 pour ouvrir une banque au Burkina, il
fallait disposer un montant minimum de 50 millions mais en 2011 ce montant
s'élève à 10 milliards.
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Les politiques publiques (régimes des
propriétés, taux d'intérêt, orientation
sélective des crédits, lourdeurs de la fiscalité, etc.)
ont également affaibli les systèmes financiers. Tout d'abord, les
pouvoirs publics ont beaucoup intervenus dans la gestion des banques aussi
publiques que privées. Ensuite, les banques ont continué de
financer les déficits de 12 « Plus de 60% des actifs du
système bancaires sont détenus par quatre banques tout au plus
» Popiel (1995, p39) 13Cité par Chouchane-Verdier (2001)
l'administration et des entreprises publiques. Elles sont le prolongement du
budget et la forte proportion du crédit intérieur accordée
au secteur public évince le secteur privé. Les crédits aux
entreprises privées ne sont pas systématiquement examinés
et les procédures d'allocation des crédits laissent à
désirer: il y a la question des garanties qui, de fois dépassent
le montant sollicité. Par exemple de 2008 à 2009 les
crédits bancaires accordés au secteur public de l'UEMOA sont
passés en moyenne de 21,7 milliards à 19,5 milliards.
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