Ces contraintes sont dues en grande partie au fait que le
dispositif prudentiel ne prévoit pas des règles permettant de
gérer les risques propres à la finance islamique. Aussi, pour les
risques pris en charge, les règles établies ne permettent pas une
gestion efficace de ces derniers.
Il s'agira de soulever dans cette partie uniquement les
contraintes liées au dispositif prudentiel. Les recommandations suivront
dans la partie consacrée à cet effet. Ainsi un certain nombre de
contraintes peuvent être soulevées relativement :
? Au risque commercial translaté :
C'est le risque qu'une insuffisance de rendement des actifs
de la banque islamique ne se translate en crise de liquidité,
conséquence de l'insatisfaction des déposants. Ce risque est
défini par l'Islamic Financial Services Board (IFSB) comme
étant celui se référant aux pertes que la banque islamique
absorbe pour s'assurer que les titulaires des comptes d'investissement sont
rémunérés à un taux de rendement équivalent
à un taux de référence
(IFSB, norme 76). En effet, un des principes cardinaux de la
finance islamique réside dans les
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PME dans l'espace UEMOA
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3P (partage des profits et des pertes), qui a donné
naissance aux comptes d'investissement (PSIA, pour Profit-Sharing
Investment Accounts). Les déposants partagent donc les rendements
de la banque islamique. Si les rendements sont insuffisants, la banque est
naturellement sujette au risque de «la ruée vers la banque»
(bank run), qui est un risque de retrait massif et soudain des
dépôts. Ce type de risque n'est pas prévu par le dispositif
prudentiel bien que des mesures existent pour le gérer.
? Au rapport fonds propres sur risques
Ce ratio vise à rendre cohérents les fonds
propres avec les risques encourus par les établissements financiers. Il
comprend au numérateur le montant des fonds propres effectifs de la
banque, et au dénominateur, l'ensemble des risques encourus par cette
dernière. Avant 1996, la principale variable prise en compte
était le montant du crédit distribué. Seul le risque de
crédit était considéré dans ce ratio
dénommé ratio de Cooke.
Ratio de Cooke
Le dispositif prudentiel de l'UEMOA tient compte de cette
norme internationale. Ainsi, il prévoit que « la règle
de couverture des risques est définie par un rapport minimum à
respecter, dit « rapport fonds propres sur risques ». Ce ratio
comporte au numérateur, le montant des fonds propres effectifs de la
banque ou de l'établissement financier, et au dénominateur, les
risques nets... le pourcentage minimum à respecter est fixé
à 8% »13. En essayant de mapper ces normes de
gestion de risque sur les banques islamiques, nous nous rendons compte que
seuls les risques génériques sont pris en compte. Les risques
spécifiques aux banques islamiques cités plus haut ne sont pas
pris en charge. De plus le problème des fonds des comptes
d'investissement n'est pas pris en compte. Peuvent-ils être
considérés comme des fonds propres ou de simples
dépôts ?
Les risques spécifiques à la FI combinés
aux problèmes liés aux comptes d'investissement remettent en
cause la pertinence de ce ratio dans la gestion des risques des banques
islamiques.
13 Dispositif prudentiel applicable aux banques et
aux établissements financiers de l'UMOA à compter du
1er janvier 2000, VII.1. La couverture des risques.
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Nous verrons dans les recommandations les alternatives
proposées par l'IFSB pour une gestion optimale de ces risques.
? Au coefficient de couverture des emplois à
moyen et long terme par des ressources stables :
Ce coefficient sert à éviter une transformation
excessive des ressources à vue ou à court terme en emplois
à moyen ou long terme. Les banques doivent en effet financer une
certaine proportion de leurs emplois à moyen et long terme par des
ressources stables. Ainsi, « La norme à respecter pour le
coefficient de couverture des emplois à moyen et long terme par des
ressources stables est fixée à 75% minimum
»14. Le coefficient de couverture des emplois à
moyen et long terme par des ressources stables est exprimé par le
rapport suivant :
Les ressources des banques islamiques ne sont pas très
longues. Elles sont constituées, en dehors des fonds propres, des
dépôts à vue et des comptes d'investissement qui sont
généralement à court terme. En sus de
l'impossibilité pour la banque islamique de se refinancer avec de
l'argent frais, la maturité des emplois de cette dernière est
généralement plus longue que les ressources mises à sa
disposition. Elles sont donc confrontées à des difficultés
pour le respect de ce ratio.
? Au ratio de structure de portefeuille
La banque centrale, lors de la refonte de ses règles
d'intervention et de sa politique monétaire en 1989, a accordé
une priorité à la qualité des emplois bancaires, en
particulier les crédits.
Aussi, un système des accords de classement va-t-il
été mis en place en janvier 1992, objet d'instructions
détaillées aux banques et établissements financiers
15 . Depuis lors, les établissements assujettis sont tenus de
respecter un ratio de structure de portefeuille appréciant la
qualité de ce dernier. Le dispositif des accords de classement a pour
objectif d'inciter les banques à détenir des actifs sains et
à leur fournir des outils d'analyse financière homogène.
Il permet en outre à la Banque Centrale d'apprécier à
postériori la qualité des signatures détenues en
portefeuille par le système bancaire et de déterminer l'encours
mobilisable auprès d'elles.
14 Dispositif prudentiel applicable aux banques et
aux établissements financiers de l'UMOA à compter du
1er janvier 2000, VII.2.d. Coefficient de couverture des emplois
à moyen et long terme par des ressources stables
15 Dispositif prudentiel applicable aux banques et
aux établissements financiers de l'UMOA à compter du 1er janvier
2000, VII.3.3. Le ratio de structure de portefeuille
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Le ratio de structure du portefeuille est défini par
un rapport entre d'une part, l'encours des crédits
bénéficiant des accords de classement délivrés par
l'Institut d'émission à la banque déclarante, et d'autres
part, le total des crédits bruts portés par
l'établissement concerné.
Lors de la mise en place de ce ratio, deux groupes de ratios
financiers fondent l'examen des dossiers de demande des accords de classement.
Il s'agit des ratios de décision qui conditionnent l'accord ou le rejet
de la demande et les ratios d'observation permettant d'appuyer
éventuellement des recommandations. Pour les premiers, il s'agit du
ratio d'autonomie financière, de capacité de remboursement, de
rentabilité et de liquidité générale. Enfin, les
seconds ratios permettent de migrer les accords de classement vers un
système de scoring. Pour les demandes de classement introduites
par les banques islamiques, d'autres facteurs sont à prendre en
considération. En effet, il faudrait que des facteurs tels que la
productivité et/ou la rentabilité du projet et même la
conformité avec la Gharia soient mis en avant.