§3. Les dispositifs de la mise en place de la «
Culture » Compliance
Si la « Culture » Compliance a pour vecteur
principal les codes éthiques, il est néanmoins nécessaire
de concrétiser encore plus cette notion, pour rendre la « Culture
» Compliance applicable opérationnellement.
Ce versant de la Compliance, qui adopte ici un rôle
pédagogique, passe par des échanges entre les personnes en charge
de la Compliance et les personnes dont l'activité est autre.
Ces échanges prennent souvent la forme de formations.
Ces formations sont le meilleur moyen de diffusion de la « Culture »
Compliance. Au cours de ces rencontres entres les acteurs directs de la
Compliance et les autres acteurs, également concernés par cette
problématique mais dont l'activité principale est autre,
plusieurs objectifs sont poursuivis.
127 Voir J.Y. TROCHON, « les risques juridiques
liés à la mise en place d'une démarche éthique dans
l'entreprise », Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet
2012.
128 Voir C. ROQUILLY & C. COLLARD, note 40 supra.
129 Voir F.VERDUN, « les risques juridiques
liés à la mise en place d'une démarche éthique dans
l'entreprise », Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet 20
12.
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Le premier est de « dédiaboliser » la
Compliance. Une contrainte est toujours moins bien perçue - et donc les
gens moins enclin à la respecter - lorsque celle-ci apparaît comme
illégitime. En ce sens, l'objectif des formations va d'abord consister
en une phase de sensibilisation à la lutte contre la Corruption. Il
s'agira alors de développer certains des différents points
abordés jusqu'alors dans ce mémoire : les objectifs que poursuit
cette lutte à l'échelle mondiale, les contraintes qui en
découlent pour l'entreprise, puis ce en quoi consiste la Compliance dans
leur entreprise matériellement et enfin, les valeurs promues.
L'objectif suivant sera de rapprocher la Compliance de
l'individu. Bien entendu, la mise en avant de la sanction individuelle (autant
disciplinaire que juridictionnelle) aura un rôle dissuasif. Mais ce n'est
pas là le seul aspect de la Compliance à cette échelle. La
Compliance doit en effet se baser sur un système volontariste,
coopératif, ce qui demande une volonté personnelle des acteurs
pour être réellement efficiente. La seule peur d'une sanction ne
suffit pas toujours, et elle n'est certainement pas le meilleur moyen de
fédérer les gens.
La Compliance doit donc se baser sur une volonté de
collaboration entre la fonction de Compliance et les autres fonctions de
l'entreprise. Cela se traduit notamment par l'apport de réponses aux
questions de personnes qui ne sont pas issues de formations juridiques. Ces
questions sont d'autant plus intéressantes, par ailleurs, en ce qu'elles
permettent un regard extérieur sur la Compliance ; et donc d'adapter les
procédures le cas échéant.
La Compliance nécessite la coopération des
divers acteurs pour permettre l'implantation de cette coopération «
interservices ». Cette collaboration ne peut s'installer de façon
durable qu'en présence d'une « Culture » Compliance forte.
Mais la Compliance doit conserver son aspect indépendant, au risque d'en
perdre son caractère contraignant aux yeux de certains. Ainsi, plus le
niveau hiérarchique de la fonction de Compliance est
élevé, plus celle-ci sera susceptible d'avoir un effet positif
sur la volonté de coopération130.
Enfin, la coopération des acteurs nécessaires
à l'effectivité d'une Compliance pourra être
facilitée en leur expliquant les avantages que celle-ci peut
entraîner.
Sous-Section III. Les avantages de la
Compliance
§1. L'optimisation des processus
Si la mise en place de la Compliance représente un
coût, il faut d'abord la concevoir comme un
investissement.131
Dès lors que la Compliance de l'entreprise est
efficace, qu'elle ne rencontre donc pas les écueils d'une Compliance
inadaptée à l'entreprise, il est alors possible de la concevoir
comme créatrice d'avantages autres que la gestion du risque de
poursuites légales.
130 M.DELMAS et A.KELLER, « strategic free riding in
voluntary programs : The case of the US EPA Wastewise program», Policy
Sciences, 2005.
131 R. SAINTE FARE GARNOT, « la conformité
réglementaire et les programmes de Compliance », Cahiers de droit
de l'entreprise n°2, mars 2010.
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La Compliance a d'abord un avantage qui est le reflet du
risque d'atteinte à l'image de l'entreprise.
En effet, au-delà d'éviter la dégradation
de l'image de l'entreprise provoquée par des poursuites judiciaires, la
Compliance peut être un atout pour la réputation de l'entreprise.
Développer une Compliance et surtout véhiculer cette image
d'entreprise « Compliant » est d'autant plus important après
une condamnation pour des faits de Corruption, afin de réinstaller la
confiance des partenaires de l'entreprise.
Optimiser sa Compliance permet également à une
entreprise d'accélérer les procédures de Compliance, de
les rendre à la fois moins gourmandes en ressources et plus
adaptées à l'entité qui y est soumise. Cela pourra par
exemple se traduire par une rationalisation du déclenchement des
procédures de due diligence. Cela peut aussi s'illustrer dans une
négociation accélérée des clauses de Compliance au
sein des contrats.
Avoir une Compliance efficace et reconnue comme telle aura
aussi un impact vis-à-vis des assureurs, en diminuant là aussi
des coûts qui ne sont pas directement liés à la lutte
contre la Corruption.
Toujours concernant la diminution des coûts «
externes », une Compliance suffisamment forte et développée
permettra une diminution maximale liée à l'internalisation du
processus de Compliance dans son entièreté (en ne confiant pas
les divers rôles de la Compliance à des acteurs externes,
notamment en ce qui concerne la formation, les vérifications de
réputation par internet, etc.).
Enfin, les avantages de la Compliance anti-Corruption se
retrouvent dans une catégorie à part entière liée
à son rôle sur le marché concurrentiel.
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