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Le role de la compliance anti corruption

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par Julien Quijoux
Université Versailles Saint Quentin - Master 2 Droit pénal des Affaires 2012
  

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Section II. Les risques de non Compliance

Les risques sont, pour la Compliance, un élément essentiel. Il s'agit là l'une de ses principales préoccupations, si ce n'est la principale.

Pour une entreprise, un « risque » est une situation qui est potentiellement dommageable économiquement. Par ailleurs, le préjudice financier peut être soit direct, soit indirect. Les risques doivent donc être anticipés quant à leur existence, mais aussi quant à leurs effets87.

La Compliance d'entreprise, dans le cade de la lutte contre la Corruption sert non seulement à protéger l'entreprise contre les risques (Sous-Section I) ; mais son utilité va également au-delà, puisque lorsque le risque se réalise malgré tout, la Compliance va encore trouver un rôle économiquement favorable, dans le calcul de la sanction pénale (Sous-Section II).

Sous-Section I. La Compliance d'entreprise en tant que protection de l'entreprise

Les risques de perte économiques peuvent être soit directs, c'est-à-dire que la concrétisation de l'évènement défavorable induite dans la notion de risque entraîne une perte financière immédiate pour l'entreprise ; soit indirects, c'est-à-dire que la perte financière de l'entreprise ne résulte pas immédiatement de la réalisation du dommage, mais en découle in fine.

87 J.P. DOM, « Le gouvernement d'entreprise, technique d'anticipation des risques », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n°24, 14 juin 2012, p. 1387.

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§1. Les risques directs : les poursuites légales

Le premier risque que la Compliance doit chercher à éviter est la condamnation pour des faits de Corruption. Ainsi, l'essence même du mot Compliance découle de cette conception de respect des normes par l'entreprise.

Le risque de condamnation est celui qu'il est le plus impératif d'éviter. Sa réalisation conditionne la réalisation des autres risques que la Compliance vise aussi à éviter. En matière de Corruption, il est également financièrement très important.

Les sanctions peuvent être de différentes natures. Aux Etats-Unis, celles-ci sont à la fois civiles (en cas de condamnation par la SEC) et pénales (lorsque le DOJ se saisit de l'affaire) ; et elles se cumulent. Les sanctions pourraient également être administratives. En réalité, cela a peu d'importance. Ce qui est intéressant, ce sont les sanctions en elles-mêmes, le détail de leurs caractéristiques, plus que leur nature juridique.

La sanction la plus évidente est l'amende. Qu'elle soit pénale ou civile, prononcée sous la forme de dommages-intérêts, de frais de procédure ou de toute nature, l'amende est la perte économique la plus directe et la plus concrète qui soit pour l'entreprise.

C'est également la sanction pénale, clairement chiffrée et publiée, qui est la sanction la plus marquante.

Cette sanction ne comprend d'ailleurs pas que des amendes pour l'entreprise. Ainsi, tout un arsenal de mesures complémentaires est envisageable. Le droit français prévoit notamment pour la Corruption :

· l'interdiction d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, pour une durée de cinq ans ;

· un placement sous surveillance judiciaire pour une durée de cinq ans au plus ;

· une peine de fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de un ou plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés88 ;

· l'interdiction de faire appel public à l'épargne89 ;

· la confiscation de la chose qui en est le produit de la Corruption, à l'exception des choses susceptibles de restitution90.

Cette dernière a d'ailleurs le vent en poupe au niveau international.91

88 Article 445-4, 2° du Code pénal.

89 Article 445-3, 2° du Code pénal.

90 Article 445-3 du Code pénal.

Si ces mesures sont rarement prononcées au niveau français, les régulateurs américains, eux, font pleine application des mesures complémentaires mises à leur disposition.

91 Cf. Loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant à permettre l'exécution transfrontalière des confiscations en matière pénale. Mais également le document de travail des services de la Commission européenne accompagnant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil européen concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l'Union européenne, 12 mars 2012.

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Une des mesures les plus marquantes est certainement l'obligation de monitorat92. Cette obligation imposée à la suite d'une condamnation par le DOJ, la SEC, l'UKBA ou la Banque Mondiale consiste en la nomination (imposée à l'entreprise) d'un observateur de la Compliance de l'entreprise. Ce moniteur est généralement un juriste spécialement compétent en la matière, dont le rôle sera d'observer le comportement de l'entreprise, et d'en faire des rapports réguliers aux autorités. Son rôle consiste également à coopérer avec l'entreprise, pour permettre à celle-ci de faire évoluer sa politique de Compliance. Pour mener à bien sa mission, celui-ci est nommé une durée de plusieurs années. Cette durée est fixée par le jugement ou l'Accord clôturant les poursuites.

Entre 2004 et 2010, près de 40% des affaires de Corruption jugées sur le fondement du FCPA par le DOJ se sont conclues par un monitorat93. Il est d'ailleurs intéressant de noter que les autorités américaines font évoluer cette obligation, ce qui laisse à supposer que celle-ci tend à devenir systématique. Ainsi, le DOJ a-t-il permis à plusieurs entreprises de choisir elles-mêmes leur moniteur94. Le monitorat a également pu se décliner sous d'autres formes, tels que des examens périodiques95, ou encore la nomination d'un « consultant Compliance », dont les rapports ne sont pas faits au DOJ, mais au conseil d'administration de l'entreprise96.

Ce dispositif de monitorat a également vocation à se développer partout où la lutte contre la Corruption est efficace. La Banque Mondiale a ainsi récemment imposé un monitorat à ALSTOM97.

Mais outre les préjudices directs causés par la perte financière immédiate d'une amende ou les peines complémentaires comme le monitorat, un défaut de la Compliance d'une entreprise lui cause également d'autres dommages, indirects. Ces dommages - que la Compliance s'efforce de contenir au stade de risques - bien que difficilement chiffrables, n'en sont pas moins coûteux économiquement pour l'entreprise.

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